Conseil d'Etat, SECTION, du 10 juillet 1992, 110214, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat, SECTION, du 10 juillet 1992, 110214, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat - SECTION
statuant
au contentieux
- N° 110214
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
10 juillet 1992
- Rapporteur
- Ménéménis
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 septembre 1989 et 5 janvier 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X..., demeurant ... du Saule à Dijon (21000) ; M. Brunner demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 27 juin 1989 par lequel la cour administrative d'Appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 avril 1987 rejetant sa demande de réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes, - les observations de Me Luc-Thaler, avocat de M. Jean X..., - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'administration, ayant redressé les bénéfices imposables de la société Musel S.B.P., a estimé que M. Brunner devait être regardé, en application des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts, comme le bénéficiaire d'une somme de 29 324 F, correspondant au montant de primes payées par la société et afférentes à un contrôle d'assurance destiné à garantir l'engagement de caution qu'il avait souscrit au profit de la banque de la société ; qu'à raison de cette somme, M. Brunner a été assujetti à un complément d'impôt sur ce revenu au titre de l'année 1981 ; Considérant que lorsqu'une banque consent à une société un crédit dont l'octroi est subordonné à la caution d'un dirigeant de cette société, cette caution étant elle-même garantie par la souscription d'une assurance-décès, les primes afférentes à cette assurance constituent une charge normale de la société lorsque l'assurance est souscrite au bénéfice de cette dernière ou de la banque ; que, dans le cas où le crédit consenti par la banque consiste en l'octroi d'une autorisation de découvert dont seul le maximum est fixé et dont le montant peut être inférieur à ce maximum ou même nul lors du décès éventuel du dirigeant qui a accordé sa caution, les primes d'assurance peuvent constituer une charge normale de l'entreprise, dès lors que les stipulations contractuelles garantissent que l'indemnité d'assurance sera versée à la banque dans toute la mesure où les engagements de remboursement pris par la société à son égard ne seraient pas respectés ; que la seule circonstance qu'une opération de cette nature puisse comporter un avantage éventuel pour un tiers, ne suffit pas à lui donner le caractère d'une opération anormale dès lors qu'elle n'est pas contraire ou étrangère aux intérêts de la société ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que la société Musel S.B.P. a obtenu du Crédit Lyonnais la ligne de découvert qu'elle sollicitait pour les besoins de son exploitation à condition que son président M. Brunner fournisse sa caution personnelle ; que la banque lui a demandé par lettre du 28 avril 1980 d'inviter M. Brunner à souscrire une assurance-décès dont le capital serait tenu à sa disposition pour la durée de ses engagements ; qu'un tel contrat d'assurance a été signé le 23 mars 1981 ; que si l'épouse de l'assuré et, à défaut, ses héritiers ou ayants-droit, étaient désignés comme bénéficiaires, un notaire était simultanément désigné comme réceptionnaire du capital-décès et que, par lettre du 21 avril 1981, M. Brunner prescrivait au notaire de conserver les fonds jusqu'au complet remboursement des sommes dues à la banque ou, en cas de non-remboursement, de les remettre à celle-ci ; que la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir, par une appréciation souveraine des faits, estimé que l'assurance ainsi souscrite satisfaisait aux exigences de la banque dont le concours répondait aux besoins de la société, n'a pu légalement qualifier de libéralité consentie à M. Brunner, constituant un acte anormal de gestion, les primes d'assurance versées par la société en 1981, ni refuser, par ce motif, de les regarder comme des charges normales déductibles des bénéfices imposables ; que l'arrêt du 27 juin 1989 doit, par suite, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, pour les motifs susénoncés les primes d'assurances versées en 1981 par la société Musel constituaient une charge déductible de ses résultats en application des dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts ; que le montant de ces primes ne pouvait donc être regardé comme un revenu distribué à M. Brunner en application des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts ; que M. Brunner est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement du 7 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
Article 1er : L'arrêt du 27 juin 1989 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : Le jugement du 7 avril 1987 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 3 : M. Brunner est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Brunner et au ministre du budget.
Considérant que l'administration, ayant redressé les bénéfices imposables de la société Musel S.B.P., a estimé que M. Brunner devait être regardé, en application des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts, comme le bénéficiaire d'une somme de 29 324 F, correspondant au montant de primes payées par la société et afférentes à un contrôle d'assurance destiné à garantir l'engagement de caution qu'il avait souscrit au profit de la banque de la société ; qu'à raison de cette somme, M. Brunner a été assujetti à un complément d'impôt sur ce revenu au titre de l'année 1981 ; Considérant que lorsqu'une banque consent à une société un crédit dont l'octroi est subordonné à la caution d'un dirigeant de cette société, cette caution étant elle-même garantie par la souscription d'une assurance-décès, les primes afférentes à cette assurance constituent une charge normale de la société lorsque l'assurance est souscrite au bénéfice de cette dernière ou de la banque ; que, dans le cas où le crédit consenti par la banque consiste en l'octroi d'une autorisation de découvert dont seul le maximum est fixé et dont le montant peut être inférieur à ce maximum ou même nul lors du décès éventuel du dirigeant qui a accordé sa caution, les primes d'assurance peuvent constituer une charge normale de l'entreprise, dès lors que les stipulations contractuelles garantissent que l'indemnité d'assurance sera versée à la banque dans toute la mesure où les engagements de remboursement pris par la société à son égard ne seraient pas respectés ; que la seule circonstance qu'une opération de cette nature puisse comporter un avantage éventuel pour un tiers, ne suffit pas à lui donner le caractère d'une opération anormale dès lors qu'elle n'est pas contraire ou étrangère aux intérêts de la société ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que la société Musel S.B.P. a obtenu du Crédit Lyonnais la ligne de découvert qu'elle sollicitait pour les besoins de son exploitation à condition que son président M. Brunner fournisse sa caution personnelle ; que la banque lui a demandé par lettre du 28 avril 1980 d'inviter M. Brunner à souscrire une assurance-décès dont le capital serait tenu à sa disposition pour la durée de ses engagements ; qu'un tel contrat d'assurance a été signé le 23 mars 1981 ; que si l'épouse de l'assuré et, à défaut, ses héritiers ou ayants-droit, étaient désignés comme bénéficiaires, un notaire était simultanément désigné comme réceptionnaire du capital-décès et que, par lettre du 21 avril 1981, M. Brunner prescrivait au notaire de conserver les fonds jusqu'au complet remboursement des sommes dues à la banque ou, en cas de non-remboursement, de les remettre à celle-ci ; que la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir, par une appréciation souveraine des faits, estimé que l'assurance ainsi souscrite satisfaisait aux exigences de la banque dont le concours répondait aux besoins de la société, n'a pu légalement qualifier de libéralité consentie à M. Brunner, constituant un acte anormal de gestion, les primes d'assurance versées par la société en 1981, ni refuser, par ce motif, de les regarder comme des charges normales déductibles des bénéfices imposables ; que l'arrêt du 27 juin 1989 doit, par suite, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, pour les motifs susénoncés les primes d'assurances versées en 1981 par la société Musel constituaient une charge déductible de ses résultats en application des dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts ; que le montant de ces primes ne pouvait donc être regardé comme un revenu distribué à M. Brunner en application des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts ; que M. Brunner est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement du 7 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
Article 1er : L'arrêt du 27 juin 1989 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : Le jugement du 7 avril 1987 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 3 : M. Brunner est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Brunner et au ministre du budget.