Conseil d'Etat, 7 / 8 SSR, du 8 novembre 1978, 04233, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur X... , ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 13 août 1976 et 28 janvier 1977 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 13 mai 1976 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en réduction des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques auxquelles il a été assujetti au titre des années 1966, 1967, 1968 et 1969 dans les rôles de la ville ... . Vu le Code général des impôts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué et des pièces de la procédure de première instance que les premiers juges, ont sur tous les points en litige, suffisamment motivé leur jugement eu égard aux conclusions et moyens qui leur étaient présentés.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses : Considérant qu'il est constant que le requérant a fait connaître à l'Administration, dans le délai de trente jours qui lui était imparti, son désaccord sur les redressements qu'il conteste devant le juge de l'impôt ; que l'affaire n'a été sur aucun point soumise à l'appréciation de la commission départementale des impôts ; que, par suite, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le ministre délégué à l'Economie et aux Finances, la charge de la preuve incombe à l'Administration.
En ce qui concerne la déduction supplémentaire de 30 % pour frais professionnels : Considérant que, pour la détermination du salaire net imposable en application de l'article 83 du Code général des impôts, l'article 5 de l'annexe IV audit Code dispose que les voyageurs, représentants et placiers de commerce et d'industrie ont droit à une déduction supplémentaire de 30 % pour frais professionnels ; que peuvent seuls se prévaloir de cette disposition les contribuables qui remplissent les conditions prévues à l'alinéa 1er de l'article L. 751-1 du Code du travail ou qui, même sans remplir toutes ces conditions exercent une activité effective de voyageurs, représentants ou placiers, quelle que soit d'ailleurs la dénomination donnée à cette activité dans les relations entre les contribuables et leur employeur et, en outre, se trouvent dans un état de subordination vis-à-vis de leur employeur pour l'exercice de cette activité. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si le sieur X... prospectait et visitait effectivement la clientèle de la société Y... il a été, en 1963, l'un des fondateurs de ladite société et en est, en outre, depuis cette date, l'un de ses administrateurs ; qu'il participe avec la dame X... son épouse, qui est Président-directeur général de cette société, à la direction de l'entreprise ; que sa rémunération était calculée en 1966 en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans la région parisienne et, les années suivantes, en pourcentage du chiffre d'affaires global de la société sans qu'aucune distinction fût faite entre les contrats ou entre les clients selon le rôle joué par le sieur X... dans la conclusion de chaque affaire ; qu'il résulte de ces circonstances comme de la nature et de l'étendue des fonctions salariées qu'il a exercées au sein de l'entreprise pendant les quatre années litigieuses que le requérant ne peut être regardé comme étant en droit de bénéficier d'une déduction supplémentaire de 30 % pour frais professionnels au titre des années 1966, 1967, 1968 et 1969.
En ce qui concerne le caractère excessif des rémunérations versées au sieur X... au cours des années 1966, 1967, 1968 et 1969 : Considérant qu'après avoir, sur le fondement des dispositions de l'article 39-1 du Code général des impôts, distrait des charges de la société Y... et réintégré dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés la fraction des rémunérations du sieur X... qu'elle estimait excessive, l'administration a, en application des dispositions de l'article 111-d du même code, regardé ces excédents de rémunérations comme des bénéfices distribués et les a soumis, au nom du sieur X... à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Considérant qu'en se référant à des circonstances non contestées ou qui peuvent être regardées comme établies, telles que la nature et la qualité des services rendus par le sieur X... la dimension de l'entreprise et son développement au cours des années litigieuses, le montant relativement faible des résultats comptables constatés, enfin le niveau des salaires alloués aux autres collaborateurs de la société, l'administration doit être regardée, en l'espèce, comme apportant la preuve que le montant normal des rémunérations salariales à allouer au sieur X... ne pouvait excéder les chiffres retenus par le vérificateur, soit 96000 F pour 1966 et 120000 F pour chacune des trois années suivantes ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le surplus des rémunérations effectivement perçues par l'intéressé a été regardé comme constituant des revenus de capitaux mobiliers et imposé comme tel.
En ce qui concerne les frais de location, d'entretien et d'amortissement du yacht ... : Considérant qu'aux termes de l'article 111 du Code général des impôts : "sont notamment considérés comme revenus distribués : ... e les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions de l'article 39-4" ; qu'en application des dispositions de l'article 39-4 dudit code selon lesquelles, "sauf justification", les dépenses de toute nature exposées par une entreprise en vue d'obtenir la disposition et assurer l'entretien de yachts ou de bateaux de plaisance sont exclues des charges déductibles, l'administration a réintégré dans les bases de l'impôt sur les sociétés auquel la société Y... a été assujettie au titre des années 1967, 1968 et 1969, les frais exposés par cette société pour la location, l'entretien et l'amortissement d'un yacht loué, puis acquis par elle en 1967 ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 111-a du Code général des impôts, l'administration a regardé les sommes correspondantes comme constituant des revenus distribués et les a soumises au nom du sieur X... à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Y... a transformé les installations de ce yacht en vue de leur aménagement en bureaux ; que, si l'administration allègue que ce bateau, ancré à ... demeurait "armé en plaisance" et qu'un marin restait à bord pour assurer l'entretien des moteurs, il est constant que ce bateau, que la société était tenue par les règlements de sécurité du port de maintenir à tout moment en état de manoeuvrer, n'a servi à aucun usage autre que celui d'agence locale de la société Y... ; que, dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant apporté les justifications requises par la loi pour justifier le caractère de charges déductibles des dépenses précitées ; qu'il est par suite fondé à demander la réduction des bases de l'imposition litigieuse à concurrence de 20600 F pour 1967, de 46391 F pour 1968 et de 41475 F pour 1969.
En ce qui concerne la réintégration d'une somme de 4250 F dans les revenus imposables au titre de chacune des années 1967, 1968 et 1969 : Considérant qu'aux termes de l'article 158-3 du Code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuse : "Lorsqu'ils sont payables en espèces, les revenus des capitaux mobiliers visés à l'alinéa précédent sont soumis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèque, soit de leur inscription au crédit d'un compte". Considérant que, pour justifier la réintégration dont s'agit, l'administration se fonde sur trois écritures passées par la société Y... au "Journal des opérations diverses", respectivement en 1967, 1968 et 1969 et qui ont consisté, au titre de la répartition des bénéfices de l'exercice précédent décidée par l'assemblée générale ordinaire et en sus des sommes portées au crédit des comptes "réserves générales" et "report à nouveau", à créditer d'une somme de 4250 F, en 1967, un compte "44 dividendes à payer", en 1968, un compte "446 compte courant administration "et en 1969, un compte courant Madame X... par le débit, pour chacune de ces trois années, du compte "88 bénéfices à répartir".
Considérant en premier lieu que le compte ainsi crédité en 1967 avait, comme le montre sa dénomination le caractère d'un compte collectif de tiers et que, par suite, l'inscription de la somme de 4250 F à ce compte n'avait pas, par elle-même, pour effet d'autoriser le sieur ou la dame X... à opérer un prélèvement sur ce compte ; qu'en outre, l'administration n'apporte pas la preuve que ce compte ait été en tout ou partie soldé à la clôture de l'exercice par le paiement des sommes litigieuses à la dame X... que, par suite, le sieur X... est fondé à demander la réduction, à concurrence de 4250 F, du montant des revenus de capitaux mobiliers retenus pour l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques dû par lui au titre de l'année 1967. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Y... avait, comme il a été dit ci-dessus, inscrit, au cours des années 1968 et 1969, une somme de 4250 F au crédit d'un compte 446 intitulé dans le plan comptable général "comptes courants administrateurs" et dénommé par la société tantôt "compte courant administration", tantôt "compte courant Madame X..." qui, eu égard au fait qu'elle était président-directeur général de ladite société, doit être regardée comme ayant disposé des sommes précitées avant le 31 décembre de chacune des deux années précitées ; que le sieur X... n'est, par suite pas fondé à constester ces chefs de redressement.
Décide : ARTICLE 1ER - Les bases de l'impôt sur le revenu des personnes physiques auquel le sieur X... a été assujetti par voie de rôles supplémentaires seront réduites de la somme de 24916 F au titre de l'année 1967, de 46391 F au titre de l'année 1968 et de 41475 F au titre de l'année 1969.
ARTICLE 2 - Il est accordé au sieur X... décharge de la différence entre le montant des droits auxquels il a été assujetti dans les rôles de la ville ... au titre des années 1967, 1968 et 1969 et le montant de ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
ARTICLE 3 - Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 13 mai 1976 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
ARTICLE 4 - Le surplus des conclusions de la requête susvisée du sieur X... est rejeté.
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