Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 11-20.502, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-20.502
- ECLI:FR:CCASS:2012:SO02630
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mai 2011), que M. X... a été engagé en qualité de directeur de région par la société Torraspapel dont l'activité est régie par la convention collective nationale de la distribution et du commerce de gros des papiers cartons ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la société Torraspapel fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une certaine somme à titre d'indemnité pour occupation du domicile personnel, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité d'occupation professionnelle du domicile privé lorsqu'il a de son propre chef exécuté une partie de ses tâches à son domicile ; qu'en condamnant la société Torraspapel au versement d'une indemnité pour occupation professionnelle du domicile privé, sans rechercher ni vérifier si l'exercice par M. X... d'une partie de son travail à son domicile personnel lui avait été imposé ou même demandé par la société ou si ce dernier n'avait pas de son propre chef pris la liberté de travailler une partie de la semaine chez lui, ce qui est exclusif du droit au paiement d'une telle indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 et 1134 du code civil, L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu'en se fondant sur la circonstance selon laquelle " les commerciaux exerçant en dehors de l'Ile-de-France n'avaient pas de bureau pour gérer et stocker leurs dossiers clients, pour se connecter aux données et aux informations fournies, lire les courriels, y répondre... " pour faire droit à la demande indemnitaire du salarié, sans répondre au moyen par lequel la société Torraspapel faisait valoir qu'ayant refusé la proposition qui lui avait été faite de se voir mettre à disposition un local loué avec ligne téléphonique et accès internet le salarié ne pouvait soutenir avoir été contraint de travailler chez lui et prétendre en conséquence au paiement d'une indemnité d'occupation professionnelle de son domicile privé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à titre subsidiaire et en toute hypothèse, visant à la compensation de la sujétion qu'elle cause au salarié et au remboursement de frais professionnels, l'indemnité d'occupation à titre professionnel du domicile privé est soumise à la prescription quinquennale ; la cour d'appel ayant fixé le montant de l'indemnité à 960 euros par an, M. X... ne pouvait dés lors en tout état de cause prétendre qu'au paiement d'une somme de 4 800 euros, correspondant à cinq années de rappel d'indemnité ; qu'en lui accordant une somme de 7 680 euros correspondant à huit années de rappel d'indemnité, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 3245-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de la procédure que la fin de non-recevoir tirée du délai de prescription ait été invoquée devant les juges du fond qui n'avaient pas le pouvoir de la relever d'office ; que le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, ensuite, que le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié, à l'instar des commerciaux travaillant en dehors de l'Ile-de-France, ne disposait pas de bureau pour gérer et stocker ses dossiers clients, se connecter aux données et aux informations fournies par l'entreprise, lire les courriels et y répondre ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Torraspapel France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Torraspapel France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société TORRASPAPEL FRANCE à verser au salarié la somme de 7. 680 à titre d'indemnité pour occupation du domicile personnel ;
AUX MOTIFS QUE « l'employeur doit l'indemniser de la sujétion particulière et des frais engendrés par l'occupation à titre professionnelle de son domicile dès lors qu'il est tenu de travailler à son domicile, d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, Monsieur X... réclame une indemnité de 11. 177, 12 ; qu'il fait notamment valoir qu'il ne dispose d'aucun bureau, qu'il avait installé chez lui le matériel et les moyens de communication destinés à l'exécution de ses missions, à savoir, ordinateur, imprimante, ligne téléphonique spéciale, télécopieur, documentation, stockage des dossiers et de documentation client, mobilier de bureau.. ; qu'il travaille chez lui chacun lundi et chaque vendredi ainsi que tous les soirs au minimum à raison d'une heure pour actualiser les données de l'ordinateur, lire ses courriels, répondre, modifier les prix des clients, faire remonter des informations aux différents services du siège... ; qu'il évalue à trois jours par semaine l'utilisation d'une partie de son domicile à des fins purement professionnelles ; qu'il ressort d'un compte rendu de réunion des délégués du personnel du 11 juin 2010 que la direction avait proposé de mettre à disposition des commerciaux exerçant hors ILE-DE-FRANCE, un local loué avec ligne téléphonique et accès Internet ; qu'au cours de cette même réunion, la direction a tenu à rappeler qu'elle n'avait jamais imposé l'installation d'une ligne téléphonique au domicile des commerciaux et leur avait proposé de leur mettre à disposition et dans ce cas de prendre en charge les frais d'installation et de fonctionnement d'une telle ligne ; qu'elle précise qu'à compter du 31 juillet 2010, ces lignes téléphoniques spécifiques devaient être supprimées dès lors que des moyens modernes permettaient de garantir l'accès a l'information nécessaire à l'activité commerciale sans passer par de telles lignes ; que l'employeur verse également les courriels de M. Y...et de M. de Z... qui tous deux refusent de s'associer à la revendication du délégué du personnel concernant la " demande d'indemnisation de bureau à domicile " ; que l'occupation à la demande de l'employeur de domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci contraire aux dispositions de l'article L. 1121-1 du Code du travail et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail ; que dans ces conditions, si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers, ses instruments de travail, accède à la demande de l'employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile ; qu'il'est pas sérieusement contesté par l'employeur que les commerciaux exerçant en dehors de l'ÎLE-DE-FRANCE ne disposent pas de bureau pour gérer et stocker leurs dossiers clients, pour se connecter aux données et aux informations fournies par l'entreprise, lire les courriels, y répondre.. ; qu'une indemnisation pour l'occupation du domicile personnel à des fins professionnelles s'impose donc ; que Monsieur X... propose un mode d'évaluation de cette indemnité prenant en compte une part du loyer, la prise en charge du coût des meubles, du matériel informatique, du chauffage, de l'électricité, des taxes et considère que cette indemnité doit correspondre à 116, 43 par mois ; que toutefois, Monsieur X... soutient devoir travailler à son bureau trois jours par semaine alors que son travail est essentiellement commercial ainsi que le rappelle à juste titre l'employeur ; que l'occupation effective du bureau pour un commercial doit pouvoir correspondre à une journée de travail par semaine ce qui minore d'autant les coûts relatifs au chauffage, à l'électricité ; que par ailleurs Monsieur X... ne prend en compte ni l'amortissement du mobilier, ni de l'utilisation à titre personnel des matériels de bureau ; que dans ces conditions, en l'état de production des pièces, la cour fixera la somme de 80 par mois le montant de l'indemnité et des frais à régler au salarié soit à 960 par an ou encore à la somme de 7. 680 le montant de l'indemnité due par l'employeur à ce titre » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'un salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité d'occupation professionnelle du domicile privé lorsqu'il a de son propre chef exécuté une partie de ses tâches à son domicile ; qu'en condamnant la Société TORRASPAPEL au versement d'une indemnité pour occupation professionnelle du domicile privé, sans rechercher ni vérifier si l'exercice par Monsieur X... d'une partie de son travail à son domicile personnel lui avait été imposé ou même demandé par la société ou si ce dernier n'avait pas de son propre chef pris la liberté de travailler une partie de la semaine chez lui, ce qui est exclusif du droit au paiement d'une telle indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 et 1134 du code civil, L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se fondant sur la circonstance selon laquelle « les commerciaux exerçant en dehors de l'ILE-DE-FRANCE n'avaient pas de bureau pour gérer et stocker leurs dossiers clients, pour se connecter aux données et aux informations fournies, lire les courriels, y répondre » pour faire droit à la demande indemnitaire du salarié, sans répondre au moyen par lequel la Société TORRASPAPEL faisait valoir qu'ayant refusé la proposition qui lui avait été faite de se voir mettre à disposition un local loué avec ligne téléphonique et accès internet le salarié ne pouvait soutenir avoir été contraint de travailler chez lui et prétendre en conséquence au paiement d'une indemnité d'occupation professionnelle de son domicile privé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en toute hypothèse visant à la compensation de la sujétion qu'elle cause au salarié et au remboursement de frais professionnels, l'indemnité d'occupation à titre professionnel du domicile privé est soumise à la prescription quinquennale ; que la cour d'appel ayant fixé le montant de l'indemnité à 960 par an, Monsieur X... ne pouvait dés lors en tout état de cause prétendre qu'au paiement d'une somme de 4. 800 , correspondant à 5 années de rappel d'indemnité ; qu'en lui accordant une somme de 7. 680 correspondant à 8 années de rappel d'indemnité, la cour d'appel a violé les articles l. 1221-1 et L. 3245-1 du code du travail.