Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 mai 1999, 99-81.153, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION sur le pourvoi formé par :

- X... Mathieu, Y... Annie, épouse X..., X... Claude, civilement responsables,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 19 janvier 1999, qui, dans l'information suivie contre le premier du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.

LA COUR,

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 12 mars 1999, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 66, alinéa 2, de la Constitution, 53, 78-2, 78-3, 171, 173, 174 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation ;

" aux motifs qu'il ressort du procès-verbal de police, qui a servi de point de départ à l'enquête, que 2 gardiens de la paix du commissariat de Poitiers, agents de police judiciaire, désireux de vérifier la situation de 2 personnes se trouvant à proximité de 2 scooters en stationnement en raison d'une recrudescence de vols de tels engins, se sont livrés à la palpation de sécurité de l'un deux et ont ainsi découvert par le toucher qu'il détenait en poche un morceau de résine de cannabis ; que le contrôle d'identité auquel ont procédé les policiers était régulier au regard des dispositions de l'article 78-2, alinéa 3, du Code procédure pénale, dès lors qu'il était destiné à prévenir une atteinte à la sécurité des biens ; qu'il est constant que le procès-verbal ne s'explique pas sur les raisons de la décision de palpation de l'une des personnes ; mais que la palpation de sécurité, simple mesure de sécurité qui n'est réglementée par aucun texte de droit interne, ne paraît pas contraire à l'article 2 du protocole 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où, même si elle n'est pas prévue par la loi, elle ne constitue pas une restriction à la liberté de circuler au sens de ce texte, ne constituant qu'une gêne de très brève durée dans l'exercice de cette liberté ; que, par ailleurs, il n'est pas justifié que cette palpation en elle-même ait porté atteinte aux intérêts de Mathieu X... ;

" alors que si l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l'ordre public, c'est à la condition qu'un risque effectif d'atteinte à la sécurité des personnes ou des biens existe à l'endroit et au moment où le contrôle d'identité préventif est effectué ; qu'en affirmant que les policiers avaient régulièrement contrôlé l'identité de Mathieu X..., qui se trouvait, avec une autre personne, à proximité de 2 scooters en stationnement, tout en constatant que les agents de police s'étaient bornés à justifier ce contrôle d'identité par un motif d'ordre général et abstrait tiré de la recrudescence des vols de ce type de deux-roues, ce qui n'impliquait pas qu'à l'endroit et au moment où le contrôle a été effectué, le vol des 2 scooters eût été à craindre, la chambre d'accusation n'a pas donné une base légale à sa décision ;

" et alors que la palpation de sécurité n'est légalement justifiée que par la crainte légitime que la personne qui en fait l'objet ne porte sur elle des armes ou objets dangereux pour la sécurité d'autrui ; qu'en affirmant que la palpation de sécurité effectuée par les agents de police judiciaire sur la personne de Mathieu X... était régulière tout en constatant que le procès-verbal ne s'expliquait pas sur les motifs de cette palpation, et n'avait donc pas justifié le recours à cette mesure par le souci de prévenir une atteinte à l'intégrité physique d'autrui dont elle n'a pas davantage établi elle-même l'existence, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

" et alors, enfin, qu'en affirmant que cette palpation de sécurité n'avait pas porté atteinte aux intérêts de Mathieu X... après avoir pourtant constaté que les policiers avaient découvert à cette occasion qu'il détenait un morceau de résine de cannabis, ce qui avait provoqué l'ouverture d'une enquête de flagrance puis d'une information du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, la chambre d'accusation a violé les textes précités " ;

Vu l'article 78-2 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 3 de ce texte, l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des policiers, observant la présence, à 23 heures, de 2 personnes dans une cabine téléphonique située à proximité de 2 scooters, ont décidé de procéder à un contrôle d'identité, en se référant à " la recrudescence de vols de ce type de deux-roues " ; qu'au cours de la palpation de sécurité effectuée sur la personne de Mathieu X..., les policiers ont constaté la présence, dans l'une de ses poches, d'un objet qu'ils lui ont demandé de leur présenter ; qu'après leur avoir remis 2 morceaux de cannabis, l'intéressé a été interpellé ;

Attendu que, pour déclarer régulier le contrôle d'identité effectué, la chambre d'accusation relève que le procès-verbal mentionne une recrudescence de vols de scooters ;

Mais, attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre d'accusation, qui s'est bornée à se référer à une considération abstraite et générale, sans relever de circonstances particulières de nature à caractériser un risque d'atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 19 janvier 1999 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Limoges.

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