Monsieur le Président de la République,
L'article 7 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à l'adoption de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution.
La codification ainsi autorisée est dite « à droit constant », sous réserve des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, harmoniser l'état du droit, notamment en matière de prescription, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet.
I. ― Les raisons ayant conduit à l'adoption
d'un code des procédures civiles d'exécution
Dans un souci général d'amélioration de l'accès au droit, le Gouvernement a toujours privilégié la codification des textes, en créant des outils utiles à la fois aux professionnels du droit, mais aussi à tout citoyen qui peut ainsi connaître l'étendue et la nature de ses droits, et les procédures applicables dans un même ouvrage.
La codification des procédures civiles d'exécution est un projet ancien qui trouve notamment son origine dans l'article 96 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'il « sera procédé à la codification des textes de nature législative et réglementaire concernant les procédures civiles d'exécution, par des décrets en Conseil d'Etat, après avis de la commission supérieure de codification. Ces décrets apporteront aux textes de nature législative les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toute modification de fond ».
Les modalités de codification, notamment par la voie réglementaire y compris pour la partie législative du code, ayant changé, il a fallu une habilitation du Parlement pour pouvoir réaliser cette codification.
Par ailleurs, l'intervention en 2006 de la réforme de la saisie immobilière, qui est entrée naturellement dans le champ des procédures civiles d'exécution avec une compétence transférée du tribunal de grande instance au juge de l'exécution, a parachevé la réforme entreprise en 1991, tendant à définir et délimiter les procédures civiles d'exécution.
C'est dans ce contexte que l'habilitation a été donnée au Gouvernement de procéder à ladite codification.
L'objectif de celle-ci est, outre l'amélioration de la lisibilité du droit, de redonner toute sa portée à la loi du 9 juillet 1991 précitée qui avait totalement repensé le système des procédures d'exécution en les simplifiant et en confiant le contentieux à un juge spécialisé, n'intervenant plus qu'en cas de difficultés.
En effet, de la même manière que toute disposition législative ou règlementaire créant une obligation doit avoir sa sanction pour être efficace, toute obligation résultant d'un jugement ou d'un autre titre exécutoire doit également pouvoir être exécutée par la contrainte lorsqu'elle ne l'est pas volontairement.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme la Cour européenne des droits de l'homme lorsqu'elle reconnaît, sur le double fondement de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1, un véritable droit à l'exécution, au motif que le droit à un procès équitable serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie, risquant même de créer des situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les Etats contractants se sont engagés à respecter en ratifiant la convention.
La codification tend également à assurer une meilleure exécution des décisions de justice par une meilleure visibilité des textes qui s'y rapportent.
Elle permettra également à tout citoyen qui voit son patrimoine ou sa personne touchée par une procédure d'exécution de connaître plus aisément les textes qui lui permettront d'assurer la défense de ses droits.
II. ― Le périmètre du code
Ce code va regrouper, autour d'une structure claire, les textes qui se rapportent aux procédures civiles d'exécution.
Il s'agit des mesures de contrainte qu'un créancier peut exercer à l'encontre de son débiteur en vue de recouvrer une créance constatée ou prochainement constatée par un titre exécutoire, ou de reprendre un bien qui lui appartient.
Les créanciers ont en effet un droit de gage général sur le patrimoine de leur créancier, ce qui leur permet précisément de procéder au recouvrement de leur créance sur celui-ci.
Le titre retenu par le législateur de 2010 est celui qu'avait retenu le législateur de 1991 et vise bien à définir des procédures respectueuses des droits de chacun, hors du champ pénal et du champ administratif, et qui tendent à l'exécution d'une décision ou d'un titre revêtu d'une autorité impliquant que le débiteur doit s'y soumettre.
Le texte fondateur et principalement codifié est la loi du 9 juillet 1991 précitée. L'autre texte totalement codifié concerne la saisie immobilière, réformée par l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006.
Plusieurs textes, plus spécifiques et moins importants par leur taille ont également été codifiés, telle la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire ou la loi du 24 août 1930 relative à la saisie-arrêt et à la cession des appointements, traitements et soldes des fonctionnaires civils et militaires.
La codification est l'occasion de regrouper d'autres dispositions relevant des procédures civiles d'exécution, qui figuraient jusqu'à présent dans d'autres codes, comme par exemple les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à la « trêve hivernale » en matière d'expulsions. Certaines dispositions relatives à des procédures civiles d'exécution n'ont à l'inverse pas été transférées dans la mesure où le lien avec les codes dans lesquels elles apparaissent est trop important et où il ne s'agissait pas de modifier la structure logique de textes existants. Ainsi en est-il des dispositions relatives à la saisie des rémunérations, qui restent dans le code du travail, ou encore à la saisie des aéronefs, qui ont été récemment intégrées dans le code des transports. Le lien est toutefois assuré par le code des procédures civiles d'exécution, dans un souci d'accessibilité au droit, par des renvois aux dispositions pertinentes des codes correspondants.
Le présent code réunit ces textes en leur donnant une architecture conforme aux vœux du législateur de 1991 dont les grands items ont globalement été repris.
III. ― Structure et présentation du code
Le code, comme tous les codes récents, est divisé en livres, titres, chapitres, sections, sous-sections et paragraphes, qui déterminent la numérotation des articles, pour un maniement plus aisé. La numérotation de l'article répond donc à sa place dans la partie législative, au sein du livre, puis du titre puis du chapitre.
Il est divisé en six livres.
Le livre Ier est relatif aux dispositions générales, qui fixent les conditions générales dans lesquelles les procédures d'exécution et les mesures conservatoires peuvent être menées.
Il concerne les conditions de l'exécution en général, avec le principe de la nécessité d'un titre exécutoire et la délimitation des biens saisissables, les personnes concourant à ces mesures, tels l'autorité judiciaire, la réforme de 1991 ayant créé un lien indissoluble et très fort entre les procédures mêmes et le juge qui doit en connaître, les huissiers de justice et les tiers. Il comprend en outre des dispositions générales relatives aux opérations d'exécution avec la délimitation par exemple de la période pendant laquelle les saisies peuvent être pratiquées dans la journée ou encore les règles relatives à la péremption des saisies pratiquées entre les mains des comptables publics, péremption de cinq années, qui ne s'applique toutefois plus en matière de saisie des rémunérations dans un souci d'harmonisation avec les règles applicables aux autres tiers saisis. Enfin, il concerne les difficultés d'exécution au sens large, avec notamment les règles relatives à l'astreinte, qui permet de prévenir ces difficultés, aux recherches d'informations, au concours de la force publique, à certaines personnes et à certains biens en particulier. C'est d'ailleurs dans ce dernier chapitre qu'ont été déplacés les articles 47 et 47-1 de la loi du 9 juillet 1991 qui, jusqu'à présent, figuraient dans la partie relative aux saisies-attribution alors que, par leur nature même, ces dispositions relatives aux modalités de saisie des comptes bancaires et organisant le maintien à disposition sur ces comptes d'une somme à caractère alimentaire, ont vocation à régir toutes les procédures d'exécution portant sur des comptes bancaires. A cette occasion, la rédaction de l'article 47 a été en outre clarifiée.
Les livres II à V déclinent les diverses procédures existant en fonction de la nature de la mesure, qui peut porter sur le patrimoine mobilier, immobilier, tendre à l'expulsion de l'occupant d'un local, ou encore être simplement conservatoire.
Ainsi le livre II traite des procédures d'exécution sur les meubles, et est ensuite subdivisé en fonction de la nature du bien saisi. Le titre Ier est relatif aux mesures d'exécution sur les créances de sommes d'argent, avec la saisie-attribution et la saisie des rémunérations. Le titre II aux saisies des biens corporels, telles la saisie-vente et diverses autres procédures dont les détails seront en grande partie développés en partie réglementaire.
Le livre III est relatif aux mesures d'exécution sur les immeubles, et donc à la saisie immobilière. Ce livre est divisé selon la chronologie de la procédure, avec les dispositions générales, puis la saisie et la vente du bien, puis la distribution du prix de vente.
Le livre IV se rapporte à l'expulsion, mesure tendant à la reprise de son bien par un propriétaire. Ce livre déroule lui aussi la procédure de manière chronologique en détaillant les conditions préalables, les opérations elles-mêmes et les difficultés d'exécution. Certaines dispositions du code de la construction et de l'habitation, relatives au sursis à l'exécution des décisions d'expulsion, avec notamment la délimitation de la période de trêve hivernale, ont été insérées dans le présent code comme constituant les modalités d'une procédure d'exécution. Ces dispositions constituant également un élément important de la politique du logement, il y est renvoyé dans le code de la construction et de l'habitation. Par ailleurs, ont été tirées les conséquences de l'instauration de la procédure simplifiée de reprise des locaux abandonnés, qui fait l'objet d'un titre spécifique, créé par la scission de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 1991.
Le livre V est relatif aux mesures conservatoires et reprend la subdivision issue de la loi du 9 juillet 1991 précitée qui distingue les saisies conservatoires des sûretés judiciaires.
Enfin, il est prévu un livre VI spécifiquement dédié à l'application du code outre-mer, avec le détail des dispositions applicables et leurs adaptations territoire par territoire. La particularité est l'extension de la période hivernale à certains territoires et son adaptation à d'autres.
IV. ― Structure de l'ordonnance
L'article 1er prévoit que les dispositions annexées à la présente ordonnance constituent désormais la partie législative du code des procédures civiles d'exécution.
L'article 2 prescrit le remplacement simultané des références des textes et lois abrogés par l'article 4 par les références correspondantes dans le code des procédures civiles d'exécution.
L'article 3 modifie certains textes non codifiés dans un souci d'harmonisation.
Ainsi, l'article 2244 du code civil reprend les dispositions de l'article 71 de la loi du 9 juillet 1991 précitée afin de regrouper les règles relatives à l'interruption de la prescription en matière de procédure d'exécution et de mesures conservatoires. Le régime de l'interruption pour les mesures conservatoires est par ailleurs calqué sur celui des procédures d'exécution, qui depuis 2008 sont interruptives dès leur accomplissement. Rien n'explique une différence de traitement entre les deux types de mesures et la réalisation d'une mesure conservatoire en elle-même manifeste bien la volonté du créancier de recouvrer sa créance. Il n'est pas besoin d'attendre sa signification.
L'article L. 3252-3 du code du travail est également modifié. Il s'agit ici d'apporter une correction à une difficulté de coordination issue de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ayant généralisé le revenu de solidarité active. En application de l'article L. 3252-3 du code du travail, il est en effet laissé au débiteur faisant l'objet d'une saisie de ses rémunérations une fraction insaisissable. Cette fraction était fixée par référence au revenu minimum d'insertion (RMI). La loi précitée a remplacé cette référence fixe à une référence variable, le revenu de solidarité active (RSA) applicable au foyer du débiteur. Outre les difficultés d'application que cette nouvelle rédaction pose, celle-ci n'est pas en cohérence avec le dispositif retenu par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures pour la saisie pratiquée sur les comptes en banque. En effet, pour ceux-ci, il est prévu que l'établissement bancaire tiers saisi doit laisser au débiteur une somme égale au montant du RSA forfaitaire pour un débiteur seul. En mettant en cohérence les deux dispositifs, cela tendra par ailleurs à éviter que les créanciers ne se détournent de la procédure de saisie des rémunérations, plus protectrice pour le débiteur, et préfèrent saisir les rémunérations une fois virées sur les comptes en banques de leur débiteur.
Le code de la construction et de l'habitation est modifié et il est créé un renvoi aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution en matière de sursis à l'exécution des décisions d'expulsion.
Une modification est ensuite opérée à l'article L. 145 D du livre des procédures fiscales pour tirer les conséquences du transfert, par la loi du 22 décembre 2010 précitée, du contentieux du surendettement du juge de l'exécution au juge du tribunal d'instance.
Le livre des procédures fiscales ainsi que le code général des collectivités territoriales dans leur version issue de la loi de finances rectificative pour 2010 sont ensuite rectifiés. Ils comportent en effet un renvoi au code de procédure civile alors qu'il s'agit en réalité d'un renvoi aux règles actuellement contenues dans la loi du 9 juillet 1991, codifiée.
Les 7° et 8° ont pour objet de préciser le régime applicable aux mesures d'exécution administratives ou spécifiques sur un compte bancaire. Les règles de la saisie-attribution sur compte bancaire leur sont appliquées en pratique et par l'effet du décret du 31 juillet 1992 et il s'agit simplement de clarifier l'état du droit.
Les 9° à 17° sont des mesures de coordination ou de modernisation terminologique.
Le 18° modifie la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative pour y insérer les dispositions relatives à l'exécution des décisions rendues en matière de déplacement illicite international d'enfants actuellement contenues dans la loi du 9 juillet 1991.
Enfin le 19° crée une disposition dans le code de l'organisation judiciaire renvoyant aux compétences spécifiques du juge de l'exécution prévues par le code des procédures civiles d'exécution
L'article 4 abroge les dispositions codifiées et certaines dispositions devenues redondantes, obsolètes ou ayant épuisé leurs effets. Il doit être noté que certaines dispositions sont abrogées sans être reprises dans la partie législative du code, du fait de leur nature réglementaire.
Les articles 5 et 6 prévoient son application outre-mer.
L'article 7 prévoit que les dispositions de l'ordonnance entreront en vigueur le premier jour du sixième mois après sa publication.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution