CAA de NANTES, 1ère chambre, 01/04/2021, 19NT02478, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Rabot a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 et la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1702426 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI du Rabot tendant à la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2019, la SCI du Rabot, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de refacturation de charges locatives à seize de ses locataires ne constitue pas un acte anormal de gestion ;
- l'abandon, s'il était retenu, est relatif aux exercices 2006 à 2009, années au titre desquelles une charge a été constatée, lesquels sont prescrits ;
- s'agissant de l'exercice clos en 2010, la pénalité pour manquement délibéré est injustifiée en l'absence de volonté d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) du Rabot est propriétaire de constructions constituant une galerie commerciale au sein d'un centre commercial érigé sur un terrain appartenant à la société par actions simplifiée (SAS) Hendis, cette dernière étant propriétaire de l'hypermarché implanté sur le même site. En vertu d'une convention signée entre les deux sociétés, la SAS Hendis reçoit l'ensemble des factures liées au fonctionnement du centre commercial et refacture à la SCI du Rabot les charges afférentes au fonctionnement de la galerie commerciale. La SCI refacture ensuite 33 % des charges d'électricité et 70 % des autres charges à la société Hendis, avant de refacturer le solde des charges aux sociétés qui prennent en location les seize emplacements commerciaux situés dans la galerie commerciale. A l'occasion d'une vérification de comptabilité conduite du 5 décembre 2012 au 4 février 2013, le service a constaté que la SCI du Rabot n'avait refacturé aucune charge aux occupants des locaux de la galerie commerciale au titre des années 2006 à 2009 et a considéré qu'elle avait abandonné les créances correspondantes au cours de l'exercice clos en 2010. Elle a constaté par ailleurs que le compte courant du dirigeant et associé de la SCI était resté débiteur du 17 janvier au 30 décembre 2011 sans que lui soient appliqués des intérêts en rémunération de cet avantage. L'administration a donc proposé à la SCI du Rabot des rectifications au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Sa réclamation contre les impositions procédant de ces rectifications ayant été rejetée le 17 mars 2017, la SCI du Rabot a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 et de réduire, en droits et pénalités, la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI du Rabot tendant à la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 et a rejeté le surplus de sa demande. Elle fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande s'agissant de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Les prêts sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Par ailleurs, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
3. Il est constant, d'une part, que la SCI du Rabot n'a pas refacturé au cours des années 2006 à 2009 les charges d'entretien et de fonctionnement dont elle était fondée à réclamer le paiement aux sociétés implantées dans la galerie commerciale dont elle est propriétaire. Si la société requérante soutient que cette absence de facturation résulte d'une erreur du service en charge de sa comptabilité, il est constant qu'elle n'a rectifié cette erreur en 2010 qu'à l'égard de la SAS Hendis sans engager de démarche à l'égard des autres sociétés occupant les douze emplacements restants de la galerie commerciale. La requérante soutient que l'absence de cette refacturation avait pour elle un intérêt commercial, dès lors qu'il s'agit d'une erreur de sa part qui aurait pu lui être reprochée, que les commerçants concernés sont aussi les clients du centre commercial, que certains d'entre eux étaient partis à la retraite, avaient cessé leur activité commerciale ou s'étaient installés ailleurs, et qu'il aurait été inéquitable que les locataires encore présents paient cet arriéré de charges de quatre ans pour la totalité des locataires concernés, ce qui aurait pu les mettre en difficulté ou les inciter à mettre fin au bail. Toutefois, les difficultés financières des locataires concernés et les conséquences commerciales alléguées ne sont pas établies. Par les seuls éléments invoqués, la requérante ne justifie pas de l'existence de contreparties à l'abandon des créances en cause et ne justifie donc pas avoir agi dans son propre intérêt. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que les abandons de créances consentis par la SCI du Rabot à ses locataires autres que la SAS Hendis ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale et c'est en conséquence à bon droit que l'administration a réintégré la valeur des créances litigieuses dans le bénéfice imposable de la SCI du Rabot au titre de l'exercice clos en 2010.
4. Il y a lieu de tenir compte, pour l'établissement de l'impôt, de l'exercice au cours duquel a eu lieu l'abandon de créance et non de l'exercice au cours duquel a juridiquement pris naissance cette créance. Il est constant que ce n'est qu'en 2010 que la SCI du Rabot s'est rendue compte de l'absence de refacturation à ses locataires des charges d'entretien et de fonctionnement pour les années 2006 à 2009. Au cours de cette année 2010, la société requérante, alors qu'elle aurait pu récupérer les sommes en cause en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, a fait le choix d'abandonner ses créances, excepté à l'égard de la SAS Hendis. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la société avait abandonné les créances litigieuses au cours de l'exercice clos en 2010 et non pas au cours des exercices clos de 2006 à 2009.
Sur les pénalités :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la SCI du Rabot n'a pas refacturé au cours des années 2006 à 2009 les charges d'entretien et de fonctionnement dont elle était fondée à réclamer le paiement aux sociétés implantées dans la galerie commerciale dont elle est propriétaire et elle n'a rectifié cette erreur en 2010 qu'à l'égard de la SAS Hendis, sans qu'apparaisse aucun motif de nature à justifier ces abandons de créance. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt et, en conséquence, c'est à bon droit qu'elle a appliqué, relativement à la rectification relative à ces abandons de créance, la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Rabot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par conséquent, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI du Rabot est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière du Rabot et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

La rapporteure,
P. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT02478
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