CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 24/11/2020, 18BX03161, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 6 février 2012 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1605175 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2018, M. et Mme G..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 6 février 2012 au 31 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- leurs deux fonds de commerce sont indépendants et qu'il n'existe aucune société de fait justifiant la remise en cause de leur régime fiscal ;
- subsidiairement, la reconstitution de leurs bénéfices industriels et commerciaux est excessive ; il n'est pas normal de prendre en compte la totalité de la TVA acquittée et la réalité du bénéfice qui en résulte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... E...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme G... exercent respectivement, sous la forme d'une auto-entreprise, une activité de vente à distance sur catalogue de bijoux et perles de culture et une activité de vente à domicile de bijoux et perles de culture. Les deux activités sont exercées sous le régime de la micro-entreprise en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée. L'administration a vérifié la comptabilité de chacune de ces deux entreprises au titre de la période du 6 février 2012 au 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification en date du 29 octobre 2015, le service a notifié aux époux G... des rehaussements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée du fait de la remise en cause des régimes de micro-entreprise et de franchise en base eu égard à l'exercice d'une société de fait existant entre M. et Mme G... et regroupant leurs deux auto-entreprises. M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 6 février 2012 au 31 décembre 2013.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'existence d'une société de fait :

2. Aux termes d'une part, de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa version applicable à l'espèce : " I.- Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, (...), bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : / 1° Un chiffre d'affaires supérieur à : / a) 81 500 € l'année civile précédente ; / b) Ou 89 600 € l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a pas excédé le montant mentionné au a ; / 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : / a) 32 600 € l'année civile précédente ; / b) Ou 34 600 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. / II.-1. Le I cesse de s'appliquer : / a) Aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse le montant mentionné au b du 1° du I ; / b) Ou à ceux dont le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, dépasse le montant mentionné au b du 2° du I. / 2. Les assujettis visés au 1 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés. (...) ". Aux termes de l'article 50-0 du même code applicable aux années en litige relatif au régime de la micro-entreprise : " 1. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 81 500 € hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place (...) ou 32 600 € hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices. / (...) 2. Sont exclus de ce régime : (...) c. Les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes défini à l'article 8 ; ".

3. Aux termes d'autre part, de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) ". Ces dispositions sont applicables aux associés d'une société de fait et l'existence d'une telle société est subordonnée tant aux apports en capital ou en industrie faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes qu'à la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, d'une part, aux bénéfices et aux pertes, d'autre part.

4. Il résulte de l'instruction que pour établir la constitution d'une société de fait entre M. et Mme G..., le service s'est fondé sur la circonstance que chacune des deux activités des époux déclarées auprès d'un centre de formalité des entreprises et disposant d'un numéro d'immatriculation distinct au registre du commerce a pour objet la vente de produits identiques, que les bijoux en or et en argent sur lesquels sont montés des perles de culture sont vendus à une clientèle unique et utilisent des matériaux acquis auprès des mêmes fournisseurs, que les factures d'achats portent le même nom commercial " Joyaux des mers " et que les requérants disposent du même lieu de stockage, d'un même terminal bancaire et sont localisés à la même adresse administrative. Ce faisceau d'indices révèle l'existence d'une société de fait par un apport en industrie des deux époux à une activité unique déclinée sous la forme d'une vente sédentaire ou à distance et dont résulte seulement un code APE différent, ainsi qu'une participation de ces derniers à la gestion et aux résultats de l'entreprise. Si les requérants font valoir que chaque fonds de commerce dispose d'un livre de police qui lui est propre ainsi que d'un poinçon de maître personnel et qu'ils encaissent le produit des ventes sur des comptes bancaires différents, ces éléments, au demeurant postérieurs à la période vérifiée, ne sont pas de nature, à eux seuls, à infirmer le constat précité alors d'ailleurs, qu'ils ont chacun procuration sur les comptes bancaires et qu'une analyse effectuée par le service a révélé des virements réguliers d'un compte à l'autre. Dans ces conditions, les chiffres d'affaires des entreprises individuelles des requérants n'étaient pas éligibles au régime de la micro-entreprise et dès lors qu'il n'est pas contesté que la somme des chiffres d'affaires de ces entreprises dépasse les seuils permettant de bénéficier du régime de la franchise en base de TVA, c'est à juste titre que ce régime a été remis en cause par le service.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires des bénéfices industriels et commerciaux :

5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".

6. Pour écarter le moyen tiré de ce que la reconstitution de leur chiffre d'affaires est excessive, les premiers juges ont relevé " Au cours du contrôle, les requérants ont indiqué ne pas tenir de comptabilité et n'ont fourni aucune facture de vente. Le service a reconstitué leurs recettes à partir des encaissements figurant sur leurs comptes bancaires et des recettes espèces déclarées dans un registre manuscrit. Leurs charges déductibles ont été déterminées à partir des justificatifs présentés. M. et Mme G... ont reconstitué une comptabilité pour les exercices de la période vérifiée qu'ils ont présentée à l'appui de leur réclamation contentieuse et ils demandent au tribunal, à titre subsidiaire, de reconnaitre le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée apparaissant sur ces documents comptables. Toutefois, les documents en question ne sont pas accompagnés des justificatifs de nature à établir le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée revendiquée. La demande subsidiaire des époux G... quant à la reconstitution de leurs chiffres d'affaires ne peut, dès lors, être accueillie ". Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... B..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. D... E... premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
La présidente,


Evelyne B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03161



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