Conseil d'État, , 29/10/2020, 445569, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

L'Union sportive d'Alfortville football (USAF) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'ordonner la mise à disposition de son local administratif et de son local matériel situés 4, allée Jean-Baptiste Preux à Alfortville, en deuxième lieu, d'ordonner la suspension de la décision du 14 août 2020 de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA) et de la décision du 4 septembre 2020 de la commune d'Alfortville, en troisième lieu, d'enjoindre à la commune d'Alfortville de lui permettre d'accéder à son siège social ainsi qu'aux installations sportives prévues pour la pratique du football situés au parc des sports Val-de-Seine, à compter de la date de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2007777 du 7 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'USAF demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Alfortville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'insuffisance de motivation dès lors que le juge des référés de première instance n'a pas répondu au moyen tiré de l'illégalité de l'expulsion ordonnée par la commune d'Alfortville ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'erreur sur l'exactitude matérielle des faits dès lors, d'une part, que l'USAF n'a jamais refusé la signature de la convention d'objectifs pour 2020 avec la commune d'Alfortville, qu'elle a adressé à la commune les documents demandés et qu'elle ne s'est pas elle-même placée dans une situation qui ne lui permet plus d'invoquer la notion d'urgence de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et, d'autre part, que le juge des référés du tribunal administratif de Melun n'a pas correctement apprécié le montant exact de la dette lui incombant et à qui cette dette devait réellement être imputée ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les décisions du GPSEA et de la commune d'Alfortville ont un impact très important sur l'équilibre financier et les résultats sportifs de l'USAF, mettant en péril sa survie à terme et la pérennité de son rôle social, en ce que notamment elles ont provoqué le départ de nombreux licenciés et éducateurs, elles privent l'équipe de la possibilité de disputer des matchs " à domicile " et elles risquent d'entraîner sa relégation en division inférieure ;
- les décisions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion et à la liberté d'association ;
- la décision du 4 septembre 2020 de la commune d'Alfortville, qui doit être regardée comme constitutive d'un avis d'expulsion, est illégale dès lors que, d'une part, la commune aurait dû faire appel au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, afin d'ordonner l'expulsion de l'USAF du domaine public et, d'autre part, elle ne repose sur aucune nécessité d'ordre public ;
- cette décision est entachée de détournement de pouvoir.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Il résulte de l'instruction que l'Union Sportive d'Alfortville Football (USAF) a conclu avec la commune d'Alfortville des conventions d'occupation domaniale lui permettant d'utiliser les installations sportives du Parc des Sports Val de Seine jusqu'au 30 juin 2020. La gestion de ce complexe sportif a été transférée à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA), qui a informé l'USAF qu'aucune nouvelle convention d'occupation domaniale ne pourrait être signée tant qu'un contrat d'objectifs n'aurait pas été conclu entre l'association et la commune d'Alfortville. Il ressort des échanges de correspondances entre
celle-ci et l'USAF que l'absence de conclusion d'un tel contrat résulte, d'une part, du défaut de transmission de certains documents de l'association à la commune et, d'autre part, d'interrogations de celle-ci sur la situation financière de l'USAF. Par courrier du 14 août 2020, le président du GPSEA a informé le président de l'association que, faute de convention d'occupation domaniale, aucun rassemblement, match, ou entraînement ne pouvait désormais se tenir sur le site du Parc des Sports Val de Seine. Par courrier du 4 septembre suivant, le maire de la commune d'Alfortville a invité le président de l'USAF à se présenter le 8 septembre à 14 heures au Parc des Sports afin de récupérer le matériel de l'association encore présent dans les locaux. Celle-ci a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre les décisions du 14 août et du 4 septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au GPSEA et à la commune de lui permettre d'accéder aux installations sportives et à son siège social situés au Parc des Sports Val de Seine. Par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés a rejeté ces demandes.

4. Pour caractériser l'urgence qui s'attache aux mesures qu'elle sollicite du juge des référés, l'USAF fait valoir que les décisions contestées du GPSEA et de la commune d'Alfortville ont un impact très important sur son équilibre financier et sur ses résultats sportifs, de nature à mettre en péril sa survie à terme et la pérennité de son rôle social, en ce que, notamment, elles provoquent le départ de nombreux licenciés et éducateurs, elles privent l'équipe de la possibilité de disputer des matchs " à domicile " et elles risquent d'entraîner sa relégation en division inférieure. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence à très bref délai au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté publique, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de l'USAF, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.




O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'Union sportive d'Alfortville football est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union sportive d'Alfortville football, à la commune d'Alfortville et à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.

ECLI:FR:CEORD:2020:445569.20201029
Retourner en haut de la page