Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22/07/2020, 428127
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22/07/2020, 428127
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 428127
- ECLI:FR:CECHR:2020:428127.20200722
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
22 juillet 2020
- Rapporteur
- M. Sylvain Humbert
- Avocat(s)
- SCP COLIN-STOCLET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1611618 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA00256 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la FNAMS contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février, 17 mai et 2 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la FNAMS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses externalisées engagées dans le cadre de ses projets de recherche au titre des exercices clos de 2010 à 2013. La FNAMS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de restitution du montant du crédit d'impôt recherche remis en cause.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / d) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à : / 1° Des organismes de recherche publics ; / 2° Des établissements d'enseignement supérieur (...) ; / 3° Des fondations de coopération scientifique agréées conformément au d bis ; / 4° Des établissements publics de coopération scientifique ; / 5° Des fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche agréées conformément au d bis ; / 6° Des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ayant pour fondateur et membre l'un des organismes mentionnés aux 1° ou 2° ou des sociétés de capitaux dont le capital ou les droits de vote sont détenus pour plus de 50 % par l'un de ces mêmes organismes. Ces associations et sociétés doivent être agréées conformément au d bis et avoir conclu une convention en application de l'article L. 313-2 du code de la recherche ou de la recherche ou de l'article L. 762-3 du code de l'éducation avec l'organisme précité. (...) / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) ".
3. Lorsqu'une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts l'exécution de prestations nécessaires à la réalisation d'opérations de recherche qu'elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d'impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de projets de recherche qu'elle menait et dont l'éligibilité au crédit d'impôt recherche n'était pas contestée, la FNAMS a confié à des organismes de recherche publics et privés agréés la réalisation de prestations nécessaires à la conduite de ses projets de recherche. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que les prestations sous-traitées ne pouvaient être qualifiées d'opérations de recherche au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts au motif que, quand bien même elles s'avéraient indispensables à l'aboutissement des recherches menées par la FNAMS, elles ne correspondaient pas en soi à de véritables opérations de recherche et développement nettement individualisées, pour en déduire que les dépenses correspondantes ne pouvaient être prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche auquel la fédération avait droit au titre des exercices en litige, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, la FNAMS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction que la FNAMS a confié à divers prestataires des études analytiques et des tests permettant, notamment, d'étudier l'impact de nouvelles solutions de lutte contre les bio-agresseurs ou la dynamique d'absorption de l'azote pour une espèce donnée, faute de disposer elle-même des équipements scientifiques nécessaires, tels que des chambres de culture, des laboratoires de pathologie sécurisés, ou des outils de détection lui permettant d'effectuer elle-même ces opérations. Il n'est pas contesté que les prestations en cause, qui s'inscrivaient dans le cadre scientifique des projets de recherche entrepris, étaient nécessaires à la réalisation des opérations de recherche menées par la FNAMS. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les dépenses correspondant à ces prestations pouvaient être prises en compte pour la détermination du montant du crédit d'impôt auquel celle-ci avait droit, au titre de ces opérations. Par suite, la FNAMS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2013 résultant de la remise en cause du montant du crédit d'impôt qu'elle avait déclaré.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 4 000 euros à verser à la FNAMS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 20 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La FNAMS est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013.
Article 3 : L'Etat versera à la FNAMS la somme de 4 000 euros sur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
ECLI:FR:CECHR:2020:428127.20200722
La Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1611618 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA00256 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la FNAMS contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février, 17 mai et 2 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la FNAMS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses externalisées engagées dans le cadre de ses projets de recherche au titre des exercices clos de 2010 à 2013. La FNAMS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de restitution du montant du crédit d'impôt recherche remis en cause.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / d) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à : / 1° Des organismes de recherche publics ; / 2° Des établissements d'enseignement supérieur (...) ; / 3° Des fondations de coopération scientifique agréées conformément au d bis ; / 4° Des établissements publics de coopération scientifique ; / 5° Des fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche agréées conformément au d bis ; / 6° Des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ayant pour fondateur et membre l'un des organismes mentionnés aux 1° ou 2° ou des sociétés de capitaux dont le capital ou les droits de vote sont détenus pour plus de 50 % par l'un de ces mêmes organismes. Ces associations et sociétés doivent être agréées conformément au d bis et avoir conclu une convention en application de l'article L. 313-2 du code de la recherche ou de la recherche ou de l'article L. 762-3 du code de l'éducation avec l'organisme précité. (...) / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) ".
3. Lorsqu'une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts l'exécution de prestations nécessaires à la réalisation d'opérations de recherche qu'elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d'impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de projets de recherche qu'elle menait et dont l'éligibilité au crédit d'impôt recherche n'était pas contestée, la FNAMS a confié à des organismes de recherche publics et privés agréés la réalisation de prestations nécessaires à la conduite de ses projets de recherche. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que les prestations sous-traitées ne pouvaient être qualifiées d'opérations de recherche au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts au motif que, quand bien même elles s'avéraient indispensables à l'aboutissement des recherches menées par la FNAMS, elles ne correspondaient pas en soi à de véritables opérations de recherche et développement nettement individualisées, pour en déduire que les dépenses correspondantes ne pouvaient être prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche auquel la fédération avait droit au titre des exercices en litige, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, la FNAMS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction que la FNAMS a confié à divers prestataires des études analytiques et des tests permettant, notamment, d'étudier l'impact de nouvelles solutions de lutte contre les bio-agresseurs ou la dynamique d'absorption de l'azote pour une espèce donnée, faute de disposer elle-même des équipements scientifiques nécessaires, tels que des chambres de culture, des laboratoires de pathologie sécurisés, ou des outils de détection lui permettant d'effectuer elle-même ces opérations. Il n'est pas contesté que les prestations en cause, qui s'inscrivaient dans le cadre scientifique des projets de recherche entrepris, étaient nécessaires à la réalisation des opérations de recherche menées par la FNAMS. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les dépenses correspondant à ces prestations pouvaient être prises en compte pour la détermination du montant du crédit d'impôt auquel celle-ci avait droit, au titre de ces opérations. Par suite, la FNAMS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2013 résultant de la remise en cause du montant du crédit d'impôt qu'elle avait déclaré.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 4 000 euros à verser à la FNAMS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La FNAMS est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013.
Article 3 : L'Etat versera à la FNAMS la somme de 4 000 euros sur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.