Conseil d'État, 2ème chambre, 27/03/2020, 427868

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Par un jugement n°s 1607459, 1610064, 1703184 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA04542 du 11 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et l'arrêté du 4 janvier 2016 du ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique et a enjoint au ministre de l'économie et des finances et à la société Orange de réintégrer avec effet rétroactif M. A... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.

1°/ Sous le n° 427868, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 février et 13 mai 2019 et le 5 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2°/ Sous le n° 427985, par un pourvoi, enregistré le 14 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A....


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 23 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Orange, et à la SCP Thouvenin, Coudray, avocat de M. A... ;





Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 4 janvier 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé à l'encontre de M. B... A..., assistant social d'entreprise à la direction d'Orange Sud-Est, la sanction disciplinaire de révocation. Par un jugement du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 11 décembre 2018, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement.

3. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Si le caractère fautif des faits reprochés est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

5. Il ressort des termes-mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille a retenu que M. A... a commis une faute déontologique en ayant eu une relation sexuelle en décembre 2010 avec une salariée d'Orange, à son domicile, après avoir établi avec elle un dossier concernant la situation personnelle de cette dernière. La cour a également relevé que cette salariée était alors en situation de vulnérabilité, se trouvant en attente de reprise d'activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, après avoir été placée en congé de longue maladie du 17 août 2009 au 16 novembre 2010 pour un état dépressif, et alors qu'elle connaissait des difficultés financières l'ayant conduite à solliciter à cette époque auprès de son employeur le bénéfice d'une aide financière afin de régler sa taxe d'habitation. Il ressort enfin des énonciations du même arrêt que M. A... était chargé, dans le cadre de ses fonctions d'assistant social d'entreprise, non seulement de participer à l'instruction de cette demande d'aide financière mais aussi d'accompagner la salariée en vue de sa reprise d'activité. Au vu de ces faits constants, la cour a estimé qu'eu égard à la manière de servir de l'intéressé et à sa situation à la date de la décision attaquée, la sanction de révocation était disproportionnée par rapport à la gravité de la faute commise.

6. Toutefois, eu égard à la gravité du manquement commis par M. A... aux obligations de probité et d'intégrité requises dans l'exercice de ses fonctions, toutes les sanctions moins sévères susceptibles de lui être infligées en application de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 mentionné ci-dessus étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes qu'il avait commises. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, la société Orange et le ministre de l'économie et des finances sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société Orange, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. A... à verser à la société Orange au titre de ces mêmes dispositions.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative par la société Orange sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Orange, au ministre de l'économie et des finances et à M. B... A....

ECLI:FR:CECHS:2020:427868.20200327
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