CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 25/02/2020, 18VE02357, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Delphi France Holding a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution les sommes de 420 287 euros, 923 556 euros et 1 046 364 euros correspondant à des crédits d'impôt au titre des dépenses de recherche exposées respectivement en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n°s 1704157, 1704159, 1704178 du 3 mai 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 juillet 2018 et 28 février 2019, la société Delphi France Holding, représentée par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution les sommes de 420 287 euros, 923 556 euros et 1 046 364 euros correspondant à des crédits d'impôt au titre des dépenses de recherche exposées respectivement en 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- les dépenses correspondant aux subventions de fonctionnement au comité d'entreprise doivent être retenues parmi les charges de personnel à inclure dans l'assiette du crédit d'impôt recherche en application de l'article 49 septies I de l'annexe III à ce code ;
- les taxes versée à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) et à l'Office européen des brevets (OEB), ainsi que les frais de prise, maintenance et défense des brevets doivent également être retenus en application du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- la refacturation de ces frais ne fait pas obstance à leur prise en compte, conformément aux paragraphes 20 et 21 de la documentation administrative de base référencée BOI 4 A-10-08 dont elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société Delphi France Holding.


Considérant ce qui suit :

1. La société Delphi France Holding, société mère d'un groupe fiscal intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, dont font partie les sociétés Delphi France et Delphi Diesel Systems France, relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution des sommes de 420 287 euros, 923 556 euros et 1 046 364 euros correspondant, selon elle, à des crédits d'impôt au titre de dépenses de recherche exposées par le groupe, respectivement au cours des années 2009, 2010 et 2011.
Sur le terrain de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) / e) Les frais de prise et de maintenance de brevets et de certificats d'obtention végétale ; / e bis) Les frais de défense de brevets et de certificats d'obtention végétale (...) ".

En ce qui concerne les subventions versées au comité d'entreprise par les sociétés Delphi France et Delphi Diesel Systems France :

3. Aux termes de l'article 49 septies I de l'annexe III à ce code : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : (...) / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ". Aux termes de l'article L. 2325-43 du code du travail alors en vigueur : " L'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute. / Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute ".

4. Il résulte de ces dispositions que les subventions versées pour le fonctionnement d'un comité d'entreprise, alors même qu'elles sont comptabilisées dans un compte de charges de personnel, ne sont pas versées aux personnels de recherche, à l'égard desquels elles ne constituent ni une rémunération, ni un accessoire de la rémunération au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts. Par suite, les versements effectués par les sociétés Delphi France et Delphi Diesel Systems France au comité d'entreprise ne peuvent pas être inclus dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne les frais de prise, de maintenance et de défense des brevets prise en charge par la société Delphi France :

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts que les dépenses affectées à la recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont nécessairement celles qui sont effectivement exposées par la société.

6. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années en litige, la société Delphi France a cédé la technologie produite dans son centre de recherches et développements aux sociétés Technologies Delphi Inc., de droit américain et Delphi Technologies Holding Sarl, de droit luxembourgeois. Elle centralise toutefois l'activité dite " legal " au titre de laquelle elle prend en charge l'ensemble des dépenses liées à la propriété intellectuelle du groupe et en particulier les frais de prise, de maintenance et de défense de ces brevets, y compris les taxes versées à l'INPI et à l'OEB, qui relèvent de tels frais. Elle refacture ensuite ces dépenses aux sociétés titulaires de brevets situées hors de France. Du fait de cette refacturation, la société Delphi France ne peut dès lors être regardée comme ayant exposé ces dépenses au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts. Elle ne peut donc et pour ce seul motif, prétendre, pour ces dépenses, au bénéfice du crédit d'impôt recherche.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. La société Delphi France holding se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 20 et 21 de l'instruction administrative 4 A-10-08 du 26 décembre 2008. Ces paragraphes apportent cependant des précisions sur l'application du d bis du II de l'article 244 quater B relatif aux dépenses de recherche engagées par une société non agréés et refacturées. Ils ne concernent pas les dépenses visées aux e) et e bis) du II de cet article. La société requérante ne peut donc utilement les invoquer.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Delphi France Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Delphi France Holding est rejetée.
N° 18VE02357



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