CAA de PARIS, 6ème chambre, 14/02/2020, 19PA00679, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2016 par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son changement d'affectation, ensemble la décision du 2 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700062/2-3 du 6 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions mentionnées ci-dessus et a mis à la charge de la région Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, la région Ile-de-France, représentée par la Selarl Reinhart Marville Torre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision litigieuse du 12 juillet 2016 constituait une sanction disciplinaire déguisée ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me E... pour la région Ile-de-France ,
- et les observations de Me B... pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., directrice territoriale, a exercé de 2008 à 2016 les fonctions de responsable d'antenne au sein de la sous-direction des ressources humaines des lycées de l'unité personnel et ressources humaines de la région Ile-de-France. Par une décision du 12 juillet 2016, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France l'a affectée au poste d'adjointe au chef de service ressources et informations de l'unité lycées, au sein des services de cette collectivité. Mme D... a formé le 16 septembre 2016, un recours gracieux à l'encontre de cette décision, recours rejeté par une décision du 2 novembre 2016. Mme D... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2016 ainsi que de celle rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 6 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande. La région Ile-de-France relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 89 de la loi visée ci-dessus du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation ".

3. Le changement d'affectation est suceptible de constituer une sanction déguisée si la mesure porte atteinte à la situation professionnelle d'un agent et si la nature des faits la justifiant et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner l'agent concerné.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... qui encadrait sept agents dans ses précédentes fonctions n'en encadre plus aucun dans sa nouvelle affectation, et que ne perçevant plus la prime de responsabilité, sa rémunération a baissé. La décision attaquée porte donc atteinte à sa situation professionnelle. Par ailleurs, si la région Ile-de-France conteste avoir eu l'intention de la sanctionner, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé le 13 mai 2016 à Mme D... par la directrice générale adjointe chargée du personnel et des ressources humaines, que la hiérarchie de Mme D... lui reprochait un " comportement contestataire ", lui demandait " une nouvelle fois de respecter [son] devoir d'obéissance hiérarchique " et lui faisait part de son " fort mécontentement ", lui reprochant ainsi des faits susceptibles de faire l'objet de sanction disciplinaire. La commission administrative paritaire convoquée moins d'un mois plus tard s'est prononcée à l'issue de sa réunion du 28 juin 2016 en émettant un avis défavorable à la mutation d'office de Mme D.... Dans ces conditions, l'intention de l'administration de sanctionner l'intéressée en prenant la décision attaquée doit être regardée comme établie. Or, la sanction du déplacement d'office ne figurant pas dans l'échelle des sanctions fixée par les dispositions citées au point précédent de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la décision litigieuse du 12 juillet 2016 constitue une sanction disciplinaire déguisée, dépourvue de base légale et, pour ce motif, l'ont annulée ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.

5. Il résulte de ce qui précède que la région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D.... Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.



D E C I D E :


Article 1er : La requête de la région Ile-de-France est rejetée.

Article 2 : La région Ile-de-France versera la somme de 1 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France et à Mme C... D....



Délibéré après l'audience du 5 février 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00679



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