CAA de PARIS, 5ème chambre, 13/02/2020, 18PA02688, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, à concurrence de la somme de 161 379 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1711773 du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2018, et un mémoire enregistré le 30 avril 2019, M. E..., représenté par Me D... et Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1711773 du Tribunal administratif de Paris en date du 21 juin 2018 ;

2°) de prononcer la réduction, à concurrence de la somme de 161 379 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le local était à usage d'habitation et les travaux entrepris n'avaient pas pour objet d'en changer l'affectation ;

- les travaux engagés constituent des travaux de réparation, d'entretien et d'amélioration, et les dépenses correspondantes sont, en conséquence, déductibles de ses revenus fonciers des années 2012 et 2013 ;

- il est fondé à se prévaloir des énonciations d'une part, de l'instruction référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007, reprise au BOI-RFPI-BASE-20-30-10, du 3 février 2014, et d'autre part, des réponses ministérielles faites à M. C..., député, (AN 19 août 1967 p. 3007
n° 1191) et M. G..., député, (AN 17-10-1967 p. 3719 n° 3308).


Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour M. E....



Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... est propriétaire d'un local situé 32 rue des Vignes à Paris, dans le
16ème arrondissement. Le local étant dans un état vétuste, il y a fait réaliser des travaux dont il a déduit les dépenses correspondantes, s'élevant à 88 276 euros pour l'année 2012 et 201 705 euros pour l'année 2013, des revenus fonciers bruts qu'il a déclarés au titre de ces deux années, en tant que dépenses de réparation, d'entretien et d'amélioration. A l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations fiscales souscrites par M. E..., le service a remis en cause la déduction de ces dépenses et, par voie de conséquence, les déficits déclarés par l'intéressé au motif que celles-ci n'étaient justifiées qu'à hauteur respectivement de 86 020 euros et 166 316 euros, et que, pour le surplus, elles se rapportaient à des travaux, qui, conduisant à la création de nouveaux locaux d'habitation, présentaient la nature de travaux de reconstruction ou d'agrandissement. M. E... a, en conséquence notamment de cette rectification, été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013, assorties d'intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Il fait appel du jugement en date du 21 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de ces impositions et pénalités.


Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". Aux termes de l'article 29 de ce code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires (...) ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Aux termes de l'article 13 du même code : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. (...) ".

3. Doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction. Doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants. Il appartient au contribuable, qui entend déduire de son revenu brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges.
4. Il ressort des mentions d'une part, du règlement de copropriété de l'immeuble situé
32 rue des Vignes, à Paris 16ème, appartenant à M. E... et d'autre part, du procès-verbal de constat établi à la demande de l'intéressé par un huissier le 22 novembre 2012, qui mentionne notamment que M. E... est propriétaire à cette adresse d'un ancien atelier d'artiste très vétuste, que le local appartenant à M. E... n'était pas, avant la réalisation des travaux en litige, destiné à l'habitation. A cet égard, M. E... a d'ailleurs indiqué dans la déclaration Modèle H2 qu'il a souscrite le 27 juillet 2011 auprès du centre des impôts fonciers de Paris Sud-Ouest, que son local était un " Atelier vide ", sans chambre, ni autre pièce habitable. La circonstance alléguée que cet atelier constituait une annexe de l'appartement du père de M. E..., situé à un étage supérieur, qui l'utilisait comme pièce d'habitation, et qu'aucune activité professionnelle n'y a été exercée, outre qu'elle n'est pas établie, n'est pas de nature à lui ôter sa destination d'origine en l'absence d'aménagements et d'équipements particuliers permettant de le regarder comme étant affecté à l'habitation. Ainsi, le requérant n'établit pas que son local, pour lequel aucune taxe d'habitation n'a été établie avant 2014, était, avant l'engagement des travaux en litige, destiné à l'habitation. Il résulte également de l'instruction que ces travaux, qui ont consisté notamment en la réfection de la façade, la pose d'un châssis fixe, le remplacement de la mezzanine, de l'escalier conduisant à celle-ci, de la baie vitrée existante et des faux plafonds, la remise en état des installations électrique et de chauffage, la réfection des murs, l'installation d'une cuisine, d'une salle-de-bain et de toilettes, et la fabrication et la pose d'une bibliothèque, de placards et de meubles de rangement, ont abouti à transformer cet atelier en un appartement de 55 m² avec une chambre. Ainsi, ils ont emporté la création d'un nouveau local d'habitation et doivent être regardés comme des travaux de construction au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, dont le coût n'était pas déductible des revenus fonciers bruts. Le requérant n'établit pas que les travaux d'entretien et d'amélioration qui ont pu, par ailleurs, être effectués seraient dissociables techniquement et fonctionnellement de ces travaux de construction. Dès lors, c'est à bon droit que le service a refusé de prendre en compte les dépenses correspondantes pour déterminer le montant des revenus fonciers imposables de M. E....


Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".

6. M. E... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes qu'il cite d'une part, de l'instruction référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007, reprise au BOI-RFPI-BASE-20-30-10, du 3 février 2014, et d'autre part, des réponses ministérielles faites à M. C..., député, (AN 19 août 1967 p.3007
n° 1191) et M. G..., député, (AN 17-10-1967 p. 3719 n° 3308), qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme F..., président-assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le rapporteur,
V. F...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02688



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