CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 30/01/2020, 19MA02836, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Bormes-les-Mimosas a procédé au retrait du permis de construire qui lui avait été accordé par arrêté du 21 décembre 2015 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1602708 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2019, la commune de Bormes-les-Mimosas, représentée par la SELARL D...-Molina agissant par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 avril 2019 ;

2°) de rejeter la requête de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :
- le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire est infondé ;
- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme pouvait légalement être opposé.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Bormes-les Mimosas la somme de 2 895,60 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de l'appelant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet, premier conseiller.
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,
- les observations de Me A... de la SELARL D...-Molina pour la commune de Bormes-les-Mimosas et de Me B... pour M. C....

Une note en délibéré a été présentée pour M. C... le 20 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bormes-les-Mimosas relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 mars 2016 par lequel le maire de ladite commune a procédé au retrait du permis de construire accordé à M. C... par arrêté du 21 décembre 2015.


Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent (...) une décision créatrice de droits (...) ". Selon l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Selon l'article L. 122-1 : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que la décision portant retrait d'un permis de construire doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Le respect de cette procédure constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie.


4. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Bormes-les-Mimosas a procédé, par arrêté du 17 mars 2016, au retrait du permis de construire délivré le 21 décembre 2015 à M. C.... Si un courrier, mentionnant la possibilité d'un tel retrait, a été adressé à M. C... le 15 mars 2016, la commune n'apporte aucun élément de nature à démontrer que M. C... aurait reçu ce courrier préalablement à l'arrêté de retrait. En outre, la commune n'apporte pas la preuve de ce que l'éventualité d'un tel retrait, ainsi que la possibilité pour l'intéressé de présenter des observations sur les motifs d'un tel retrait, auraient été mentionnées lors d'une réunion tenue le 1er mars 2016, réunion au cours de laquelle ont été évoqués les divers recours gracieux engagés contre le permis de construire par les riverains. En effet, d'une part aucun compte rendu de réunion n'a été rédigé et la production d'un " agenda " annoté ne comportant aucune mention d'un tel retrait ne saurait pallier cette absence. D'autre part, l'attestation datée du 17 juin 2019, soit plus de deux ans après la tenue de la réunion, rédigée par l'adjoint à l'urbanisme, ainsi que le courrier du 15 mars 2016 précité, selon lesquels le retrait de l'autorisation aurait été évoqué lors de cette réunion, ne revêtent pas de caractère probant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le retrait en litige avait été opéré sans intervention d'une procédure contradictoire préalable, privant de ce fait M. C... d'une garantie.


5. En second lieu, aux termes du 4 de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Bormes-les-Mimosas : " Dans les ensembles collectifs, il est demandé un arbre de haute tige par logement. Les arbres existants seront maintenus dans la mesure du possible ".


6. Le projet litigieux portant sur un immeuble collectif de seize logements, le respect de ces dispositions exigeait la plantation ou la conservation de seize arbres de haute tige. Pour retirer le permis de construire initialement accordé à M. C..., le maire de Bormes-les-Mimosas s'est fondé sur un unique motif tiré de ce que dix des seize arbres prévus par le projet ne pouvaient être comptabilisés dès lors qu'ils seront plantés sur la parcelle voisine cadastrée section AE n° 315. Toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse représentant les arbres situés sur la parcelle AE 315 et indiquant que le pétitionnaire dispose sur cette parcelle d'une servitude de jouissance à usage de jardin d'agrément, que le pétitionnaire a entendu inclure cette parcelle dans le terrain d'assiette du projet. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le motif du retrait contesté était illégal.


7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bormes-les-Mimosas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à la demande de M. C....



Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. M. C... n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter la demande de la commune de Bormes-les-Mimosas présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas, la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bormes-les-Mimosas est rejetée.
Article 2 : La commune de Bormes-les-Mimosas versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bormes-les-Mimosas et à M. E... C....
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020 où siégeaient :

- M. Poujade président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Baizet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
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N° 19MA02836
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