Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/09/2019, 421075
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/09/2019, 421075
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 421075
- ECLI:FR:CECHR:2019:421075.20190920
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
20 septembre 2019
- Rapporteur
- M. Marc Firoud
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Vendasi a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler le marché conclu le 18 juillet 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement des entreprises Raffalli et Pompeani en vue de l'aménagement du carrefour de la route nationale n° 193 situé à Furiani et, d'autre part, de condamner la collectivité territoriale de Corse à lui verser la somme de 3 046 327 euros hors taxes, majorée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de son éviction de la procédure de passation du marché. Par un jugement n° 1400700 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 16MA04379 du 30 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Vendasi, annulé ce jugement ainsi que le marché en litige, et ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du manque à gagner subi par le groupement auquel appartient la société Vendasi du fait de son éviction irrégulière.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai, 29 août 2018 et le 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la collectivité territoriale de Corse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Vendasi ;
3°) de mettre à la charge de la société Vendasi la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la collectivité de Corse et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Vendasi ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 18 juillet 2014, la collectivité territoriale de Corse a conclu avec un groupement composé des entreprises Raffalli et Pompéani un marché public de travaux en vue de la reconfiguration et de l'aménagement du carrefour de Furiani sur la route nationale n° 193. La société Vendasi, mandataire d'un groupement composé des sociétés Antoniotti, Via Corsa et PM Raffali, a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation de ce marché et à l'indemnisation du préjudice né de son éviction de la procédure de passation de ce marché. Par un jugement du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par un arrêt du 30 mars 2018, contre lequel la collectivité territoriale de Corse se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et le marché en litige, puis ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du manque à gagner subi, du fait de son éviction irrégulière, par le groupement dont la société Vendasi est mandataire.
2. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu d'éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c'est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières. Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que ces documents prévoient en outre la communication, par les soumissionnaires, d'éléments d'information qui, sans être nécessaires pour la définition ou l'appréciation des offres et sans que leur communication doive donc être prescrite à peine d'irrégularité de l'offre, sont utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d'apprécier la valeur des offres au regard d'un critère ou d'un sous-critère et précisent qu'en l'absence de ces informations, l'offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.
3. Pour juger que l'offre du groupement des entreprise Raffalli et Pompéani était incomplète et, donc, irrégulière, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé qu'elle ne comportait pas certaines informations, relatives notamment aux matériaux utilisés pour la réalisation des travaux et à leurs fiches techniques. En jugeant ainsi que la communication de ces éléments relatifs au contenu des offres était prescrite par le règlement de la consultation, elle n'a pas dénaturé celui-ci. Elle n'a par ailleurs commis aucune erreur de droit. En effet, alors même que, ainsi qu'il ressort du dossier soumis à la cour, ce règlement prévoyait, parmi les critères d'attribution, un critère de la valeur technique divisé en un sous-critère relatif à la méthodologie employée, un sous-critère relatif aux matériels employés et aux personnels affectés et un sous-critère relatif à la qualité des matériaux et des prestations et qu'il ajoutait, en des termes au demeurant ambigus, que " toute absence de renseignement d'un sous-critère sera sanctionnée d'une note égale à zéro ", la production d'informations sur la qualité des matériaux employés, notamment de leurs fiches techniques, ne pouvait être regardée que comme une production d'éléments nécessaires prescrite par le règlement, dont l'absence dans une offre entraînait nécessairement son irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Vendasi, qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que demande la collectivité territoriale de Corse à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse, au titre des mêmes dispositions, le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Vendasi.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la collectivité territoriale de Corse est rejeté.
Article 2 : La collectivité territoriale de Corse versera à la société Vendasi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la collectivité territoriale de Corse et à la société Vendasi.
Copie en sera adressée aux sociétés Raffalli TP, Antoniotti, Via Corsa et PM Raffalli.
ECLI:FR:CECHR:2019:421075.20190920
La société Vendasi a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler le marché conclu le 18 juillet 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement des entreprises Raffalli et Pompeani en vue de l'aménagement du carrefour de la route nationale n° 193 situé à Furiani et, d'autre part, de condamner la collectivité territoriale de Corse à lui verser la somme de 3 046 327 euros hors taxes, majorée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de son éviction de la procédure de passation du marché. Par un jugement n° 1400700 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 16MA04379 du 30 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Vendasi, annulé ce jugement ainsi que le marché en litige, et ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du manque à gagner subi par le groupement auquel appartient la société Vendasi du fait de son éviction irrégulière.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai, 29 août 2018 et le 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la collectivité territoriale de Corse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Vendasi ;
3°) de mettre à la charge de la société Vendasi la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la collectivité de Corse et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Vendasi ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 18 juillet 2014, la collectivité territoriale de Corse a conclu avec un groupement composé des entreprises Raffalli et Pompéani un marché public de travaux en vue de la reconfiguration et de l'aménagement du carrefour de Furiani sur la route nationale n° 193. La société Vendasi, mandataire d'un groupement composé des sociétés Antoniotti, Via Corsa et PM Raffali, a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation de ce marché et à l'indemnisation du préjudice né de son éviction de la procédure de passation de ce marché. Par un jugement du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par un arrêt du 30 mars 2018, contre lequel la collectivité territoriale de Corse se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et le marché en litige, puis ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du manque à gagner subi, du fait de son éviction irrégulière, par le groupement dont la société Vendasi est mandataire.
2. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu d'éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c'est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières. Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que ces documents prévoient en outre la communication, par les soumissionnaires, d'éléments d'information qui, sans être nécessaires pour la définition ou l'appréciation des offres et sans que leur communication doive donc être prescrite à peine d'irrégularité de l'offre, sont utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d'apprécier la valeur des offres au regard d'un critère ou d'un sous-critère et précisent qu'en l'absence de ces informations, l'offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.
3. Pour juger que l'offre du groupement des entreprise Raffalli et Pompéani était incomplète et, donc, irrégulière, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé qu'elle ne comportait pas certaines informations, relatives notamment aux matériaux utilisés pour la réalisation des travaux et à leurs fiches techniques. En jugeant ainsi que la communication de ces éléments relatifs au contenu des offres était prescrite par le règlement de la consultation, elle n'a pas dénaturé celui-ci. Elle n'a par ailleurs commis aucune erreur de droit. En effet, alors même que, ainsi qu'il ressort du dossier soumis à la cour, ce règlement prévoyait, parmi les critères d'attribution, un critère de la valeur technique divisé en un sous-critère relatif à la méthodologie employée, un sous-critère relatif aux matériels employés et aux personnels affectés et un sous-critère relatif à la qualité des matériaux et des prestations et qu'il ajoutait, en des termes au demeurant ambigus, que " toute absence de renseignement d'un sous-critère sera sanctionnée d'une note égale à zéro ", la production d'informations sur la qualité des matériaux employés, notamment de leurs fiches techniques, ne pouvait être regardée que comme une production d'éléments nécessaires prescrite par le règlement, dont l'absence dans une offre entraînait nécessairement son irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Vendasi, qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que demande la collectivité territoriale de Corse à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse, au titre des mêmes dispositions, le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Vendasi.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la collectivité territoriale de Corse est rejeté.
Article 2 : La collectivité territoriale de Corse versera à la société Vendasi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la collectivité territoriale de Corse et à la société Vendasi.
Copie en sera adressée aux sociétés Raffalli TP, Antoniotti, Via Corsa et PM Raffalli.