Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 10/07/2019, 412581
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 10/07/2019, 412581
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 412581
- ECLI:FR:CECHR:2019:412581.20190710
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
10 juillet 2019
- Rapporteur
- M. Aurélien Caron
- Avocat(s)
- CABINET BRIARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Cofinimmo a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui lui ont été distribués par sa succursale française de 2009 à 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1430167, 1518017 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16PA01795 du 17 mai 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société Cofinimmo contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2017 et le 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cofinimmo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
- l'arrêt C-68/15 du 15 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne, X c. Ministerraad ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Cofinimmo ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Cofinimmo est une société immobilière de droit belge qui exerce ses activités en Belgique sous la forme d'une société d'investissements à capital fixe immobilière (SICAFI). Ce régime lui permet de bénéficier en Belgique d'une exonération d'impôt des sociétés au titre des revenus de son activité foncière à la condition de distribuer au moins 80 % de son résultat net et des plus-values de cession de ses biens immobiliers à ses actionnaires. La société Cofinimmo exerce des activités en France depuis 2008 par l'intermédiaire d'une succursale déclarée comme un établissement stable immatriculé au greffe du tribunal de commerce de Paris. Cette succursale a opté pour le régime fiscal des sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) et pour le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés de l'article 208 C du code général des impôts. La société requérante a demandé la restitution de la retenue à la source au taux de 10 % prélevée, en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts, combinées avec les stipulations du 1 de l'article 17 de la convention fiscale signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964, sur les bénéfices de cette succursale réalisés au titre des années 2009 à 2013, réputés distribués à des associés n'ayant pas leur domicile ou leur siège social en France en vertu de l'article 115 quinquies du code. L'administration fiscale a rejeté sa réclamation. La société Cofinimmo a saisi de ce litige le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande, puis la cour administrative d'appel de Paris, qui a rejeté son appel par un arrêt du 17 mai 2017 contre lequel la société se pourvoit en cassation.
2. Aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. / 2. Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de l'article 119 bis 2 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. / L'excédent de perception lui est restitué. / Il en est de même dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France, et qu'elle leur a transféré les sommes correspondant à la retenue. / 3. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque la société étrangère remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ; / b) Y être passible de l'impôt sur les sociétés, sans possibilité d'option et sans en être exonérée ". L'article 380 de l'annexe II au même code dispose que : " I. La société peut demander que la retenue à la source (...) fasse l'objet d'une nouvelle liquidation sur la base de ses distributions effectives. / Les distributions à retenir pour l'application de cette disposition s'entendent des distributions au sens des articles 109 et suivants du code général des impôts qui ont été effectuées au cours de la période de douze mois qui suit la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source, quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes du 1 de l'article 119 ter du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal ".
3. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, reprenant les stipulations de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre (...) ". Aux termes de son article 54, reprenant les stipulations de l'article 48 du traité instituant la Communauté européenne : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres (...) ". Le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de cette liberté.
4. Il résulte des stipulations citées au point 3, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 15 mai 2017, X c. Ministerraad (affaire C-68/15), que l'État membre d'accueil est libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés opérant dans cet État membre, sous réserve d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables, et qu'il appartient ainsi à tout État membre d'aménager, dans le respect du droit de l'Union, son système fiscal relatif à l'imposition des bénéfices, pour autant que ces bénéfices relèvent de sa compétence fiscale. Dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la liberté d'établissement ne s'oppose pas à une législation fiscale d'un État membre en vertu de laquelle tant une société non-résidente exerçant une activité économique dans cet État membre par l'intermédiaire d'un établissement stable qu'une société résidente, y compris la filiale résidente d'une société non-résidente, sont assujetties à un impôt lorsqu'elles distribuent des dividendes qui, en raison de l'utilisation de certains avantages fiscaux prévus par le régime fiscal national, ne se retrouvent pas dans leur résultat imposable final et n'ont ainsi pas été soumis à l'impôt sur les sociétés. La compatibilité d'une telle législation avec la liberté d'établissement est toutefois subordonnée à la condition que le mode de détermination de l'assiette imposable de cet impôt ne conduise pas, de fait, à traiter cette société non-résidente d'une manière moins avantageuse qu'une société résidente. La Cour a précisé qu'une société non-résidente qui distribue des dividendes serait traitée d'une manière moins avantageuse dans une situation où le mode de calcul conduirait à ce qu'elle soit imposée sur des bénéfices ne relevant pas de la compétence fiscale de l'État membre.
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 115 quinquies du code général des impôts que le bénéfice d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source sur la base des distributions effectives de la société étrangère, emportant le cas échéant la restitution de l'excédent de retenue perçu, ne peut être obtenu que dans deux hypothèses. D'une part, la société peut demander une nouvelle liquidation de la retenue à la source si le montant total des distributions effectives auxquelles elle a procédé au cours de la période de référence est inférieur au montant des bénéfices réalisés en France qui, réputés distribués en totalité, constituent la base provisoire de cette retenue. D'autre part, elle peut demander une révision de la liquidation de la retenue dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France. En revanche, une société n'est pas admise à solliciter une révision de la liquidation de cette retenue à la source en établissant que les bénéfices de son exploitation française ont été, en tout ou partie, mis en réserve ou réinvestis, de telle sorte que les distributions effectives auxquelles elle a procédé à ses associés non résidents au cours de la période de référence n'ont pu être prélevées sur ces bénéfices de source française, mais l'ont été sur des bénéfices dégagés par ses exploitations étrangères.
6. Dans la mesure où elles ne permettent pas à une société non résidente réalisant des bénéfices en France d'établir, pour obtenir la restitution totale ou partielle de la retenue prélevée, que ses distributions soumises provisoirement à retenue à la source ont été, en l'absence de désinvestissement des bénéfices dégagés par ses exploitations françaises, prélevées sur des bénéfices ne relevant pas de la compétence fiscale de la France, les dispositions de l'article 115 quinquies du code général des impôts instaurent un mode de calcul désavantageux de l'assiette de la retenue à la source pour les sociétés non résidentes réalisant des bénéfices en France par l'intermédiaire d'un établissement stable.
7. Le traitement discriminatoire décrit au point précédent, qui est de nature à gêner ou rendre moins attrayant l'exercice par les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de leur liberté d'établissement sous la forme de création d'un établissement stable, ne saurait être justifié ni par la préservation de la répartition du pouvoir d'imposer entre les Etats membres, ni par la lutte contre l'évasion fiscale, l'article 115 quinquies du code général des impôts ne visant pas en lui-même à prévenir des pratiques abusives. Par suite, en jugeant que la présomption irréfragable posée par l'article 115 quinquies du code selon laquelle une société non résidente qui a réalisé des bénéfices en France et procède à des distributions à ses associés non résidents distribue prioritairement ses bénéfices de source française résulte d'une simple différence de technique d'imposition entre sociétés non résidentes ayant un établissement en France et filiales françaises de mères non résidentes, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cofinimmo est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Cofinimmo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 17 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société Cofinimmo la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Cofinimmo et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2019:412581.20190710
La société Cofinimmo a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui lui ont été distribués par sa succursale française de 2009 à 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1430167, 1518017 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16PA01795 du 17 mai 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société Cofinimmo contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2017 et le 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cofinimmo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
- l'arrêt C-68/15 du 15 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne, X c. Ministerraad ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Cofinimmo ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Cofinimmo est une société immobilière de droit belge qui exerce ses activités en Belgique sous la forme d'une société d'investissements à capital fixe immobilière (SICAFI). Ce régime lui permet de bénéficier en Belgique d'une exonération d'impôt des sociétés au titre des revenus de son activité foncière à la condition de distribuer au moins 80 % de son résultat net et des plus-values de cession de ses biens immobiliers à ses actionnaires. La société Cofinimmo exerce des activités en France depuis 2008 par l'intermédiaire d'une succursale déclarée comme un établissement stable immatriculé au greffe du tribunal de commerce de Paris. Cette succursale a opté pour le régime fiscal des sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) et pour le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés de l'article 208 C du code général des impôts. La société requérante a demandé la restitution de la retenue à la source au taux de 10 % prélevée, en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts, combinées avec les stipulations du 1 de l'article 17 de la convention fiscale signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964, sur les bénéfices de cette succursale réalisés au titre des années 2009 à 2013, réputés distribués à des associés n'ayant pas leur domicile ou leur siège social en France en vertu de l'article 115 quinquies du code. L'administration fiscale a rejeté sa réclamation. La société Cofinimmo a saisi de ce litige le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande, puis la cour administrative d'appel de Paris, qui a rejeté son appel par un arrêt du 17 mai 2017 contre lequel la société se pourvoit en cassation.
2. Aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. / 2. Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de l'article 119 bis 2 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. / L'excédent de perception lui est restitué. / Il en est de même dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France, et qu'elle leur a transféré les sommes correspondant à la retenue. / 3. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque la société étrangère remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ; / b) Y être passible de l'impôt sur les sociétés, sans possibilité d'option et sans en être exonérée ". L'article 380 de l'annexe II au même code dispose que : " I. La société peut demander que la retenue à la source (...) fasse l'objet d'une nouvelle liquidation sur la base de ses distributions effectives. / Les distributions à retenir pour l'application de cette disposition s'entendent des distributions au sens des articles 109 et suivants du code général des impôts qui ont été effectuées au cours de la période de douze mois qui suit la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source, quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes du 1 de l'article 119 ter du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal ".
3. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, reprenant les stipulations de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre (...) ". Aux termes de son article 54, reprenant les stipulations de l'article 48 du traité instituant la Communauté européenne : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres (...) ". Le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de cette liberté.
4. Il résulte des stipulations citées au point 3, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 15 mai 2017, X c. Ministerraad (affaire C-68/15), que l'État membre d'accueil est libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés opérant dans cet État membre, sous réserve d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables, et qu'il appartient ainsi à tout État membre d'aménager, dans le respect du droit de l'Union, son système fiscal relatif à l'imposition des bénéfices, pour autant que ces bénéfices relèvent de sa compétence fiscale. Dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la liberté d'établissement ne s'oppose pas à une législation fiscale d'un État membre en vertu de laquelle tant une société non-résidente exerçant une activité économique dans cet État membre par l'intermédiaire d'un établissement stable qu'une société résidente, y compris la filiale résidente d'une société non-résidente, sont assujetties à un impôt lorsqu'elles distribuent des dividendes qui, en raison de l'utilisation de certains avantages fiscaux prévus par le régime fiscal national, ne se retrouvent pas dans leur résultat imposable final et n'ont ainsi pas été soumis à l'impôt sur les sociétés. La compatibilité d'une telle législation avec la liberté d'établissement est toutefois subordonnée à la condition que le mode de détermination de l'assiette imposable de cet impôt ne conduise pas, de fait, à traiter cette société non-résidente d'une manière moins avantageuse qu'une société résidente. La Cour a précisé qu'une société non-résidente qui distribue des dividendes serait traitée d'une manière moins avantageuse dans une situation où le mode de calcul conduirait à ce qu'elle soit imposée sur des bénéfices ne relevant pas de la compétence fiscale de l'État membre.
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 115 quinquies du code général des impôts que le bénéfice d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source sur la base des distributions effectives de la société étrangère, emportant le cas échéant la restitution de l'excédent de retenue perçu, ne peut être obtenu que dans deux hypothèses. D'une part, la société peut demander une nouvelle liquidation de la retenue à la source si le montant total des distributions effectives auxquelles elle a procédé au cours de la période de référence est inférieur au montant des bénéfices réalisés en France qui, réputés distribués en totalité, constituent la base provisoire de cette retenue. D'autre part, elle peut demander une révision de la liquidation de la retenue dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France. En revanche, une société n'est pas admise à solliciter une révision de la liquidation de cette retenue à la source en établissant que les bénéfices de son exploitation française ont été, en tout ou partie, mis en réserve ou réinvestis, de telle sorte que les distributions effectives auxquelles elle a procédé à ses associés non résidents au cours de la période de référence n'ont pu être prélevées sur ces bénéfices de source française, mais l'ont été sur des bénéfices dégagés par ses exploitations étrangères.
6. Dans la mesure où elles ne permettent pas à une société non résidente réalisant des bénéfices en France d'établir, pour obtenir la restitution totale ou partielle de la retenue prélevée, que ses distributions soumises provisoirement à retenue à la source ont été, en l'absence de désinvestissement des bénéfices dégagés par ses exploitations françaises, prélevées sur des bénéfices ne relevant pas de la compétence fiscale de la France, les dispositions de l'article 115 quinquies du code général des impôts instaurent un mode de calcul désavantageux de l'assiette de la retenue à la source pour les sociétés non résidentes réalisant des bénéfices en France par l'intermédiaire d'un établissement stable.
7. Le traitement discriminatoire décrit au point précédent, qui est de nature à gêner ou rendre moins attrayant l'exercice par les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de leur liberté d'établissement sous la forme de création d'un établissement stable, ne saurait être justifié ni par la préservation de la répartition du pouvoir d'imposer entre les Etats membres, ni par la lutte contre l'évasion fiscale, l'article 115 quinquies du code général des impôts ne visant pas en lui-même à prévenir des pratiques abusives. Par suite, en jugeant que la présomption irréfragable posée par l'article 115 quinquies du code selon laquelle une société non résidente qui a réalisé des bénéfices en France et procède à des distributions à ses associés non résidents distribue prioritairement ses bénéfices de source française résulte d'une simple différence de technique d'imposition entre sociétés non résidentes ayant un établissement en France et filiales françaises de mères non résidentes, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cofinimmo est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Cofinimmo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 17 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société Cofinimmo la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Cofinimmo et au ministre de l'action et des comptes publics.