Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/06/2019, 421458
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/06/2019, 421458
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 421458
- ECLI:FR:CECHR:2019:421458.20190628
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
28 juin 2019
- Avocat(s)
- SCP BOULLEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 26 août 2013 du ministre de la défense prononçant sa radiation des contrôles et des cadres du ministère à compter du 21 novembre 2013. Par un jugement n° 1400739 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 16VE02056 du 12 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 13 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- l'arrêté du 4 mai 1988 relatif aux modalités de recrutement et de rémunération des agents sur contrat du ministère de la défense dans les services de la délégation générale pour l'armement qui n'ont pas un caractère industriel ou commercial ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été recruté par contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans à compter du 1er février 2007 en qualité de technicien au sein de la direction générale de l'armement du ministère de la défense, afin d'exercer les fonctions de spécialiste gestionnaire de projets. Au vu de son diplôme universitaire, ce premier contrat a été résilié et un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 21 novembre 2007 en qualité d'ingénieur cadre. Ce contrat a été renouvelé pour une période de trois ans à compter du 21 novembre 2010. Par arrêté du ministre de la défense du 26 août 2013, M. A...a été radié des contrôles et des cadres du ministère de la défense à compter du 21 novembre 2013. A la demande de l'intéressé, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté par un jugement du 10 mai 2016. Par l'arrêt attaqué du 12 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur recours du ministre de la défense, annulé ce jugement puis rejeté la demande de M.A....
2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 : " Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux quatrième à sixième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. En cas de refus par l'agent de l'avenant proposé, l'agent est maintenu en fonctions jusqu'au terme du contrat à durée déterminée en cours ". L'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Les corps et cadres d'emplois de fonctionnaires sont répartis en trois catégories désignées, dans l'ordre hiérarchique décroissant, par les lettres A, B et C ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 12 mars 2012, qu'un agent contractuel de l'Etat peut bénéficier d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'il justifie d'une durée de services de six ans, accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, dans des fonctions relevant d'une même catégorie hiérarchique A, B ou C au sens de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée. Lorsque les contrats successifs de l'agent mentionnent, s'agissant de l'emploi qu'il occupe, des appellations et références catégorielles différentes, il peut néanmoins bénéficier d'un contrat à durée indéterminée s'il est établi qu'il a en réalité exercé, en dépit des indications figurant sur les contrats, des fonctions identiques pendant la durée de services requise.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour retenir que M. A...n'avait pas atteint l'ancienneté requise par les dispositions de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 de six ans de services publics effectifs dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique avant le 21 novembre 2013, date d'échéance de son contrat en cours, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur le changement d'appellation et de référence catégorielle des deux emplois occupés successivement par l'intéressé. En statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait M.A..., ses fonctions étaient demeurées les mêmes, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 12 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la ministre des armées et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2019:421458.20190628
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 26 août 2013 du ministre de la défense prononçant sa radiation des contrôles et des cadres du ministère à compter du 21 novembre 2013. Par un jugement n° 1400739 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 16VE02056 du 12 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 13 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- l'arrêté du 4 mai 1988 relatif aux modalités de recrutement et de rémunération des agents sur contrat du ministère de la défense dans les services de la délégation générale pour l'armement qui n'ont pas un caractère industriel ou commercial ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été recruté par contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans à compter du 1er février 2007 en qualité de technicien au sein de la direction générale de l'armement du ministère de la défense, afin d'exercer les fonctions de spécialiste gestionnaire de projets. Au vu de son diplôme universitaire, ce premier contrat a été résilié et un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 21 novembre 2007 en qualité d'ingénieur cadre. Ce contrat a été renouvelé pour une période de trois ans à compter du 21 novembre 2010. Par arrêté du ministre de la défense du 26 août 2013, M. A...a été radié des contrôles et des cadres du ministère de la défense à compter du 21 novembre 2013. A la demande de l'intéressé, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté par un jugement du 10 mai 2016. Par l'arrêt attaqué du 12 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur recours du ministre de la défense, annulé ce jugement puis rejeté la demande de M.A....
2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 : " Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux quatrième à sixième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. En cas de refus par l'agent de l'avenant proposé, l'agent est maintenu en fonctions jusqu'au terme du contrat à durée déterminée en cours ". L'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Les corps et cadres d'emplois de fonctionnaires sont répartis en trois catégories désignées, dans l'ordre hiérarchique décroissant, par les lettres A, B et C ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 12 mars 2012, qu'un agent contractuel de l'Etat peut bénéficier d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'il justifie d'une durée de services de six ans, accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, dans des fonctions relevant d'une même catégorie hiérarchique A, B ou C au sens de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée. Lorsque les contrats successifs de l'agent mentionnent, s'agissant de l'emploi qu'il occupe, des appellations et références catégorielles différentes, il peut néanmoins bénéficier d'un contrat à durée indéterminée s'il est établi qu'il a en réalité exercé, en dépit des indications figurant sur les contrats, des fonctions identiques pendant la durée de services requise.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour retenir que M. A...n'avait pas atteint l'ancienneté requise par les dispositions de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 de six ans de services publics effectifs dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique avant le 21 novembre 2013, date d'échéance de son contrat en cours, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur le changement d'appellation et de référence catégorielle des deux emplois occupés successivement par l'intéressé. En statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait M.A..., ses fonctions étaient demeurées les mêmes, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la ministre des armées et au ministre de l'action et des comptes publics.