Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/06/2019, 420776
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/06/2019, 420776
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 420776
- ECLI:FR:CECHR:2019:420776.20190628
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
28 juin 2019
- Rapporteur
- Mme Cécile Renault
- Avocat(s)
- SCP JEAN-PHILIPPE CASTON ; HAAS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les marchés relatifs aux lots n° 1 " maintenance et fourniture des bacs à déchets ", n° 2 " maintenance des points d'apport volontaire ", n° 3 " fourniture de points d'apport volontaire ", n° 4 " lavage des bacs à déchets et des points d'apport volontaire " et n° 6 " fourniture de sacs poubelle " du marché public de fourniture, maintenance et lavage des moyens de pré-collecte des déchets ménagers conclus par la communauté d'agglomération de la Riviera française. Par un jugement n° 1500101 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 16MA02355 du 19 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du préfet des Alpes-Maritimes, annulé ce jugement, annulé le marché conclu au titre du lot n° 3 et sursis à statuer sur les lots n°s 1, 2, 4 et 6.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 7 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Plastic omnium systèmes urbains demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur le lot n° 3 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Renault, auditrice,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Caston, avocat de la société Plastic omnium systèmes urbains et à Me Haas, avocat de la communauté d'agglomération de la Riviera française ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté d'agglomération de la Riviera française a lancé en juin 2014 une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d'un marché de fourniture et de services à bons de commande sans minimum ni maximum d'une durée de trois ans portant sur la fourniture, la maintenance et le lavage des moyens de pré collecte des déchets ménagers, divisé en six lots. La société Plastic omnium systèmes urbains s'est vu attribuer, le 2 septembre 2014, le lot n° 3 " fournitures des points d'apports volontaires ". Le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 8 avril 2016, rejeté la requête du préfet des Alpes Maritimes tendant à l'annulation des lots n° 1, 2, 3, 4 et 6. Sur appel du préfet, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 19 mars 2018 contre lequel la société Plastic omnium systèmes urbains se pourvoit en cassation, annulé ce jugement et le marché conclu le 2 septembre 2014 par la communauté d'agglomération de la Riviera française au titre du lot n° 3 " fourniture de points d'apport volontaire ".
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Lorsque, dans ce délai, le préfet, préalablement à l'introduction d'un recours en contestation de la validité d'un contrat, saisit l'autorité compétente d'un recours gracieux, ce recours gracieux interrompt le délai de recours contentieux. Dès lors, en jugeant que le recours gracieux présenté par le préfet des Alpes-Maritimes avait interrompu le délai de recours contentieux et qu'en conséquence le déféré n'était pas tardif, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
3. En second lieu, toutefois, il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi par le représentant de l'Etat d'un déféré contestant la validité d'un contrat, d'apprécier l'importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.
4. Ce n'est ainsi que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité devant être relevé d'office que le juge peut prononcer son annulation, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général. En se fondant, pour accueillir les conclusions à fin d'annulation du préfet, sur la circonstance que la communauté d'agglomération avait mis en oeuvre une méthode de notation différente de celle qui avait été annoncée dans les documents de la consultation, ce qui avait eu une incidence sur le classement des offres, alors que cette circonstance ne peut, contrairement à ce qu'a estimé la cour, être regardée comme caractérisant un vice de consentement, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Plastic omnium systèmes urbains est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 3.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la société Plastic omnium systèmes urbains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération de la Riviera française.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 19 mars 2018 de la cour administrative de Marseille est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 3.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la société Plastic omnium systèmes urbains une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de la Riviera française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Plastic omnium systèmes urbains, à la communauté d'agglomération de la Riviera française et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la société Contenur.
ECLI:FR:CECHR:2019:420776.20190628
Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les marchés relatifs aux lots n° 1 " maintenance et fourniture des bacs à déchets ", n° 2 " maintenance des points d'apport volontaire ", n° 3 " fourniture de points d'apport volontaire ", n° 4 " lavage des bacs à déchets et des points d'apport volontaire " et n° 6 " fourniture de sacs poubelle " du marché public de fourniture, maintenance et lavage des moyens de pré-collecte des déchets ménagers conclus par la communauté d'agglomération de la Riviera française. Par un jugement n° 1500101 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 16MA02355 du 19 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du préfet des Alpes-Maritimes, annulé ce jugement, annulé le marché conclu au titre du lot n° 3 et sursis à statuer sur les lots n°s 1, 2, 4 et 6.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 7 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Plastic omnium systèmes urbains demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur le lot n° 3 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Renault, auditrice,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Caston, avocat de la société Plastic omnium systèmes urbains et à Me Haas, avocat de la communauté d'agglomération de la Riviera française ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté d'agglomération de la Riviera française a lancé en juin 2014 une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d'un marché de fourniture et de services à bons de commande sans minimum ni maximum d'une durée de trois ans portant sur la fourniture, la maintenance et le lavage des moyens de pré collecte des déchets ménagers, divisé en six lots. La société Plastic omnium systèmes urbains s'est vu attribuer, le 2 septembre 2014, le lot n° 3 " fournitures des points d'apports volontaires ". Le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 8 avril 2016, rejeté la requête du préfet des Alpes Maritimes tendant à l'annulation des lots n° 1, 2, 3, 4 et 6. Sur appel du préfet, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 19 mars 2018 contre lequel la société Plastic omnium systèmes urbains se pourvoit en cassation, annulé ce jugement et le marché conclu le 2 septembre 2014 par la communauté d'agglomération de la Riviera française au titre du lot n° 3 " fourniture de points d'apport volontaire ".
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Lorsque, dans ce délai, le préfet, préalablement à l'introduction d'un recours en contestation de la validité d'un contrat, saisit l'autorité compétente d'un recours gracieux, ce recours gracieux interrompt le délai de recours contentieux. Dès lors, en jugeant que le recours gracieux présenté par le préfet des Alpes-Maritimes avait interrompu le délai de recours contentieux et qu'en conséquence le déféré n'était pas tardif, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
3. En second lieu, toutefois, il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi par le représentant de l'Etat d'un déféré contestant la validité d'un contrat, d'apprécier l'importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.
4. Ce n'est ainsi que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité devant être relevé d'office que le juge peut prononcer son annulation, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général. En se fondant, pour accueillir les conclusions à fin d'annulation du préfet, sur la circonstance que la communauté d'agglomération avait mis en oeuvre une méthode de notation différente de celle qui avait été annoncée dans les documents de la consultation, ce qui avait eu une incidence sur le classement des offres, alors que cette circonstance ne peut, contrairement à ce qu'a estimé la cour, être regardée comme caractérisant un vice de consentement, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Plastic omnium systèmes urbains est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 3.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la société Plastic omnium systèmes urbains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération de la Riviera française.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 mars 2018 de la cour administrative de Marseille est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 3.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la société Plastic omnium systèmes urbains une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de la Riviera française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Plastic omnium systèmes urbains, à la communauté d'agglomération de la Riviera française et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la société Contenur.