CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3, 13/06/2019, 17DA01007, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pégase a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes Eure Madrie Seine (CCEMS) à lui verser la somme de 30 250,13 euros toutes taxes comprises, en paiement des prestations réalisées, en qualité de sous-traitante, des travaux de construction de la Maison de soins et de promotion de la santé située à Gaillon.

Par un jugement n° 1502068 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mai 2017 et 21 mai 2019, la société Pégase, représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté de communes Eure Madrie Seine à lui verser la somme de 30 250,13 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Eure Madrie Seine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 15 octobre 2012, la communauté de communes Eure Madrie Seine a confié au groupement conjoint composé des sociétés SICB, Atelier d'architecture de l'Andelle, FBS et Bel Constructions, cette dernière société étant le mandataire du groupement, le lot n°2 " construction modulaire " dans le cadre de la construction d'une Maison de soins et de promotion de la santé à Gaillon. Par un premier acte spécial de sous-traitance du 17 mai 2013, la CCEMS a approuvé la sous-traitance du lot n° 2.4 " Pose des menuiseries extérieures " par la société Bel constructions à la société Pégase, pour un montant maximum de 11 362 euros toutes taxes comprises (TTC). Par un deuxième acte spécial de sous-traitance du 8 août 2013, la CCEMS a approuvé la sous-traitance de la pose de soixante-neuf modules bois, par la société Bel constructions à la société Pégase, pour un montant maximum de 26 431,60 euros TTC. Par un troisième acte spécial modificatif de sous-traitance, annulant et remplaçant le premier acte, la CCEMS a approuvé la sous-traitance, par la société Bel constructions à la société Pégase, d'une part, de la pose des soixante-neuf modules bois et, d'autre part, de la livraison des modules pour un montant maximum respectivement de 26 431,60 euros TTC et 16 057,80 euros TTC. Dans la nuit du 20 au 21 octobre 2013, alors que les travaux avaient débuté depuis le 8 novembre 2012, un incendie s'est déclaré sur le chantier et a endommagé une grande partie des travaux exécutés par le groupement en charge du lot n°2. Par un jugement du 21 novembre 2013, la société Bel Constructions a été placée en procédure de liquidation judiciaire. MeA..., mandataire liquidateur de la société Bel Constructions, n'ayant pas donné suite à la mise en demeure de la CCEMS notifiée en application des stipulations de l'article 46.1.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, le marché conclu avec la société Bel Constructions a été résilié. Le décompte a été notifié à la société Bel constructions, représentée par MeA..., le 19 septembre 2014. La société Pégase a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la CCEMS à lui verser la somme de 30 250,13 euros, TTC correspondant au solde des prestations sous-traitées qui ont été réalisées avant l'incendie et dont elle n'a pas reçu paiement. La société Pégase relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ". Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur à la date du litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant ".

3. Il résulte de la combinaison de l'article 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l'article 116 du code des marchés publics alors applicable, que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.

4. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Pégase aurait adressé une demande de paiement direct à la société Bel construction, ou au liquidateur de cette société, dans les conditions prévues à l'article 116 du code des marchés publics. Ainsi, elle n'établit pas avoir adressé, par lettre recommandée, les factures en litige, ou les avoir déposées auprès de cette entreprise contre récépissé, ces factures n'étant pas, au demeurant, établies à l'entête du maître d'ouvrage. La lettre du 2 décembre 2013 adressée par la société Pégase à MeA..., liquidateur de la société Bel constructions, se borne à demander, à titre principal, à ce que le liquidateur lui adresse des " situations de travaux correctement établies " et, à titre subsidiaire, à prendre en compte sa déclaration de créance. Une telle lettre, réitérée le 9 février 2014, ne saurait être regardée comme constituant une demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. Par ailleurs, la lettre du 13 mai 2014 adressée par la société Pégase à la communauté de communes Eure Madrie Seine ne saurait davantage correspondre à une demande de paiement au pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. Par cette lettre, la société Pégase demande seulement, en effet, à être informée de l'état de la " procédure judiciaire de nomination du mandataire de Bel construction " et à ce que la CCEMS procède à la consignation d'une somme de 30 250,13 euros. Dans ces conditions, la société Pégase n'établit pas avoir présenté une demande de paiement direct dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics en vigueur à la date du litige. Par ailleurs, la société Pégase soutient, en cause d'appel, avoir régularisé sa demande de paiement direct par lettre du 28 mai 2017 adressée à MeA..., liquidateur judiciaire de la société Bel Constructions et en adressant également, par lettre du 24 juin 2017, sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur accompagnée des pièces requises. A supposer même régulière cette demande, elle ne correspond, pour autant, à aucun litige né et actuel faute notamment de réponse de la part du maître d'ouvrage sur cette nouvelle demande. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Pégase n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCEMS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Pégase demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Pégase une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CCEMS et non compris dans les dépens.


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Pégase est rejetée.


Article 2 : La société Pégase versera à la communauté de communes Eure Madrie Seine
une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pégase et à la communauté de communes Eure Madrie Seine.
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N°"Numéro"



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