Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/06/2019, 413797
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/06/2019, 413797
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 413797
- ECLI:FR:CECHR:2019:413797.20190617
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
17 juin 2019
- Rapporteur
- Mme Fanélie Ducloz
- Avocat(s)
- SCP ROUSSEAU, TAPIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration anticipée au terme d'un congé sans rémunération pour convenances personnelles, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer à compter du 9 mai 2016 dans un emploi assorti d'une rémunération équivalente à celle antérieurement perçue ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Par une ordonnance n° 1700622/5-2 du 20 février 2017, la vice-présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande comme manifestement irrecevable.
Par un arrêt n° 17PA00836 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre cette ordonnance par M.B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 29 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., agent contractuel de l'Etat, a été placé en congé sans rémunération pour convenances personnelles à compter du 31 octobre 2014. Il a demandé sa réintégration par un courrier du 8 février 2016. Le ministre de l'intérieur a, par une décision du 6 octobre 2016, rejeté sa demande et maintenu sa position de congé sans rémunération jusqu'au 31 octobre 2017. Par une ordonnance du 20 février 2017, la vice-présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre cette ordonnance.
2. Aux termes du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".
3. Il résulte des dispositions qui viennent d'être rappelées qu'un requérant n'est pas recevable à contester une décision expresse confirmative d'une décision de rejet devenue définitive. Il en va différemment si la décision de rejet n'est pas devenue définitive, le requérant étant alors recevable à en demander l'annulation dès lors qu'il saisi le juge dans le délai de recours contre la décision expresse confirmant ce rejet. Il en va ainsi lorsque, par son comportement, l'administration a induit en erreur le requérant sur les conditions d'exercice de son droit au recours contre le refus qui lui a été initialement opposé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de réintégration de M. B...a donné lieu à une décision implicite de rejet le 9 avril 2016 et qu'avant l'expiration du délai de recours contre cette décision ont été adressés à M.B..., d'une part, le 19 mai 2016, un courriel lui confirmant que, ainsi que cela lui avait été indiqué par téléphone, l'instruction de son dossier était en cours et qu'il serait prochainement convoqué à un entretien avec la personne en charge de son dossier prévu le 22 juin 2016 et lui demandant, dans cette perspective, de fournir un certain nombre de pièces complémentaires et, d'autre part, une lettre en date du 7 juin 2016 lui confirmant que sa demande était en cours d'instruction et qu'il aurait prochainement un entretien avec la personne en charge de son dossier, entretien qui a finalement eu lieu le 27 juin 2016. Dans ces conditions, en jugeant inopérante la circonstance que ces courriel et lettre avaient pu induire en erreur l'intéressé et en déduisant que la demande de première instance dirigée contre une décision purement confirmative était tardive et donc irrecevable, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A...B...et au ministre de l'intérieur.
ECLI:FR:CECHR:2019:413797.20190617
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration anticipée au terme d'un congé sans rémunération pour convenances personnelles, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer à compter du 9 mai 2016 dans un emploi assorti d'une rémunération équivalente à celle antérieurement perçue ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Par une ordonnance n° 1700622/5-2 du 20 février 2017, la vice-présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande comme manifestement irrecevable.
Par un arrêt n° 17PA00836 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre cette ordonnance par M.B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 29 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., agent contractuel de l'Etat, a été placé en congé sans rémunération pour convenances personnelles à compter du 31 octobre 2014. Il a demandé sa réintégration par un courrier du 8 février 2016. Le ministre de l'intérieur a, par une décision du 6 octobre 2016, rejeté sa demande et maintenu sa position de congé sans rémunération jusqu'au 31 octobre 2017. Par une ordonnance du 20 février 2017, la vice-présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre cette ordonnance.
2. Aux termes du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".
3. Il résulte des dispositions qui viennent d'être rappelées qu'un requérant n'est pas recevable à contester une décision expresse confirmative d'une décision de rejet devenue définitive. Il en va différemment si la décision de rejet n'est pas devenue définitive, le requérant étant alors recevable à en demander l'annulation dès lors qu'il saisi le juge dans le délai de recours contre la décision expresse confirmant ce rejet. Il en va ainsi lorsque, par son comportement, l'administration a induit en erreur le requérant sur les conditions d'exercice de son droit au recours contre le refus qui lui a été initialement opposé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de réintégration de M. B...a donné lieu à une décision implicite de rejet le 9 avril 2016 et qu'avant l'expiration du délai de recours contre cette décision ont été adressés à M.B..., d'une part, le 19 mai 2016, un courriel lui confirmant que, ainsi que cela lui avait été indiqué par téléphone, l'instruction de son dossier était en cours et qu'il serait prochainement convoqué à un entretien avec la personne en charge de son dossier prévu le 22 juin 2016 et lui demandant, dans cette perspective, de fournir un certain nombre de pièces complémentaires et, d'autre part, une lettre en date du 7 juin 2016 lui confirmant que sa demande était en cours d'instruction et qu'il aurait prochainement un entretien avec la personne en charge de son dossier, entretien qui a finalement eu lieu le 27 juin 2016. Dans ces conditions, en jugeant inopérante la circonstance que ces courriel et lettre avaient pu induire en erreur l'intéressé et en déduisant que la demande de première instance dirigée contre une décision purement confirmative était tardive et donc irrecevable, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A...B...et au ministre de l'intérieur.