Tribunal des Conflits, , 08/04/2019, C4154, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré à son secrétariat le 10 décembre 2018, l'expédition de l'arrêt du 7 décembre 2018 par lequel le Conseil d'Etat, saisi en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, du dossier de la requête de Mme A...tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 9 février 2018 par le département de la Drôme en vue du paiement de la somme de 1 400 euros, correspondant à son obligation alimentaire, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu l'ordonnance du 18 avril 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de MmeA... ;

Vu, enregistré le 11 février 2019, le mémoire présenté par le ministre des solidarités et de la santé tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige, par les motifs que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a entendu créer un bloc de compétence au profit du juge judiciaire en matière d'obligation alimentaire et lui confier l'ensemble des décisions en matière d'aide sociale qui prennent en compte puis mettent en oeuvre l'obligation alimentaire ;

Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée à Mme A...et au département de la Drôme qui n'ont pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

Vu le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

Vu la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme D...Duval-Arnould, membre du Tribunal,

- les conclusions de Mme Cortot-Boucher, Rapporteur public ;


Considérant qu'à la suite de l'admission par le président du conseil départemental de la Drôme de M. E...A...à l'aide sociale pour ses frais d'hébergement au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de deux décisions des 11 juin 2014 et 21 décembre 2016 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence fixant l'obligation alimentaire de Mme C... A...épouseB..., sa fille, le département de la Drôme a émis à l'encontre de celle-ci, un titre exécutoire en vue du paiement d'une somme de 1 400 euros correspondant à une part des frais d'hébergement de son père ; que, par une requête du 2 mars 2018, Mme A...a demandé l'annulation de ce titre exécutoire au tribunal administratif de Grenoble ; que le Conseil d'Etat, saisi par le Président de ce tribunal, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, du dossier de la requête de Mme A...a, par décision du 7 décembre 2018, renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire (...) ; que l'article L. 132-7 du même code prévoit, que : "En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil départemental peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part de l'aide sociale " ;

Considérant qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il appartenait à la juridiction administrative de connaître, sous réserve, le cas échéant, des questions préjudicielles à l'autorité judiciaire pouvant tenir notamment à l'obligation alimentaire, des contestations relatives au recouvrement des sommes demandées à des particuliers, en raison des dépenses exposées par une collectivité publique au titre de l'aide sociale, que ces contestations mettent en cause les bénéficiaires de l'aide sociale eux-mêmes ou d'autres personnes, en particulier leurs obligés alimentaires ; qu'au sein de la juridiction administrative, cette compétence relevait pour les prestations d'aide sociale entrant dans le champ de l'article L. 134-1 du code de l'action sociale et des familles, des commissions départementales d'aide sociale en premier ressort et de la Commission centrale d'aide sociale en appel ; que la loi du 18 novembre 2016, ayant notamment supprimé les commissions départementales d'aide sociale et la Commission centrale d'aide sociale, a énoncé, d'une part, à l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles, applicable à compter du 1er janvier 2019, y compris aux affaires en cours à cette date devant les commissions départementales d'aide sociale, en vertu des dispositions combinées de l'article 114 de cette loi et de l'article 17 du décret du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, que " Le juge judiciaire connaît des contestations formées contre les décisions relatives à : (...) 4° Les recours exercés par l'Etat ou le département en présence d'obligés alimentaires prévus à l'article L. 132-6 ", d'autre part, à l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire " Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent : (...) 3° Des litiges relevant de l'admission à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles (...). " ; que l'article L. 134-3 a été, de nouveau, modifié par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et dispose depuis le 25 mars 2019 : " Le juge judiciaire connaît des litiges : 1° Résultant de l'application de l'article L. 132-6 (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, applicables au litige opposant Mme A...au département, que sont transférés à la juridiction judiciaire les recours des obligés alimentaires contestant les décisions prises par l'Etat ou le département pour obtenir le remboursement des sommes avancées par la collectivité, les recours contre les décisions relatives à l'admission à l'aide sociale continuant en revanche de relever de la juridiction administrative même en présence d'obligés alimentaires ; qu'il s'ensuit qu'il incombe désormais à la juridiction judiciaire de statuer sur la demande de Mme A...contre le titre exécutoire émis à son encontre par le président du conseil départemental de la Drôme ;



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme A...au département de la Drôme.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MmeA..., au département de la Drôme et au ministre des solidarités et de la santé.

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