Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 18/03/2019, 414219

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 février 2013 par laquelle le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière lui a refusé l'autorisation de prolonger son activité de praticien hospitalier biologiste au-delà du 14 juin 2013, d'autre part, de condamner le centre national de gestion à lui verser les sommes de 15 000 euros et de 200 000 euros à titre de réparation respectivement du préjudice moral et du préjudice matériel qu'il estime avoir subis du fait de cette décision. Par des jugements n° 1301224 du 5 juin 2015 et n° 1401745 du 16 octobre 2015, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n°15DA01140, 15DA01905 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. A...contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 11 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

- le décret n° 2005-207 du 1er mars 2005 ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M.A....




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...A..., biologiste des hôpitaux, exerçant ses fonctions depuis 1998 au centre hospitalier d'Hirson et ayant atteint la limite d'âge, a bénéficié, par une décision du 12 septembre 2012, d'une autorisation de prolonger ses activités pour une durée de six mois prenant fin au 14 juin 2013. Alors que l'intéressé avait adressé à cet établissement, le 11 avril 2013, un certificat médical d'aptitude physique et mentale dans la perspective de la reconduction de cette autorisation, le directeur du centre hospitalier lui a indiqué, par un courrier du 15 avril 2013, qu'une décision refusant le renouvellement de sa prolongation d'activité avait été prise 14 février 2013 et lui avait été transmise par la voie hiérarchique. M. A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir cette décision du 14 février 2013. Il a demandé au même tribunal de condamner le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière à réparer les préjudices qu'il estimait avoir subis en conséquence de cette décision. M. A...a relevé appel des jugements des 5 juin 2015 et 16 octobre 2015 par lesquels le tribunal administratif a rejeté ces demandes. La cour administrative d'appel de Douai, saisie de deux requêtes de l'intéressé, les a rejetées par un arrêt du 6 juillet 2017. M. A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 135 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " A compter du 1er janvier 2004, les praticiens visés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique peuvent être autorisés à prolonger leur activité dans un établissement de santé après la limite d'âge qui leur est applicable, dans la limite de trente-six mois maximum, sous réserve d'aptitude médicale. / Les conditions d'application du présent article sont définies par voie réglementaire ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 1er mars 2005, pris pour l'application de ces dispositions, alors en vigueur : " La prolongation d'activité est accordée, au vu du certificat médical d'aptitude physique et mentale délivré par un médecin et produit par l'intéressé, par périodes de six mois minimum ou un an maximum par l'autorité investie du pouvoir de nomination après avis motivé du chef de pôle ou, à défaut, du responsable de la structure interne d'affectation du praticien et du président de la commission médicale d'établissement ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " La prolongation d'activité est renouvelée par tacite reconduction pour la même durée, sous réserve de la production par l'intéressé d'un certificat médical d'aptitude physique et mentale adressé à l'autorité investie du pouvoir de nomination ainsi que, pour les praticiens hospitaliers et les praticiens des hôpitaux à temps partiel, concomitamment au directeur de l'établissement d'affectation, au moins deux mois avant l'échéance de la période en cours ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " En cas de non-renouvellement, l'autorité investie du pouvoir de nomination notifie sa décision au praticien par lettre recommandée avec avis de réception deux mois au moins avant l'échéance de la période en cours. La décision est prise après avis motivé du chef de pôle ou, à défaut, du responsable de la structure interne d'affectation du praticien et du président de la commission médicale d'établissement. Pour les praticiens hospitaliers et praticiens des hôpitaux à temps partiel, le directeur de l'établissement transmet ces avis à l'autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que son avis motivé, trois mois au moins avant l'échéance de la période en cours ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le praticien hospitalier qui, bénéficiant d'une prolongation d'activité, souhaite en obtenir le renouvellement doit, deux mois au moins avant l'échéance de la période de prolongation en cours, transmettre à l'autorité investie du pouvoir de nomination et au directeur de l'établissement d'affectation un certificat médical d'aptitude physique et mentale et, d'autre part, qu'un éventuel refus de renouvellement doit être notifié par l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'intéressé également deux mois au moins avant l'échéance de la période en cours. Si la méconnaissance de cette dernière règle, dont l'objet est de faire bénéficier l'intéressé d'un préavis, est de nature à engager la responsabilité de l'administration à son égard, le renouvellement ne peut être regardé comme tacitement acquis en l'absence de notification d'un refus de renouvellement deux mois avant la date d'échéance de la période. Une décision tacite de renouvellement ne naît qu'à la date d'échéance, si à cette date l'intéressé n'a pas reçu notification d'un refus et sous réserve que le certificat requis ait été transmis en temps utile et que la durée maximale de prolongation ne soit pas atteinte.

4. Dès lors, en retenant que la circonstance que la décision litigieuse, refusant le renouvellement de la prolongation d'activité, avait été notifiée à M. A...moins de deux mois avant l'échéance de la période de prolongation en cours n'impliquait pas qu'une décision tacite de renouvellement était née, et en écartant par suite le moyen tiré de ce que la décision attaquée devait être regardée comme procédant, dans des conditions irrégulières, au retrait de cette décision tacite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Par ailleurs, en écartant comme inopérante la circonstance que le projet de suppression du service de biologie de l'hôpital, qui figurait au nombre des motifs de la décision litigieuse, avait finalement été abandonné le 20 mars 2013, postérieurement à l'édiction de cette décision, la cour a implicitement mais nécessairement estimé que cette circonstance postérieure n'était pas de nature à éclairer la situation de fait et de droit à la date de la décision attaquée. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée du 14 février 2013 ainsi que ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices que lui aurait causés l'illégalité de cette décision.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande indemnitaire de M. A...tendait également à la réparation du préjudice moral que la notification tardive de la décision du 14 février 2013 lui avait causé. En énonçant que ses demandes ne tendaient qu'à la réparation des conséquences de l'illégalité fautive de cette décision, la cour administrative d'appel de Douai s'est ainsi méprise sur la portée des écritures du requérant. Il suit de là que son arrêt doit être annulé en tant qu'il omet de statuer sur la réparation au titre du préjudice moral, des conséquences de la notification tardive de cette décision.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a cherché à notifier en mains propres à M.A..., le 16 avril 2013, la décision du 14 février 2013 lui refusant le renouvellement de sa prolongation et que l'intéressé a refusé de recevoir cette décision, qui lui a finalement été transmise au moyen d'un pli recommandé reçu le 24 avril 2013. Si le préavis dont il a bénéficié a ainsi été légèrement inférieur à deux mois avant l'échéance, le 14 juin 2013, de la période de prolongation en cours, il ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant subi de ce fait un préjudice moral. Ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un tel préjudice doivent, par suite, être rejetées.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNG la somme que M. A...demande au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 6 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il omet de statuer sur la réparation des conséquences de la notification tardive à M. A...de la décision du 24 février 2013 refusant la prolongation de son activité.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 3 : Les conclusions tendant à la réparation des conséquences de la notification tardive à M. A...de la décision du 24 février 2013 sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au centre hospitalier d'Hirson et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

ECLI:FR:CECHR:2019:414219.20190318
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