Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 04/03/2019, 410492
Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 04/03/2019, 410492
Conseil d'État - 10ème - 9ème chambres réunies
- N° 410492
- ECLI:FR:CECHR:2019:410492.20190304
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
04 mars 2019
- Rapporteur
- M. Stéphane Hoynck
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des amendes qui leur ont été infligées au titre des années 2008 et 2009 sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour défaut de déclaration de deux comptes bancaires détenus à l'étranger. Par un jugement n° 1303302 du 24 avril 2015, le tribunal administratif de Nice a déchargé M. et Mme B...de l'amende mise à leur charge au titre de l'année 2009 à raison de l'un des deux comptes détenus à l'étranger et a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Par un arrêt n° 15MA03437 du 11 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement en tant qu'il a déchargé M. et Mme B...d'une des amendes infligées.
Par un pourvoi enregistré le 12 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 à 2010 à l'issue duquel l'administration fiscale leur a infligé l'amende prévue par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour défaut de déclaration de deux comptes ouverts au Luxembourg auprès de la banque BGL BNP Paribas. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 11 avril 2017 qui a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 avril 2015 en tant qu'il a déchargé M. et Mme B...de l'amende infligée au titre de l'année 2009 pour l'un des deux comptes détenus à l'étranger.
2. Aux termes du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte (...) non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ". Aux termes de l'article 1649 A du même code : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Enfin, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".
3. Il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 dont sont issues les dispositions précédemment citées de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l'objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le compte bancaire détenu par M. et Mme B...au Luxembourg n'avait enregistré, au cours de l'année 2009, que des opérations de crédit relatives au versement des intérêts que ce compte avait produits et des opérations de débit portant sur des frais bancaires afférents à sa tenue. En jugeant que ces opérations, qui ne constituaient pas des mouvements de fonds sur le compte en cause, ne permettaient pas de considérer que ce compte avait été utilisé pendant l'année 2009, de sorte que M. et Mme B...n'étaient pas tenus de le déclarer au titre de l'article 1649 A du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....
ECLI:FR:CECHR:2019:410492.20190304
M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des amendes qui leur ont été infligées au titre des années 2008 et 2009 sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour défaut de déclaration de deux comptes bancaires détenus à l'étranger. Par un jugement n° 1303302 du 24 avril 2015, le tribunal administratif de Nice a déchargé M. et Mme B...de l'amende mise à leur charge au titre de l'année 2009 à raison de l'un des deux comptes détenus à l'étranger et a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Par un arrêt n° 15MA03437 du 11 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement en tant qu'il a déchargé M. et Mme B...d'une des amendes infligées.
Par un pourvoi enregistré le 12 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 à 2010 à l'issue duquel l'administration fiscale leur a infligé l'amende prévue par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour défaut de déclaration de deux comptes ouverts au Luxembourg auprès de la banque BGL BNP Paribas. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 11 avril 2017 qui a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 avril 2015 en tant qu'il a déchargé M. et Mme B...de l'amende infligée au titre de l'année 2009 pour l'un des deux comptes détenus à l'étranger.
2. Aux termes du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte (...) non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ". Aux termes de l'article 1649 A du même code : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Enfin, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".
3. Il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 dont sont issues les dispositions précédemment citées de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l'objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le compte bancaire détenu par M. et Mme B...au Luxembourg n'avait enregistré, au cours de l'année 2009, que des opérations de crédit relatives au versement des intérêts que ce compte avait produits et des opérations de débit portant sur des frais bancaires afférents à sa tenue. En jugeant que ces opérations, qui ne constituaient pas des mouvements de fonds sur le compte en cause, ne permettaient pas de considérer que ce compte avait été utilisé pendant l'année 2009, de sorte que M. et Mme B...n'étaient pas tenus de le déclarer au titre de l'article 1649 A du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....