Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 26/11/2018, 411991

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 juin 2012 par lequel le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc (Hérault) a délivré un permis de construire à M. et Mme B...C.... Par un jugement n° 1303335 du 20 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16MA00203 du 28 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel formé par M.A..., annulé ce jugement et l'arrêté du 27 juin 2012.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A...;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. C...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A....




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 juin 2012, le maire de Saint-Gély-du-Fesc a délivré à M. et Mme C...un permis de construire en vue de surélever, en créant ainsi une surface de plancher de 143 mètres carrés, une partie de la maison à usage d'habitation, située dans la zone d'aménagement concertée " Les Vautes ", constituant la parcelle cadastrée CC n° 54, dont la construction avait été autorisée par un permis de construire du 7 juillet 2005. Par un jugement du 20 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 27 juin 2012. M. C...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 avril 2017 par lequel la cour administrative de Marseille a, sur l'appel de M.A..., annulé le jugement du 20 novembre 2015 et l'arrêté du 27 juin 2012.

2. Lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'administration de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'après les règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision, en tenant compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006, désormais reprises à l'article L. 421-9 de ce code, relatives à la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans.

3. Toutefois, aux termes de l'article L. 462-2 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas où le récolement est obligatoire. / Passé ce délai, l'autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux ". Aux termes de l'article R. 462-6 du même code : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration. / Le délai de trois mois prévu à l'alinéa précédent est porté à cinq mois lorsqu'un récolement des travaux est obligatoire en application de l'article R. 462-7 ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le bénéficiaire d'un permis ou d'une décision de non-opposition à déclaration préalable a adressé au maire une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux réalisés en vertu de cette autorisation, l'autorité compétente ne peut plus en contester la conformité au permis ou à la déclaration si elle ne l'a pas fait dans le délai, suivant les cas, de trois ou de cinq mois ni, dès lors, sauf le cas de fraude, exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur la construction qu'il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant également sur des éléments de la construction existante, au motif que celle-ci aurait été édifiée sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée.

4. La cour administrative d'appel de Marseille a jugé que l'implantation d'une partie de la façade nord de la construction réalisée au titre du permis de construire accordé le 7 juillet 2005 ne respectait pas celui-ci. Elle en a déduit que le permis de construire du 27 juin 2012 avait été délivré illégalement, faute pour M. C...d'avoir déposé une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction existante qui ne respectaient pas le permis de 2005, en jugeant inopérante la circonstance que la commune n'avait pas relevé cette non-conformité audit permis lorsqu'elle avait procédé au récolement des travaux le 1er juillet 2008. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle a commis une erreur de droit.

5. Dès lors, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler l'arrêt attaqué.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de ce dernier présentées au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 avril 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...C...et à M. D...A....
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Gély-du-Fesc.

ECLI:FR:CECHR:2018:411991.20181126
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