CAA de DOUAI, 1ére chambre - formation à 3 (ter), 12/07/2018, 17DA00502, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 juillet 2014 par lequel le maire de Sérifontaine a mis fin à la délégation de fonction dont il bénéficiait en qualité d'adjoint au maire, en deuxième lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 19 septembre 2014 par laquelle le conseil municipal de cette commune a mis fin à ses fonctions d'adjoint au maire et, en troisième lieu, de sanctionner les auteurs du délit d'atteinte au secret des correspondances dont il estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1403318 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 15 juillet 2014 et la délibération du 19 septembre 2014 et rejeté le surplus de la demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2017 et 24 avril 2018, la commune de Sérifontaine, représentée par la SCP TEN France, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de cet arrêté et de cette délibération ;

2°) de rejeter les demandes de M. E...dirigées contre ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de M. E...le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., représentant la commune de Sérifontaine, et de Me D...C..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :

1. M. F...a été élu au conseil municipal de la commune de Sérifontaine lors des élections municipales de mars 2014, puis désigné en qualité de troisième adjoint au maire. Par un arrêté du 9 avril 2014, le maire de Sérifontaine lui a délégué ses fonctions en matière de développement économique et de développement durable. Par un nouvel arrêté du 15 juillet 2014, le maire de Sérifontaine a mis fin à cette délégation de fonction. Par une délibération du 19 septembre 2014, le conseil municipal a décidé de ne pas maintenir M. E...dans sa fonction d'adjoint au maire. Ce dernier a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 juillet 2014 et la délibération du 19 septembre 2014 et de sanctionner les auteurs du délit d'atteinte au secret des correspondances dont il estimait avoir été victime. Par un jugement du 17 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir rejeté ces dernières conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a annulé l'arrêté du 15 juillet 2014 et la délibération du 19 septembre 2014. La commune de Sérifontaine doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il annule ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. / (...) Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions ". Aux termes de l'article L. 2122-20 du même code : " Les délégations données par le maire en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-19 subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il est loisible au maire d'une commune, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l'administration communale, de mettre un terme, à tout moment, aux délégations de fonctions qu'il avait données à l'un de ses adjoints. Dans ce cas, il est tenu de convoquer sans délai le conseil municipal afin que celui-ci se prononce sur le maintien dans ses fonctions de l'adjoint auquel il a retiré ses délégations.

4. Il ressort des écritures de la commune de Sérifontaine que l'arrêté du 15 juillet 2014 par lequel son maire a retiré la délégation de fonctions précédemment consentie à M. E...repose sur trois motifs tirés des dissensions existant entre lui et l'équipe municipale, qui résulteraient d'actes déloyaux de sa part, de son manque de compétence et de son indisponibilité. Pour annuler cet arrêté, et, par voie de conséquence, la délibération du conseil municipal du 19 septembre 2014 mettant fin aux fonctions d'adjoint au maire de M.E..., le tribunal administratif d'Amiens a considéré que cette décision reposait sur des faits matériellement inexacts et avait été prise pour un motif étranger à la bonne marche de l'administration communale, tenant au refus de M. E...de subir une suspension du versement de ses indemnités d'adjoint.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'il existait, à la date de la décision en litige, un important différend opposant M. E...au maire de Sérifontaine, sinon à l'ensemble de l'équipe municipale, trouvant son origine dans l'indisponibilité récurrente de l'intéressé, qui était alors à la fois, selon ses propres indications, étudiant en Master 2, stagiaire, chef d'entreprise et salarié intérimaire. M. E..., dont le domicile se trouvait alors en région parisienne, avait déjà été rappelé à l'ordre au sujet de son manque d'assiduité aux séances du conseil de la communauté de communes et s'était engagé à renforcer sa présence. Au début du mois de juin 2014, l'intéressé a néanmoins quitté la France pour plusieurs mois afin de réaliser un stage marquant la fin de ses études universitaires, d'abord en Espagne, puis au Panama, ce dont il n'a informé le maire, selon les indications de la commune non contredites sur ce point, que quelques jours avant son départ. Cette absence prolongée de M.E..., quelques semaines seulement après l'entrée en fonction de la nouvelle équipe municipale, ne permettait pas de conduire à un constat d' " incompétence " dans la gestion des dossiers qui lui étaient confiés, selon l'expression utilisée par le maire. Elle rendait cependant impossible l'exercice effectif et complet de ses fonctions d'adjoint au maire, compte tenu de la nature et de l'importance des dossiers qui lui étaient confiés, lesquels nécessitaient une présence régulière à Sérifontaine ou à des réunions de travail. Elle révélait ainsi un défaut d'implication suffisant dans leur traitement.

6. En outre, il ressort des pièces du dossier que M.E..., qui avait pourtant collaboré activement à la campagne électorale menée aux côtés de la tête de liste contre une équipe municipale héritière d'une majorité en place depuis plusieurs décennies, a présenté, juste après la victoire de la liste, avant de la retirer rapidement, sa candidature au poste de maire. Cette circonstance antérieure à la délégation de fonctions du 9 avril 2014, ne saurait toutefois, par elle-même, être invoquée par la commune pour justifier le retrait de la délégation en litige. Cependant, après ce retrait, l'intéressé a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de se singulariser du maire sur des sujets emblématiques pour la nouvelle municipalité élue. Ce comportement s'est illustré rapidement après l'attribution de la délégation aux adjoints. Il a tout d'abord notamment fait le choix de s'abstenir lors du vote d'une délibération du conseil municipal du 26 mai 2014 relative aux subventions à accorder aux associations locales, correspondant pourtant à un thème de campagne. Il a, ensuite, lors d'une réunion avec des agents du département de l'Oise, relative aux subventions accordées par cette collectivité à la commune, exprimé un avis contraire à celui du maire quant à l'identification des projets prioritaires pour celle-ci. Cette volonté de M. E...de manifester sa distance, sinon son désaccord, avec le maire sur des questions sensibles, au début du mandat de celui-ci, ne peut être qualifiée en l'espèce, comme l'a fait alors le maire, d'attitude déloyale. Il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier qu'aurait été donnée à ces prises de position une publicité particulière. Cependant, cette attitude a été perçue comme une remise en cause par le maire de son autorité en début de mandat et a contribué à accentuer les dissensions existant entre M. E...et l'équipe municipale.

7. Il résulte de l'instruction que le maire de Sérifontaine aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur les motifs de " déloyauté " et d' " incompétence " mais sur les autres motifs énoncés aux points 5 et 6 tirés d'un défaut d'implication de M. E...dans son travail d'adjoint et de distance par rapport à la politique conduite par le maire. Ces motifs ne sont pas étrangers à la bonne marche de l'administration communale. Ils sont, dès lors, de nature à justifier légalement, à eux seuls, le retrait de la délégation de fonctions de M.E....

8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la commune de Sérifontaine est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu que le retrait de délégation en litige reposait sur des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale pour annuler l'arrêté du 15 juillet 2014 et, par voie de conséquence, la délibération du conseil municipal du 19 septembre 2014. M. E...n'a soulevé, devant la juridiction administrative, aucun autre moyen qu'il appartiendrait à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sérifontaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces décisions.


Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...le versement à la commune de Sérifontaine de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sérifontaine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E... de la somme qu'il demande sur le même fondement.



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 janvier 2017 est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Sérifontaine du 15 juillet 2014 et de la délibération du conseil municipal de cette commune du 19 septembre 2014.

Article 2 : La demande de M. E...tendant à l'annulation de ces deux décisions et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. E...versera la somme de 1 500 euros à la commune de Sérifontaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. F...et à la commune de Sérifontaine.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
N°17DA00502 3



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