Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 15/06/2018, 411630

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet du Haut-Rhin a déféré au tribunal administratif de Strasbourg la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil départemental du Haut-Rhin a approuvé le principe de l'instauration d'un dispositif de service individuel bénévole que pourraient effectuer les bénéficiaires du revenu de solidarité active et qui conditionnerait le versement de cette allocation.

Par un mémoire distinct, le département du Haut-Rhin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les articles 2, 4, 6 et 14 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion, l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, l'article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, l'alinéa 1er de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, A...de l'article 1er et l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active, l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, les alinéas 2, 4 et 5 de l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles, les articles L. 262-8, L. 262-12, L. 262-13, L. 262-15, L. 262-22, L. 262-24, L. 262-25, L. 262-27 à L. 262-43, L. 262-46, L. 262-47 et L. 262-52 du même code et l'article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales méconnaissent les articles 72 et 72-2 de la Constitution ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques.

Par un jugement n° 1601891 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département du Haut-Rhin et a annulé la délibération du 5 février 2016.

Par un arrêt n°s 16NC02674, 16NC02675 du 18 avril 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel du département du Haut-Rhin, annulé ce jugement, décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département du Haut-Rhin et annulé la délibération du 5 février 2016.

Procédure devant le Conseil d'État

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 18 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le département du Haut-Rhin demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le déféré du préfet du Haut-Rhin ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1, 72 et 72-2 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 ;
- la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;
- la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ;
- la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ;
- la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat du département du Haut-Rhin ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 5 février 2016, le conseil départemental du Haut-Rhin a approuvé le principe de l'instauration d'un " dispositif de service individuel bénévole que pourraient effectuer les bénéficiaires du revenu de solidarité active, auprès d'une structure telle qu'une association ou une collectivité, à raison d'une moyenne de sept heures hebdomadaires et qui conditionnerait le versement de cette allocation ". Cette délibération a donné délégation à la commission permanente pour fixer les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif et autorisé le président du conseil départemental à signer tous documents afférents à ce projet. Sur déféré du préfet du Haut-Rhin, le tribunal administratif de Strasbourg puis la cour administrative d'appel de Nancy ont annulé cette délibération, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département du Haut-Rhin, portant sur différents articles de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, du code de l'action sociale et des familles et du code général des collectivités territoriales. Le département du Haut-Rhin se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, en contestant le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...) ".

3. En premier lieu, aux termes des trois premiers alinéas de l'article 72 de la Constitution : " Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 (...) / Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. / Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : " Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ". Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ".

4. Il résulte des dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution que, en cas de création ou d'extension de compétences à caractère obligatoire, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, dans le respect des autres exigences constitutionnelles, en particulier les principes de libre administration et d'égalité devant les charges publiques.

5. Les articles L. 262-27 à L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles définissent le droit des bénéficiaires du revenu de solidarité active à un accompagnement social et professionnel ainsi que ses devoirs, notamment ses engagements en matière d'insertion sociale ou professionnelle. Ces dispositions, qui procèdent, en tant qu'elles sont susceptibles de s'appliquer aux personnes entrant précédemment dans le champ de l'allocation de parent isolé, d'une création ou extension de compétences, ont été accompagnées de ressources déterminées par la loi et ne font pas peser sur les départements des charges telles qu'elles entraveraient leur libre administration. Enfin, il ne résulte pas de ces dispositions, qui s'appliquent de façon identique à tous les départements, de rupture caractérisée de l'égalité des collectivités territoriales devant les charges publiques.

6. En second lieu, l'article 7 de la loi du 1er décembre 2008 et l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 auquel il renvoie, ainsi que l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003, l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 et l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 sont critiqués en tant qu'ils précisent les conditions de la compensation de la contribution des départements au financement de l'allocation de revenu de solidarité active et déterminent les ressources attribuées aux départements à ce titre. L'article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales institue un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion. Les articles 2, 6 et 14 de la loi du 18 décembre 2003 modifient différentes dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives au revenu minimum d'insertion qui ont ultérieurement fait l'objet d'une refonte par la loi du 1er décembre 2008. Le I de l'article 1er de cette loi définit l'objet du revenu de solidarité active. Les deuxième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles précisent l'objet du revenu de solidarité active par rapport aux revenus du travail et prévoient que sa mise en oeuvre relève de la responsabilité des départements. Le premier alinéa de l'article L. 121-1 du même code prévoit le principe de la compétence du département en matière de politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Les articles L. 262-8 et L. 262-12 du même code ouvrent des possibilités de dérogation à certaines conditions d'ouverture du droit au revenu de solidarité active, l'article L. 262-13 est relatif à l'attribution de la prestation, l'article L. 262-15 concerne l'instruction de la demande, l'article L. 262-22 porte sur le versement d'avances, l'article L. 262-24 prévoit son financement par les départements, l'article L. 262-25 est relatif à la convention conclue entre le département et chacun des organismes chargés du service du revenu de solidarité active, les articles L. 262-40 à L. 262-43 au contrôle et aux échanges d'information, l'article L. 262-46 à la récupération des indus, l'article L. 262-47 aux réclamations contre les décisions relatives au revenu de solidarité active et l'article L. 262-52 aux sanctions en cas de fraude. Ces dispositions, qui sont sans incidence sur l'appréciation de la légalité de la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil départemental du Haut-Rhin a approuvé le principe de l'instauration d'un dispositif de service individuel bénévole pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active et ne sont pas indissociables des articles L. 262-27 à L. 262-39 du même code, ne sont pas applicables au litige dont la cour administrative d'appel de Nancy était saisie.

7. Il y a lieu de substituer ces motif, qui n'appellent l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifient légalement le dispositif de son arrêt sur ce point, aux motifs par lesquels la cour administrative d'appel de Nancy a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département du Haut-Rhin contre ces articles. Par suite, le département du Haut-Rhin n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt, qui est suffisamment motivé sur ce point, en tant qu'il refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulevait.

Sur les autres moyens du pourvoi :

Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 3131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ". L'article L. 3131-2 mentionne notamment, sous réserve de deux exceptions, les délibérations du conseil départemental. De même, il résulte des dispositions des articles L. 2131-6 et L. 4142-1 du même code que le représentant de l'Etat dans le département ou dans la région peut déférer au tribunal administratif notamment les délibérations du conseil municipal ou du conseil régional qu'il estime contraires à la légalité.

9. Si un requérant n'est pas recevable à attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir un acte préparatoire, telle une délibération à caractère préparatoire d'une collectivité territoriale, c'est sous réserve des cas où il en est disposé autrement par la loi. Tel est le cas lorsque, sur le fondement des articles L. 2131-6, L. 3132-1 ou L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l'Etat dans le département ou dans la région défère au juge administratif les actes des collectivités territoriales qu'il estime contraires à la légalité, contre lesquels il peut utilement soulever des moyens tenant tant à leur légalité externe qu'à leur légalité interne.

10. Par suite, en écartant la fin de non-recevoir opposée par le département du Haut-Rhin au motif que le préfet peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, déférer au tribunal administratif les actes qu'il estime contraires à la légalité, alors même que ceux-ci ne constitueraient pas des actes faisant grief, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. En outre, la cour a suffisamment motivé son arrêt en jugeant au point 25 de celui-ci que, dans le cadre d'un tel déféré, le préfet pouvait invoquer à l'appui de son recours des moyens relevant tant de la légalité externe que de la légalité interne.

Sur la légalité de la délibération du 5 février 2016 :

11. Aux termes de l'article L. 262-27 du code de l'action sociale et des familles : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 262-28 et de l'article D. 262-65 de ce code, le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsqu'il est sans emploi ou ne tire de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à 500 euros en moyenne mensuelle, " de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 262-28 : " Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active titulaires d'un des revenus de remplacement prévus à l'article L. 5421-2 du code du travail, le respect des obligations mentionnées à l'article L. 5421-3 du même code vaut respect des règles prévues par la présente section. / Les obligations auxquelles est tenu, au titre du présent article, le bénéficiaire ayant droit à la majoration mentionnée à l'article L. 262-9 du présent code tiennent compte des sujétions particulières, notamment en matière de garde d'enfants, auxquelles celui-ci est astreint ". Aux termes de l'article L. 262-29 de ce code : " Le président du conseil départemental oriente le bénéficiaire du revenu de solidarité active tenu aux obligations définies à l'article L. 262-28 : / 1° De façon prioritaire, lorsqu'il est disponible pour occuper un emploi au sens des articles L. 5411-6 et L. 5411-7 du code du travail ou pour créer sa propre activité, soit vers [Pôle emploi], soit, si le département décide d'y recourir, vers l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5311-4 du code du travail ou encore vers un des réseaux d'appui à la création et au développement des entreprises mentionnés à l'article 200 octies du code général des impôts, en vue d'un accompagnement professionnel et, le cas échéant, social ; / 2° Lorsqu'il apparaît que des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l'absence de logement ou à son état de santé font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d'emploi, vers les autorités ou organismes compétents en matière d'insertion sociale ; / 3° Lorsque le bénéficiaire est âgé de moins de vingt-cinq ans et que sa situation le justifie, vers les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes (...) ". Aux termes de l'article L. 262-34 de ce code : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active orienté vers [Pôle emploi] élabore conjointement avec le référent désigné au sein de cette institution ou d'un autre organisme participant au service public de l'emploi le projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 du même code ". Aux termes de l'article L. 262-35 de ce code : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active orienté vers un organisme participant au service public de l'emploi autre que l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail conclut avec le département, représenté par le président du conseil départemental, sous un délai d'un mois après cette orientation, un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d'insertion professionnelle. / Ce contrat précise les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le bénéficiaire s'engage à accomplir. / (...) / Le contrat retrace les actions que l'organisme vers lequel il a été orienté s'engage à mettre en oeuvre dans le cadre du service public, notamment en matière d'accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité. / Lorsque le bénéficiaire ne respecte pas une stipulation de ce contrat, l'organisme vers lequel il a été orienté le signale au président du conseil départemental ". Aux termes de l'article L. 262-36 de ce code : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active ayant fait l'objet de l'orientation mentionnée au 2° de l'article L. 262-29 conclut avec le département, représenté par le président du conseil départemental, sous un délai de deux mois après cette orientation, un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d'insertion sociale ou professionnelle. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 262-37 de ce code : " Sauf décision prise au regard de la situation particulière du bénéficiaire, le versement du revenu de solidarité active est suspendu, en tout ou partie, par le président du conseil départemental : / 1° Lorsque, du fait du bénéficiaire et sans motif légitime, le projet personnalisé d'accès à l'emploi ou l'un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 ne sont pas établis dans les délais prévus ou ne sont pas renouvelés ; / 2° Lorsque, sans motif légitime, les dispositions du projet personnalisé d'accès à l'emploi ou les stipulations de l'un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 ne sont pas respectées par le bénéficiaire (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que toute personne bénéficiant du revenu de solidarité active qui est sans emploi ou ne tire de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à 500 euros par mois est, en contrepartie du droit à l'allocation, tenue à des obligations en matière de recherche d'emploi ou d'insertion sociale ou professionnelle. A cette fin, sauf si cette personne est titulaire d'un revenu de remplacement au titre de l'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ou est orientée vers Pôle emploi, elle doit conclure avec le département un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d'insertion, dans le cadre d'un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins. Le président du conseil départemental est en droit de suspendre le versement du revenu de solidarité active lorsque le bénéficiaire, sans motif légitime, soit fait obstacle à l'établissement ou au renouvellement de ce contrat par son refus de s'engager à entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion, soit ne respecte pas le contrat conclu. En revanche, il ne peut légalement justifier une décision de suspension par la circonstance que le bénéficiaire n'aurait pas accompli des démarches d'insertion qui ne correspondraient pas aux engagements souscrits dans un contrat en cours d'exécution.

13. Les engagements que peut prévoir, en vertu de l'article L. 262-35, le contrat conclu entre le département et le bénéficiaire du revenu de solidarité active portent, lorsque ce dernier est disponible pour occuper un emploi ou créer sa propre activité, sur des actions d'insertion professionnelle, et non d'insertion sociale ou professionnelle comme le prévoit l'article L. 262-36 pour les bénéficiaires rencontrant des difficultés qui font temporairement obstacle à leur engagement dans une démarche de recherche d'emploi. A ce titre, le contrat doit préciser les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le bénéficiaire s'engage à accomplir. Toutefois, les dispositions de l'article L. 262-35 ne font pas obstacle à ce que, dans certains cas, le contrat, élaboré de façon personnalisée, prévoie légalement des actions de bénévolat à la condition qu'elles puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatible avec la recherche d'un emploi, ainsi que le prévoit l'article L. 5425-8 du code du travail.

14. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour annuler la délibération déférée, sur la circonstance que le bénéficiaire du revenu de solidarité active relevant des dispositions de l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles ne saurait se voir proposer des actions de bénévolat au titre de son insertion.

15. Il résulte de ce qui précède que le département du Haut-Rhin est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque, qui annule la délibération de son conseil départemental du 5 février 2016, ainsi que celle de l'article 4 de cet arrêt, en tant qu'il rejette ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Haut-Rhin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 18 avril 2017 et l'article 4 de cet arrêt, en tant qu'il rejette les conclusions du département du Haut-Rhin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du département du Haut-Rhin est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département du Haut-Rhin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé.

ECLI:FR:CECHR:2018:411630.20180615
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