Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30/05/2018, 402447
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30/05/2018, 402447
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 402447
- ECLI:FR:CECHR:2018:402447.20180530
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
30 mai 2018
- Rapporteur
- M. Jean-Luc Matt
- Avocat(s)
- SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Armor Immo a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2007. Par un jugement n° 1201498 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14NT02456 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SCI contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août 2016, 16 novembre 2016 et 9 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Armor Immo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SCI Armor Immo.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est en revanche pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité accordée par décision juridictionnelle qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la résiliation du contrat de bail conclu entre la SCI Armor Immo et la société Serpal pour la location d'un bâtiment industriel situé à Tavaux (Jura) a pris effet le 28 avril 2006 et, d'autre part, que la société Serpal s'est maintenue sans titre dans les locaux précédemment loués jusqu'au 30 novembre 2007, date à laquelle elle a quitté les lieux, en exécution d'une ordonnance du 3 août 2006 du juge des référés du tribunal de grande instance de Dôle, confirmée le 10 janvier 2007 par un arrêt de la cour d'appel de Besançon. En jugeant que l'indemnité d'occupation que la société Serpal a été condamnée, par le juge judiciaire, à verser à la SCI Armor Immo au titre de cette occupation illégale constituait la rémunération d'une prestation de service à titre onéreux passible de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que cette indemnité visait seulement à compenser le préjudice causé au propriétaire des locaux par l'occupant sans titre, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée, alors même que le montant de cette indemnité avait été fixé par le juge par référence à celui du loyer prévu dans le bail. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la SCI Armor Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 16 juin 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la SCI Armor Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI Armor Immo et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2018:402447.20180530
La société civile immobilière (SCI) Armor Immo a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2007. Par un jugement n° 1201498 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14NT02456 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SCI contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août 2016, 16 novembre 2016 et 9 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Armor Immo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SCI Armor Immo.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est en revanche pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité accordée par décision juridictionnelle qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la résiliation du contrat de bail conclu entre la SCI Armor Immo et la société Serpal pour la location d'un bâtiment industriel situé à Tavaux (Jura) a pris effet le 28 avril 2006 et, d'autre part, que la société Serpal s'est maintenue sans titre dans les locaux précédemment loués jusqu'au 30 novembre 2007, date à laquelle elle a quitté les lieux, en exécution d'une ordonnance du 3 août 2006 du juge des référés du tribunal de grande instance de Dôle, confirmée le 10 janvier 2007 par un arrêt de la cour d'appel de Besançon. En jugeant que l'indemnité d'occupation que la société Serpal a été condamnée, par le juge judiciaire, à verser à la SCI Armor Immo au titre de cette occupation illégale constituait la rémunération d'une prestation de service à titre onéreux passible de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que cette indemnité visait seulement à compenser le préjudice causé au propriétaire des locaux par l'occupant sans titre, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée, alors même que le montant de cette indemnité avait été fixé par le juge par référence à celui du loyer prévu dans le bail. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la SCI Armor Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 16 juin 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la SCI Armor Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI Armor Immo et au ministre de l'action et des comptes publics.