CAA de PARIS, 7ème chambre, 02/03/2018, 16PA03781, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 janvier 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable exercé contre l'ordre de mutation du 31 mai 2013 prononçant sa mutation d'office à l'état-major de la gendarmerie de l'armement, à Arcueil, à compter du 1er août 2013.

Par un jugement n° 1401254 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, M.A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que la décision contestée constitue une sanction disciplinaire déguisée et est dès lors entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient, par référence aux écritures en défense produites en première instance, que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 ;
- le décret n° 48-1686 du 30 octobre 1948 portant constitution de l'indemnité pour services aériens ;
- le décret n° 2008-946 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public ;
- les observations de Me C...pour M.A....


1. Considérant que M.A..., officier de gendarmerie promu au grade de lieutenant-colonel le 1er mars 2011, a été affecté, à compter du 1er septembre 2011, à Vélizy-Villacoublay, dans le département des Yvelines, au groupement central des formations aériennes de la gendarmerie, ultérieurement devenu le commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale (CFAGN), au sein duquel il occupait, sous le commandement du général de division aérienne Clermont, directeur de la structure de préfiguration de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat (DSAE), un emploi de " coordinateur gendarmerie " ; que, par une décision du 31 mai 2013, le ministre de l'intérieur a prononcé la mutation de l'intéressé, pour " raison de service ", à l'état-major de la gendarmerie de l'armement, à Arcueil, dans le Val-de-Marne, à compter du 1er août 2013, pour y occuper un emploi de chef du " bureau organisation emploi renseignement " ; que, par une décision prise le 8 janvier 2014, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours exercé le 18 juillet 2013 par M. A...devant la commission des recours des militaires contre cette mutation ; que le requérant relève appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 8 janvier 2014 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) " ; qu'il appartient à l'autorité militaire d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels ;

3. Considérant qu'une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent ;

4. Considérant que, pour décider de muter d'office M.A..., le ministre de l'intérieur a estimé que l'intéressé avait fait preuve d'un manque de diplomatie et de discernement lorsqu'il servait au sein de la DSAE et n'avait pas su entretenir des relations de confiance avec le directeur de la structure de préfiguration de cette direction et ses collaborateurs et qu'une mutation d'office de l'intéressé répondait aux exigences de l'intérêt du service ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. A...soutient que cette mutation a entraîné une dégradation de sa situation professionnelle ;

6. Considérant, tout d'abord, que si l'intéressé fait valoir qu'il n'a aucune expérience dans le domaine de l'armement alors qu'il dispose d'une grande expertise dans le domaine de l'aéronautique, il ne peut toutefois pas se prévaloir d'un quelconque droit à être maintenu dans un emploi déterminé et n'établit ni même n'allègue que ses nouvelles fonctions ne seraient pas au nombre de celles que le décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de gendarmerie donne vocation à exercer aux membres de ce corps ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son nouvel emploi ne correspondrait pas à l'exercice de réelles fonctions ou que les conditions matérielles et le niveau de responsabilité liés à l'exercice de cet emploi seraient significativement inférieurs par rapport aux fonctions qu'il occupait précédemment ; que le requérant n'établit ni même n'allègue qu'un autre poste vacant, plus en rapport avec ses compétences, aurait été susceptible de lui être proposé ;

7. Considérant, ensuite, que M. A...soutient qu'en raison de sa mutation, il ne fait plus partie du personnel navigant et que la suppression de l'indemnité pour services aériens prévue à l'article 2 du décret du 30 octobre 1948 a entraîné une diminution de 23 % de sa rémunération par rapport à celle qu'il percevait sur son ancien poste ; que, toutefois, cette indemnité est, notamment, allouée aux militaires " non officiers de l'armée de l'air ", dont les officiers de gendarmerie, qui appartiennent " au personnel navigant " en contrepartie des sujétions particulières auxquelles est soumise cette catégorie de personnel ; que M. A...ne conteste pas ne plus être soumis aux sujétions ouvrant droit au bénéfice de cette indemnité et n'établit pas davantage que l'intention poursuivie par le ministre aurait été, en l'espèce, de lui appliquer une sanction financière ;

8. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé, en raison de ses nouvelles fonctions, a déménagé, ses frais de déménagement ont été pris en charge par l'Etat et il continue, comme auparavant, à être logé gratuitement avec sa famille, et son nouveau lieu de résidence, Arcueil, n'est distant que de quatorze kilomètres de son ancienne résidence ;

9. Considérant, enfin, que si le requérant fait valoir qu'en raison de cette mutation d'office, il s'est trouvé dans un état d'isolement conduisant à une dévalorisation de ses missions, à une atteinte à son honneur et à la dégradation de son image et du respect qui lui est porté, il n'apporte toutefois pas d'éléments sérieux à l'appui de ces allégations ; que ni son absence d'expérience dans le domaine de l'armement ni l'évolution de sa notation ne constituent des éléments qui, par eux-mêmes, seraient de nature à faire obstacle à l'évolution de sa carrière ; que les circonstances qu'il a consulté un psychologue à plusieurs reprises, essentiellement avant sa mutation d'office, décidée le 31 mai 2013, et qu'il a bénéficié d'un arrêt de travail de quinze jours, en janvier 2013, ne peuvent pas davantage être analysées comme étant directement et exclusivement imputables à cette mutation d'office ;

10. Considérant, dès lors, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a entraîné une dégradation de sa situation professionnelle ;

11. Considérant, en second lieu, que le requérant soutient que la nature des faits qui ont justifié la mesure contestée et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de le sanctionner ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la structure de préfiguration de la DSAE, le général Clermont, aurait cherché à évincer M. A...du service au motif que ce dernier, dans un rapport établi le 12 octobre 2011, aurait relevé plusieurs erreurs techniques entachant des projets de décrets et d'arrêtés élaborés sous la responsabilité du général Clermont et que la mutation d'office en litige aurait, en réalité, sanctionné l'intéressé pour ces faits ; qu'il ressort en revanche des pièces du dossier qu'à la suite de propos échangés avec le général Clermont, le 23 mars 2012, M. A...a été conduit à présenter des excuses à ce dernier ; que, le 13 novembre 2012, lors d'un déjeuner au mess, M.A..., qui, dans un courriel du 11 décembre 2012, a d'ailleurs lui-même reconnu avoir alors commis une maladresse, a révélé des informations dont il ne conteste pas sérieusement le caractère confidentiel et a porté un jugement sur la situation personnelle du général devant des officiers subalternes et des sous-officiers de la structure de préfiguration de la DSAE ; qu'après avoir appris l'existence de ces faits, le général Clermont a informé, le 30 novembre 2012, le général de brigade, commandant les forces aériennes de la gendarmerie nationale, que M. A...avait définitivement perdu sa confiance et qu'il ne souhaitait plus collaborer avec lui ; que la mutation d'office litigieuse a ensuite été prononcée, plus de six mois plus tard, en vue de mettre un terme à une situation qui, pour des raisons tenant au comportement inadapté de M.A..., ne permettait pas la poursuite de la collaboration de celui-ci avec le directeur de la structure de préfiguration de la DSAE et était, dans ces conditions, de nature à compromettre le bon fonctionnement de cette structure ; que si, au cours des mois qui ont précédé la décision de mutation puis des semaines qui ont immédiatement précédé la mutation effective de M.A..., le travail confié à l'intéressé a été de moins en moins important, ces seules circonstances, compte tenu de la perte de confiance avérée du général Clermont vis-à-vis de M.A..., ne sont pas de nature à révéler, en l'espèce, une volonté délibérée de l'administration de sanctionner le requérant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. A...au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 2 février 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 mars 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA03781 2



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