Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 26/01/2018, 408215
Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 26/01/2018, 408215
Conseil d'État - 4ème et 1ère chambres réunies
- N° 408215
- ECLI:FR:CECHR:2018:408215.20180126
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
26 janvier 2018
- Rapporteur
- Mme Tiphaine Pinault
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février, 8 novembre et 22 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 10 février 2017 nommant M. B...A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe à compter du 11 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-83 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 85-344 du 18 mars 1985 ;
- le décret n° 2002-53 du 10 janvier 2002 ;
- le décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 ;
- l'arrêté du ministre des sports du 21 juillet 2003 portant organisation et fonctionnement de la commission de sélection prévue à l'article 7 du décret n° 2002-53 du 10 janvier 2002 portant statut particulier du corps de l'inspection générale de la jeunesse et des sports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2018, présentée par M. A... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 10 janvier 2002 portant statut particulier du corps de l'inspection générale de la jeunesse et des sports : " Les nominations aux grades d'inspecteur général de 1re classe et d'inspecteur général de 2e classe sont prononcées par décret pris sur proposition du ministre chargé de la jeunesse et des sports " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour accéder au grade d'inspecteur général de 2e classe, les candidats doivent être inscrits sur une liste d'aptitude établie par le ministère chargé de la jeunesse et des sports, après avis d'une commission de sélection. / (...). / La commission présente au ministre chargé de la jeunesse et des sports une liste, dressée par ordre alphabétique, des candidats qu'elle juge aptes à exercer les fonctions d'inspecteur général de 2e classe. Le nombre d'inscrits sur cette liste doit être au moins égal au double de celui des postes à pourvoir " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre des sports du 21 juillet 2003 portant organisation et fonctionnement de la commission de sélection instituée par ces dernières dispositions : " (...) Les membres de la commission expriment leur avis par un vote à bulletin secret. Le président de la commission prend part au vote sans avoir de voix prépondérante en cas de partage des voix (...) " ; qu'à défaut de dispositions ayant fixé des modalités particulières de décompte des votes exprimés par ses membres, l'avis émis par cette commission de sélection ne peut être regardé comme favorable à l'inscription d'un candidat sur la liste des candidats proposés au ministre que si le nombre de votes positifs excède d'au moins une unité celui des votes négatifs ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 11 janvier 2017 au cours de laquelle la commission de sélection a donné son avis sur les candidatures au poste d'inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe, trois membres de la commission ont voté en faveur de l'inscription de M. A... sur la liste d'aptitude transmise au ministre chargé de la jeunesse et des sports, les trois autres membres présents ayant voté en sens inverse ; que, dès lors, faute de majorité des voix en ce sens, la commission ne pouvait régulièrement porter le nom de M. A...sur la liste des candidats qu'elle jugeait aptes à exercer les fonctions d'inspecteur général de 2ème classe ; que, par suite, la liste prévue à l'article 7 du décret du 10 janvier 2002 ayant été irrégulièrement composée, le décret du 10 février 2017 pris au vu de cette liste et nommant M. A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe est entaché d'illégalité ;
3. Considérant, au surplus, qu'aux termes des dispositions du I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " I.-La nomination dans l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d'une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) " ; que l'article 5 du décret du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pris pour l'application de ces dispositions, soumet à la formalité préalable de la déclaration d'intérêts les personnes occupant des emplois correspondant à l'exercice de fonctions d'inspection générale exercées en qualité de membres des corps d'inspection mentionnés à l'annexe au décret du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; que les dispositions de cette annexe font notamment mention du corps des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a transmis sa déclaration d'intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination que le 8 mars 2017, soit postérieurement à la signature du décret prononçant sa nomination ; qu'ainsi, sa nomination est intervenue en violation des conditions de fond posées par le I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de d'examiner les autres moyens de sa requête, l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports est fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la ministre des sports, il ressort des pièces du dossier que le caractère rétroactif de l'annulation de la nomination de M. A... n'est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de cette annulation ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'assortir cette annulation d'une telle limitation, ni d'en différer les effets ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret du Président de la République du 10 février 2017 nommant M. A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports, au Premier ministre, au ministre de l'éducation nationale, à la ministre des sports et à M. B... A....
ECLI:FR:CECHR:2018:408215.20180126
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février, 8 novembre et 22 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 10 février 2017 nommant M. B...A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe à compter du 11 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-83 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 85-344 du 18 mars 1985 ;
- le décret n° 2002-53 du 10 janvier 2002 ;
- le décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 ;
- l'arrêté du ministre des sports du 21 juillet 2003 portant organisation et fonctionnement de la commission de sélection prévue à l'article 7 du décret n° 2002-53 du 10 janvier 2002 portant statut particulier du corps de l'inspection générale de la jeunesse et des sports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2018, présentée par M. A... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 10 janvier 2002 portant statut particulier du corps de l'inspection générale de la jeunesse et des sports : " Les nominations aux grades d'inspecteur général de 1re classe et d'inspecteur général de 2e classe sont prononcées par décret pris sur proposition du ministre chargé de la jeunesse et des sports " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour accéder au grade d'inspecteur général de 2e classe, les candidats doivent être inscrits sur une liste d'aptitude établie par le ministère chargé de la jeunesse et des sports, après avis d'une commission de sélection. / (...). / La commission présente au ministre chargé de la jeunesse et des sports une liste, dressée par ordre alphabétique, des candidats qu'elle juge aptes à exercer les fonctions d'inspecteur général de 2e classe. Le nombre d'inscrits sur cette liste doit être au moins égal au double de celui des postes à pourvoir " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre des sports du 21 juillet 2003 portant organisation et fonctionnement de la commission de sélection instituée par ces dernières dispositions : " (...) Les membres de la commission expriment leur avis par un vote à bulletin secret. Le président de la commission prend part au vote sans avoir de voix prépondérante en cas de partage des voix (...) " ; qu'à défaut de dispositions ayant fixé des modalités particulières de décompte des votes exprimés par ses membres, l'avis émis par cette commission de sélection ne peut être regardé comme favorable à l'inscription d'un candidat sur la liste des candidats proposés au ministre que si le nombre de votes positifs excède d'au moins une unité celui des votes négatifs ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 11 janvier 2017 au cours de laquelle la commission de sélection a donné son avis sur les candidatures au poste d'inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe, trois membres de la commission ont voté en faveur de l'inscription de M. A... sur la liste d'aptitude transmise au ministre chargé de la jeunesse et des sports, les trois autres membres présents ayant voté en sens inverse ; que, dès lors, faute de majorité des voix en ce sens, la commission ne pouvait régulièrement porter le nom de M. A...sur la liste des candidats qu'elle jugeait aptes à exercer les fonctions d'inspecteur général de 2ème classe ; que, par suite, la liste prévue à l'article 7 du décret du 10 janvier 2002 ayant été irrégulièrement composée, le décret du 10 février 2017 pris au vu de cette liste et nommant M. A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe est entaché d'illégalité ;
3. Considérant, au surplus, qu'aux termes des dispositions du I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " I.-La nomination dans l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d'une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) " ; que l'article 5 du décret du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pris pour l'application de ces dispositions, soumet à la formalité préalable de la déclaration d'intérêts les personnes occupant des emplois correspondant à l'exercice de fonctions d'inspection générale exercées en qualité de membres des corps d'inspection mentionnés à l'annexe au décret du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; que les dispositions de cette annexe font notamment mention du corps des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a transmis sa déclaration d'intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination que le 8 mars 2017, soit postérieurement à la signature du décret prononçant sa nomination ; qu'ainsi, sa nomination est intervenue en violation des conditions de fond posées par le I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de d'examiner les autres moyens de sa requête, l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports est fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la ministre des sports, il ressort des pièces du dossier que le caractère rétroactif de l'annulation de la nomination de M. A... n'est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de cette annulation ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'assortir cette annulation d'une telle limitation, ni d'en différer les effets ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du Président de la République du 10 février 2017 nommant M. A...inspecteur général de la jeunesse et des sports de 2ème classe est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association professionnelle des membres de l'inspection générale de la jeunesse et des sports, au Premier ministre, au ministre de l'éducation nationale, à la ministre des sports et à M. B... A....