Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/12/2017, 403046
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/12/2017, 403046
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 403046
- ECLI:FR:CECHR:2017:403046.20171220
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
20 décembre 2017
- Rapporteur
- M. Grégory Rzepski
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 août 2016 et 1er février 2017, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er juillet 2016 de l'autorité militaire de premier niveau prononçant à son encontre une sanction disciplinaire du premier groupe de dix jours d'arrêts ;
2°) d'enjoindre au ministre compétent, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 1er juillet 2016, l'autorité militaire de premier niveau a prononcé à l'encontre de M. B...une sanction de dix jours d'arrêts pour ne pas avoir adopté l'attitude attendue d'un chef de section alors que, servant en 2008-2009 aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, il avait été informé de comportements inappropriés, à caractère insultant et vexatoire, d'élèves-officiers de sa section à l'égard d'autres élèves de sexe féminin ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, (...) avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-16 du code de la défense : " " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, même si elle émane d'une autorité extérieure à la formation " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que ne lui a pas été communiqué le compte rendu détaillé rédigé par l'autorité qui a demandé la sanction, en sus de l'exposé des faits figurant sur le bulletin de sanction ; que le ministre de la défense indique toutefois, sans être utilement contredit par le requérant, qu'un tel document n'a pas été établi et que si, dans le bulletin de sanction, est cochée la case faisant état de l'existence d'un compte rendu détaillé, cette mention est issue d'une erreur matérielle ; qu'en tout état de cause, la première partie du bulletin de sanction comportait bien une demande de sanction motivée, conformément aux dispositions de l'article R. 4137-16 du code de la défense ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que l'administration était fondée à ne communiquer à M. B...que les extraits le concernant des conclusions de l'enquête de commandement menée par le collège des inspecteurs généraux pour établir la réalité du harcèlement allégué par une élève de la promotion 10-4 ; que, si M. B...soutient également que le dossier disciplinaire communiqué le 13 juin 2016 par l'auteur de la demande de sanction aurait aussi dû comporter certains éléments réunis dans le cadre d'une autre enquête de commandement, confiée à l'inspection de l'Armée de terre et portant notamment sur les faits qui lui ont été reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle enquête ait été diligentée ; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité militaire a méconnu les dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
5. Considérant, en premier lieu, que l'inaction prolongée de M.B..., alors que celui-ci avait été informé des faits dont étaient victimes certains élèves-officiers de sa section, est établie par les pièces du dossier et, notamment, par plusieurs témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête de commandement menée par le collège des inspecteurs généraux ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si, contrairement à ce que soutient M. B..., aucun principe général du droit n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un militaire, aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 4137-1 du code de la défense, dans leur rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du militaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire " ; que lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'il s'ensuit que les faits reprochés à M. B... dans le cadre d'une procédure disciplinaire initiée en 2015 pouvaient encore être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, alors même qu'ils avaient été commis en 2008 et 2009 ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'action disciplinaire était prescrite le 1er juillet 2016, lorsque l'autorité militaire a prononcé à son encontre la sanction du premier groupe de dix jours d'arrêts ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard aux responsabilités de M. B... et alors même que sa manière de servir donnerait pleinement satisfaction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant une sanction du premier groupe de dix jours d'arrêt ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des armées.
ECLI:FR:CECHR:2017:403046.20171220
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 août 2016 et 1er février 2017, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er juillet 2016 de l'autorité militaire de premier niveau prononçant à son encontre une sanction disciplinaire du premier groupe de dix jours d'arrêts ;
2°) d'enjoindre au ministre compétent, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 1er juillet 2016, l'autorité militaire de premier niveau a prononcé à l'encontre de M. B...une sanction de dix jours d'arrêts pour ne pas avoir adopté l'attitude attendue d'un chef de section alors que, servant en 2008-2009 aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, il avait été informé de comportements inappropriés, à caractère insultant et vexatoire, d'élèves-officiers de sa section à l'égard d'autres élèves de sexe féminin ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, (...) avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-16 du code de la défense : " " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, même si elle émane d'une autorité extérieure à la formation " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que ne lui a pas été communiqué le compte rendu détaillé rédigé par l'autorité qui a demandé la sanction, en sus de l'exposé des faits figurant sur le bulletin de sanction ; que le ministre de la défense indique toutefois, sans être utilement contredit par le requérant, qu'un tel document n'a pas été établi et que si, dans le bulletin de sanction, est cochée la case faisant état de l'existence d'un compte rendu détaillé, cette mention est issue d'une erreur matérielle ; qu'en tout état de cause, la première partie du bulletin de sanction comportait bien une demande de sanction motivée, conformément aux dispositions de l'article R. 4137-16 du code de la défense ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que l'administration était fondée à ne communiquer à M. B...que les extraits le concernant des conclusions de l'enquête de commandement menée par le collège des inspecteurs généraux pour établir la réalité du harcèlement allégué par une élève de la promotion 10-4 ; que, si M. B...soutient également que le dossier disciplinaire communiqué le 13 juin 2016 par l'auteur de la demande de sanction aurait aussi dû comporter certains éléments réunis dans le cadre d'une autre enquête de commandement, confiée à l'inspection de l'Armée de terre et portant notamment sur les faits qui lui ont été reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle enquête ait été diligentée ; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité militaire a méconnu les dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
5. Considérant, en premier lieu, que l'inaction prolongée de M.B..., alors que celui-ci avait été informé des faits dont étaient victimes certains élèves-officiers de sa section, est établie par les pièces du dossier et, notamment, par plusieurs témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête de commandement menée par le collège des inspecteurs généraux ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si, contrairement à ce que soutient M. B..., aucun principe général du droit n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un militaire, aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 4137-1 du code de la défense, dans leur rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du militaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire " ; que lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'il s'ensuit que les faits reprochés à M. B... dans le cadre d'une procédure disciplinaire initiée en 2015 pouvaient encore être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, alors même qu'ils avaient été commis en 2008 et 2009 ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'action disciplinaire était prescrite le 1er juillet 2016, lorsque l'autorité militaire a prononcé à son encontre la sanction du premier groupe de dix jours d'arrêts ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard aux responsabilités de M. B... et alors même que sa manière de servir donnerait pleinement satisfaction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant une sanction du premier groupe de dix jours d'arrêt ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des armées.