Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06/12/2017, 401533
Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06/12/2017, 401533
Conseil d'État - 10ème - 9ème chambres réunies
- N° 401533
- ECLI:FR:CECHR:2017:401533.20171206
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
06 décembre 2017
- Rapporteur
- M. Vincent Villette
- Avocat(s)
- SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Paris Saint-Germain Football Club a demandé au tribunal administratif de Montreuil la réduction, à concurrence de la somme de 30 433 euros, de sa cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2008 et la décharge de la cotisation supplémentaire à cette cotisation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, d'un montant de 130 549 euros. Par un jugement n° 1207203, 1301926 du 2 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14VE00407 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, à la suite d'un arrêt avant dire droit rendu le 26 novembre 2015, annulé ce jugement et fait droit à la demande de la société Paris Saint-Germain Football Club.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 juillet 2016 et le 2 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Paris Saint-Germain football club ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009 de la société Paris Saint-Germain Football Club, l'administration fiscale a réintégré, dans la valeur ajoutée servant de référence pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, les produits tirés par cette société de la cession de contrats de joueurs. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mai 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel relevé par la société Paris Saint-Germain Football Club, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 décembre 2013 et l'a déchargée des cotisations supplémentaires de cotisation minimale de taxe professionnelle procédant de cette réintégration.
2. Aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition (...) ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, alors en vigueur : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...)/ II. 1° La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I ./ 2°. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre :/ D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d'une autre entreprise ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.
3. Selon les prescriptions du plan comptable général applicable aux années d'imposition en litige, le chiffre d'affaires s'entend du montant des produits réalisés par l'entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante. Le règlement spécifique du comité de la réglementation comptable du 23 novembre 2004 se borne à indiquer que les contrats entre les clubs et les joueurs professionnels constituent des immobilisations incorporelles et que " les indemnités de mutation reçues de la part d'une autre société à objet sportif sont comptabilisées en résultat ". Or, des cessions d'immobilisations corporelles ou incorporelles peuvent constituer des ventes à comptabiliser en produits de l'exercice lorsque ces cessions revêtent, compte tenu de la spécificité de l'activité de l'entreprise, un caractère habituel.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que les indemnités de cession de contrats de joueurs perçues au cours des exercices vérifiés ne participaient pas de l'activité normale et habituelle de la société Paris Saint-Germain Football Club, ni n'entraient dans ses produits courants, au motif que ces indemnités, bien que récurrentes, ne revêtaient qu'un caractère accessoire et ne relevaient pas de l'objectif poursuivi par la société au cours de la période considérée, lequel consistait en l'amélioration de son classement dans la ligue 1 de football professionnel et le développement des avantages et revenus qui lui étaient directement associés. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les cessions de contrats de joueurs présentent désormais, de manière générale, pour les clubs de football professionnel, un caractère récurrent et génèrent une part significative voire structurelle des produits qu'ils réalisent. Ils font ainsi partie du modèle économique de ces clubs et doivent, dès lors, être regardés, compte tenu de la spécificité de leur activité, comme ayant un caractère habituel, alors même que le transfert des joueurs n'interviendrait pas toujours au moment où les clubs pourraient en tirer le plus grand profit, comme le fait valoir la société requérante. D'autre part, les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts prévoient que la production de l'exercice, pour le calcul de la valeur ajoutée, comprend les produits accessoires. Dans ces conditions, en retenant que les cessions d'immobilisations incorporelles que sont les contrats de joueurs ne revêtaient pas, pour la société requérante, un caractère habituel et que les indemnités de cession de ces contrats n'étaient pas des produits courants devant être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Paris Saint-Germain Football club au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Paris Saint-Germain Football Club.
ECLI:FR:CECHR:2017:401533.20171206
La société Paris Saint-Germain Football Club a demandé au tribunal administratif de Montreuil la réduction, à concurrence de la somme de 30 433 euros, de sa cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2008 et la décharge de la cotisation supplémentaire à cette cotisation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, d'un montant de 130 549 euros. Par un jugement n° 1207203, 1301926 du 2 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14VE00407 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, à la suite d'un arrêt avant dire droit rendu le 26 novembre 2015, annulé ce jugement et fait droit à la demande de la société Paris Saint-Germain Football Club.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 juillet 2016 et le 2 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Paris Saint-Germain football club ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009 de la société Paris Saint-Germain Football Club, l'administration fiscale a réintégré, dans la valeur ajoutée servant de référence pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, les produits tirés par cette société de la cession de contrats de joueurs. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mai 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel relevé par la société Paris Saint-Germain Football Club, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 décembre 2013 et l'a déchargée des cotisations supplémentaires de cotisation minimale de taxe professionnelle procédant de cette réintégration.
2. Aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition (...) ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, alors en vigueur : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...)/ II. 1° La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I ./ 2°. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre :/ D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d'une autre entreprise ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.
3. Selon les prescriptions du plan comptable général applicable aux années d'imposition en litige, le chiffre d'affaires s'entend du montant des produits réalisés par l'entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante. Le règlement spécifique du comité de la réglementation comptable du 23 novembre 2004 se borne à indiquer que les contrats entre les clubs et les joueurs professionnels constituent des immobilisations incorporelles et que " les indemnités de mutation reçues de la part d'une autre société à objet sportif sont comptabilisées en résultat ". Or, des cessions d'immobilisations corporelles ou incorporelles peuvent constituer des ventes à comptabiliser en produits de l'exercice lorsque ces cessions revêtent, compte tenu de la spécificité de l'activité de l'entreprise, un caractère habituel.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que les indemnités de cession de contrats de joueurs perçues au cours des exercices vérifiés ne participaient pas de l'activité normale et habituelle de la société Paris Saint-Germain Football Club, ni n'entraient dans ses produits courants, au motif que ces indemnités, bien que récurrentes, ne revêtaient qu'un caractère accessoire et ne relevaient pas de l'objectif poursuivi par la société au cours de la période considérée, lequel consistait en l'amélioration de son classement dans la ligue 1 de football professionnel et le développement des avantages et revenus qui lui étaient directement associés. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les cessions de contrats de joueurs présentent désormais, de manière générale, pour les clubs de football professionnel, un caractère récurrent et génèrent une part significative voire structurelle des produits qu'ils réalisent. Ils font ainsi partie du modèle économique de ces clubs et doivent, dès lors, être regardés, compte tenu de la spécificité de leur activité, comme ayant un caractère habituel, alors même que le transfert des joueurs n'interviendrait pas toujours au moment où les clubs pourraient en tirer le plus grand profit, comme le fait valoir la société requérante. D'autre part, les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts prévoient que la production de l'exercice, pour le calcul de la valeur ajoutée, comprend les produits accessoires. Dans ces conditions, en retenant que les cessions d'immobilisations incorporelles que sont les contrats de joueurs ne revêtaient pas, pour la société requérante, un caractère habituel et que les indemnités de cession de ces contrats n'étaient pas des produits courants devant être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Paris Saint-Germain Football club au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Paris Saint-Germain Football Club.