CAA de NANTES, 4ème chambre, 24/11/2017, 16NT02712, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 4ème chambre
- N° 16NT02712
- Inédit au recueil Lebon
- Président
- M. LAINE
- Rapporteur
- M. Laurent BOUCHARDON
- Avocat(s)
- BOTTIN HENRI-LOUIS
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B.... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 juillet 2013 du président de l'Université de Rennes 1 portant titularisation en qualité de maître de conférences, en tant qu'elle l'a reclassé au 6ème échelon de ce corps.
Par un jugement n° 1402337 du 3 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 juillet 2016, 1er février 2017 et 6 octobre 2017, M. C...B...., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 3 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 3 juillet 2013 du président de l'Université de Rennes 1 en tant qu'elle l'a reclassé au 6ème échelon du corps des maîtres de conférences ;
3°) d'enjoindre au président de l'Université de Rennes 1 de le reclasser au 8ème échelon du corps des maîtres de conférences ou, à défaut, de lui permettre de conserver l'indice dont il bénéficiait antérieurement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de la violation de l'alinéa 4 du I de l'article 3 du décret 2009-462 du 23 avril 2009 ;
- en application de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, il aurait dû être réintégré avec le bénéfice de l'indice qu'il avait atteint lors de son détachement sur un emploi relevant du ministère de la défense, article qui s'applique à sa situation dès lors que l'emploi de professeur civil à l'école militaire spéciale de Saint-Cyr (ESM) n'est pas un emploi fonctionnel ; c'est à tort que le tribunal a considéré que les professeurs de l'ESM Saint-Cyr relevaient d'un statut d'emploi ; le statut particulier de ces professeurs fait référence à la notion de grade ; le nombre de professeurs n'est pas limité ; le texte ne permet le renvoi d'un professeur qu'en cas d'insuffisance professionnelle ou de faute, non dans l'intérêt du service ; le décret ne confère pas aux professeurs une fonction d'encadrement ou d'expertise particulière ;
- en tout état de cause, quand bien même les professeurs de l'ESM de Saint-Cyr relèveraient d'un statut d'emploi, il doit conserver, à titre personnel, le bénéfice de son indice antérieur jusqu'au jour où il bénéficie dans sa nouvelle situation d'un indice au moins égal, en application de l'alinéa 4 du I de l'article 3 du décret 2009-462 du 23 avril 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2016, le président de l'Université de Rennes 1 conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2017, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 65-327 du 24 avril 1965 relatif au statut particulier des professeurs civils de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr et de l'école de l'air ;
- le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 relatif aux règles de classement des personnes nommées dans les corps d'enseignants-chercheurs des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
- le code de justice administrative.
L'affaire a été précédemment appelée à l'audience du 3 octobre 2017 et renvoyée à l'audience du 7 novembre 2017, la communication de la note en délibéré enregistrée le 6 octobre 2017, ainsi transformée en mémoire, ayant rouvert l'instruction.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...., professeur agrégé de classe normale de l'enseignement du second degré, a été, à la suite de sa réussite au concours, nommé dans le corps des maîtres de conférences à compter du 1er septembre 2012 en qualité de maître de conférences stagiaire ; qu'il était jusqu'à cette date détaché auprès du ministère de la défense pour exercer ses fonctions à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, où il était rémunéré sur la base de l'indice brut 966 ; que, par décision du 3 juillet 2013, le président de l'Université de Rennes 1 l'a titularisé dans ses fonctions de maître de conférences à compter du 1er septembre 2013 et classé au 6ème échelon de la classe normale de ce corps, soit à l'indice brut 882 avec une reprise d'ancienneté de deux ans neuf mois et vingt-cinq jours dans l'échelon ; que M. B...., qui estime qu'il aurait dû être reclassé au huitième échelon, relève appel du jugement du 3 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle l'a reclassé au 6ème échelon du corps des maîtres de conférences ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement attaqué comporte, au point 5 de ses motifs, l'analyse du moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'alinéa 4 du I de l'article 3 du décret 2009-462 du 23 avril 2009 susvisé ; qu'il suit de là que M. B.... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait omis de répondre à un moyen et serait en conséquence entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Des décrets en Conseil d'Etat portant statuts particuliers précisent, pour les corps de fonctionnaires, les modalités d'application de la présente loi. Par dérogation au premier alinéa, les dispositions des statuts particuliers qui reprennent des dispositions statutaires communes à plusieurs corps de fonctionnaires sont prises par décret " ; qu'aux termes de l'article 45 de la même loi, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, réintégré dans son corps d'origine. Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteints ou auxquels il peut prétendre à la suite de la réussite à un concours ou à un examen professionnel ou de l'inscription sur un tableau d'avancement au titre de la promotion au choix dans le corps ou cadre d'emplois de détachement sous réserve qu'ils lui soient plus favorables (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 avril 1965 relatif au statut particulier des professeurs civils de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr et de l'école de l'air : " Sont soumis aux dispositions du présent décret les professeurs agrégés de l'enseignement du second degré détachés de l'éducation nationale dans les conditions prévues par le décret n° 59-309 du 14 février 1959 susvisé pour enseigner à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, à l'école navale et à l'école de l'air " ; que l'article 2 de ce décret prévoit que ces professeurs s'engagent à exercer leurs fonctions pendant une période de cinq années scolaires qui peut être renouvelée ; que son article 3 fixe de manière exhaustive les attributions de ceux-ci ; qu'enfin, son article 4 prévoit un échelonnement indiciaire favorable pour les professeurs accédant à ce statut, au regard de leur situation au sein de l'éducation nationale ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 4, d'une part, que la seule voie d'accès à l'emploi de professeur civil de l'ESM de Saint-Cyr ne réside pas dans un accès ouvert et direct, mais est constituée par un détachement réservé aux seuls professeurs agrégés de l'enseignement du second degré de l'éducation nationale, sans aucune possibilité d'intégration ; que, d'autre part, les professeurs ainsi détachés bénéficient d'un échelonnement indiciaire plus favorable que dans leur corps d'origine ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. B...., nonobstant la dénomination du décret, ces dispositions constituent un statut d'emploi et n'ont pas le caractère de dispositions statutaires applicables à un corps de fonctionnaires au sens de l'article 8 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ; que, par ailleurs, les circonstances que le décret utilise non la notion de grade mais d'emploi, et ne fixe pas un nombre fixe d'emplois, ne sauraient à elles seules lui conférer le caractère d'un statut particulier ; qu'il en est de même de la circonstance que les fonctions exercées ne sont pas des fonctions d'encadrement ou d'expertise, au regard de la fonction particulière des enseignants, laquelle ne saurait justifier que l'emploi puisse être retiré en dehors des seules hypothèses de faute ou d'une insuffisance professionnelle ; que les dispositions susmentionnées de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 ne sont dès lors pas applicables à la situation du requérant qui, en qualité de professeur civil de l'Ecole, ne se trouvait pas dans un " corps ou cadre d'emplois de détachement " ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 23 avril 2009 relatif aux règles de classement des personnes nommées dans les corps d'enseignants-chercheurs des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur : " Les personnes nommées dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er du présent décret sont classées à un échelon déterminé en application des articles qui suivent, à l'échelon de la classe de début de ce corps ou éventuellement de la classe du corps au titre duquel le recrutement a été ouvert. Ce classement se fait sur la base des durées de service ou, le cas échéant, des durées moyennes de service fixées par les statuts particuliers pour l'avancement à l'ancienneté dans chacun des échelons du corps (...) " et qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 3 du même décret : " Les agents qui, antérieurement à leur nomination dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er du présent décret, avaient la qualité de fonctionnaire civil, de militaire ou de magistrat sont classés à l'échelon de la classe de début de ce corps ou éventuellement de la classe de ce corps au titre duquel un recrutement a été ouvert, comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps, grade, classe ou cadre d'emploi d'origine " ; que l'alinéa 4 du I de l'article 3 dudit décret prévoit que " dans le cas où l'application des dispositions du présent article aboutirait à classer le fonctionnaire intéressé à un échelon doté d'un indice inférieur à celui qu'il détenait dans son ancienne situation, l'intéressé conserve, à titre personnel, le bénéfice de son indice antérieur jusqu'au jour où il bénéficie dans sa nouvelle situation d'un indice au moins égal " ;
7. Considérant en l'espèce, d'une part que, par arrêté du 7 mars 2011, M. B.... a été promu à l'échelon 8 du grade de professeur agrégé de classe normale à compter du 6 novembre 2010 ; qu'il n'est pas contesté que cet échelon comporte un indice brut égal à 835 et un indice majoré égal à 684 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été par la suite reclassé, par l'arrêté contesté, à l'indice brut 882 et à l'indice majoré 719, soit des indices supérieurs à ceux qu'il détenait avant son détachement à l'ESM de Saint-Cyr Coëtquidan, conformément aux dispositions susmentionnées de l'alinéa 1 du I de l'article 3 du décret du 23 avril 2009 ; que l'échelon atteint en qualité de professeur civil de l'Ecole ne saurait constituer celui de son grade d'origine dès lors que son corps d'origine est celui des professeurs agrégés de l'enseignement secondaire ;
8. Considérant, d'autre part, que le requérant n'est pas fondé, pour justifier du reclassement qu'il sollicite, à se prévaloir des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 3 du décret du 23 avril 2009 en faisant valoir qu'il a bénéficié lors de son détachement auprès de l'ESM de Saint-Cyr, en application du décret du 24 avril 1965 susvisé, d'un échelon correspondant à l'échelon 10 du grade de professeur agrégé, soit un indice brut fixé à 966 et un indice majoré fixé à 783, dès lors que sa situation devait être étudiée au regard de son seul classement dans son corps d'origine en application des dispositions de l'alinéa 1 de cet article ; que, par suite, le président de l'Université de Rennes 1 a fait une exacte application des dispositions en cause du décret susvisé du 23 avril 2009 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B.... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur la demande d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B.... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B.... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B.... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...., à l'Université de Rennes 1 et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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