Conseil d'État, 7ème chambre, 31/10/2017, 411762, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 7 mars 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Brive l'a informé de son intention de mettre fin à son détachement à compter du 1er juillet 2017 et d'enjoindre au centre hospitalier de lui proposer de l'intégrer dans ses effectifs. Par une ordonnance n° 1700647 du 7 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a suspendu l'exécution de la décision du 7 mars 2017 et a enjoint au centre hospitalier de Brive de se prononcer de nouveau sur la situation administrative de M. B...au regard des dispositions de l'alinéa 6 de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 juin et le 7 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Brive demande au Conseil d'Etat:

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du centre hospitalier de Brive.



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 64 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le détachement est de courte ou de longue durée. Il est révocable. " ; qu'aux termes de l'article 67 de la même loi : " (...) A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d'emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. (...) Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d'origine dans les conditions prévues à l'article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l'établissement d'origine (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " Le détachement de longue durée prononcé au titre des 1°, 2° et 4° de l'article 2 ne peut être renouvelé, au-delà d'une période de cinq années, que si le fonctionnaire refuse l'intégration qui lui est proposée dans le corps ou le cadre d'emplois concerné en application de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Limoges que M. A...B..., fonctionnaire territorial du département de Paris, a été recruté par la voie du détachement de longue durée pour une durée d'un an en qualité de moniteur-éducateur titulaire au centre hospitalier de Brive à compter du 1er juillet 2011 ; que ce détachement a été renouvelé d'année en année par le département de Paris depuis cette date et, en dernier lieu, par un arrêté du 1er juillet 2016 ; que parallèlement à cette dernière décision, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier a pris, le 23 juin 2016, la décision de renouveler le recrutement de M.B..., par la voie du détachement, " à compter du 1er juillet 2016 " ; que par une décision du 7 mars 2017, le directeur du centre hospitalier de Brive a informé M. B...qu'il mettrait fin à son détachement à compter du 1er juillet 2017 ; que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, sur demande de M.B..., a ordonné la suspension de l'exécution de cette décision et a enjoint au centre hospitalier de se prononcer de nouveau sur la situation administrative de M. B...au regard des dispositions du sixième alinéa de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983, aux termes duquel " le fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d'emplois qui est admis à poursuivre son détachement au-delà d'une période de cinq ans se voit proposer une intégration dans ce corps ou cadre d'emplois " ;

4. Considérant que pour juger que la condition d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a relevé que l'exécution de la décision de ne pas renouveler le détachement de M.B..., alors même qu'elle n'aurait pas d'incidence substantielle sur la rémunération de l'intéressé, aurait pour effet de contraindre ce dernier à déménager en région parisienne avec sa compagne et un enfant en bas âge dès le mois de juillet 2017 et aurait, par suite, des conséquences graves et immédiates sur sa situation personnelle ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne ressortait d'aucune des pièces du dossier qui lui était soumis que la compagne de M.B..., sans emploi, ne serait pas susceptible de le rejoindre en région parisienne, ni même que le département de Paris lui aurait demandé de rejoindre une affectation en son sein dès juillet 2017, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le centre hospitalier de Brive est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé de M. B...en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, en premier lieu, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aura pour effet de le priver de toute rémunération à compter du 1er juillet 2017, dès lors que le département de Paris est tenu, en application des dispositions de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 2, de le réaffecter à la première vacance ou création d'emploi correspondant à son grade ou à défaut de le maintenir en surnombre pendant un an ;

7. Considérant, en second lieu, que la seule circonstance que la décision attaquée pourrait le contraindre à devoir s'installer prochainement en région parisienne et aurait des conséquences sur sa situation familiale, compte tenu la présence à Brive de sa compagne, sans emploi, et de son enfant en bas âge, ne saurait être de nature, en l'absence de toute circonstance particulière, à établir que l'exécution de la décision de ne pas renouveler son détachement porterait à ses intérêts une atteinte grave et immédiate justifiant la suspension de son exécution ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 7 mars 2017 du directeur du centre hospitalier de Brive et à ce qu'il soit enjoint à cet établissement de l'intégrer dans ses effectifs ne peut qu'être rejetée ; que les dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B...sur le fondement de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Limoges du 7 juin 2017 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de Brive tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Brive.
Copie en sera adressée à M. A...B....





ECLI:FR:CECHS:2017:411762.20171031
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