Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 09/10/2017, 398853
Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 09/10/2017, 398853
Conseil d'État - 6ème - 1ère chambres réunies
- N° 398853
- ECLI:FR:CECHR:2017:398853.20171009
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
09 octobre 2017
- Rapporteur
- Mme Laurence Franceschini
- Avocat(s)
- SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Les Citadines a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 septembre 2012 par laquelle le maire de Sceaux a retiré l'arrêté du 28 juin 2012 lui délivrant un permis de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce en rez-de-chaussée, valant également permis de démolir des bâtiments, sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 1301708 du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE01981 du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SARL Les Citadines contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 13 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Citadines demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sceaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Les Citadines et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la commune de Sceaux.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 septembre 2017, présentée par la société Les Citadines ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 juin 2012, le maire de Sceaux a accordé à la société Les Citadines un permis de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce au rez-de-chaussée, valant également permis de démolir ; que, par une décision du 21 septembre 2012, le maire a retiré cet arrêté, puis rejeté le recours gracieux formé par la société contre cette décision ; que, par un jugement du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; que par un arrêt du 18 février 2016, contre lequel la SARL Les Citadines se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. " ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, la demande de permis de construire comporte l'attestation du demandeur qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ; qu'enfin, aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus ; que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur ; qu'ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ; que, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif ; qu'enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai ; que la fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme ;
4. Considérant que la cour a relevé que le document, dont se prévalait la société Les Citadines, par lequel le propriétaire du terrain d'assiette s'était engagé à signer dans un certain délai une promesse de vente, était caduc à la date de demande de permis de construire en raison de l'expiration de ce délai ; qu'elle a également relevé que la société savait, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, qu'une promesse de vente en vue de construire avait été signée par le propriétaire avec une autre société ; qu'elle en a déduit que, dans ces circonstances, nonobstant l'introduction ultérieure d'une action en nullité de cette promesse de vente devant le juge judiciaire, en attestant avoir qualité pour demander l'autorisation de construire, la société avait eu l'intention de tromper l'autorité administrative sur sa qualité et avait ainsi obtenu le permis par fraude ;
5. Considérant qu'en jugeant que le maire pouvait légalement retirer le permis de construire en se fondant sur des éléments ne figurant pas dans le dossier du pétitionnaire et dont il a eu connaissance postérieurement à sa délivrance établissant l'existence d'une fraude du pétitionnaire à la date du permis, notamment l'existence d'une promesse de vente conclue par le propriétaire avec une autre société, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
6. Considérant qu'en se fondant, pour caractériser la fraude, notamment sur la circonstance que le délai pour signer la promesse de vente mentionnée dans le document cité au point 4 était expiré à la date du dépôt de la demande de permis de construire, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
7. Considérant qu'en statuant ainsi qu'il a été dit au point 4 et en retenant l'existence d'une fraude de la société Les Citadines, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier exempte de dénaturation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Les Citadines n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sceaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Les Citadines au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Citadines la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Sceaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Les Citadines est rejeté.
Article 2 : La société Les Citadines versera à la commune de Sceaux la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société les Citadines et à la commune de Sceaux.
ECLI:FR:CECHR:2017:398853.20171009
La société Les Citadines a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 septembre 2012 par laquelle le maire de Sceaux a retiré l'arrêté du 28 juin 2012 lui délivrant un permis de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce en rez-de-chaussée, valant également permis de démolir des bâtiments, sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 1301708 du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE01981 du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SARL Les Citadines contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 13 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Citadines demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sceaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Les Citadines et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la commune de Sceaux.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 septembre 2017, présentée par la société Les Citadines ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 juin 2012, le maire de Sceaux a accordé à la société Les Citadines un permis de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce au rez-de-chaussée, valant également permis de démolir ; que, par une décision du 21 septembre 2012, le maire a retiré cet arrêté, puis rejeté le recours gracieux formé par la société contre cette décision ; que, par un jugement du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; que par un arrêt du 18 février 2016, contre lequel la SARL Les Citadines se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. " ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, la demande de permis de construire comporte l'attestation du demandeur qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ; qu'enfin, aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus ; que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur ; qu'ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ; que, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif ; qu'enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai ; que la fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme ;
4. Considérant que la cour a relevé que le document, dont se prévalait la société Les Citadines, par lequel le propriétaire du terrain d'assiette s'était engagé à signer dans un certain délai une promesse de vente, était caduc à la date de demande de permis de construire en raison de l'expiration de ce délai ; qu'elle a également relevé que la société savait, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, qu'une promesse de vente en vue de construire avait été signée par le propriétaire avec une autre société ; qu'elle en a déduit que, dans ces circonstances, nonobstant l'introduction ultérieure d'une action en nullité de cette promesse de vente devant le juge judiciaire, en attestant avoir qualité pour demander l'autorisation de construire, la société avait eu l'intention de tromper l'autorité administrative sur sa qualité et avait ainsi obtenu le permis par fraude ;
5. Considérant qu'en jugeant que le maire pouvait légalement retirer le permis de construire en se fondant sur des éléments ne figurant pas dans le dossier du pétitionnaire et dont il a eu connaissance postérieurement à sa délivrance établissant l'existence d'une fraude du pétitionnaire à la date du permis, notamment l'existence d'une promesse de vente conclue par le propriétaire avec une autre société, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
6. Considérant qu'en se fondant, pour caractériser la fraude, notamment sur la circonstance que le délai pour signer la promesse de vente mentionnée dans le document cité au point 4 était expiré à la date du dépôt de la demande de permis de construire, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
7. Considérant qu'en statuant ainsi qu'il a été dit au point 4 et en retenant l'existence d'une fraude de la société Les Citadines, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier exempte de dénaturation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Les Citadines n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sceaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Les Citadines au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Citadines la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Sceaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Les Citadines est rejeté.
Article 2 : La société Les Citadines versera à la commune de Sceaux la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société les Citadines et à la commune de Sceaux.