Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 19/06/2017, 406064

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

La SAS ICMI a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009. Par un jugement n° 1202510 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY02862 du 17 mai 2016, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la requérante.

Par un arrêt n° 14LY02862 du 13 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête d'appel de la SAS ICMI.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2016 et 16 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS ICMI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la SAS ICMI ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2017, présentée pour la SAS ICMI ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la SAS ICMI a été assujettie à des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 2007, 2008 et 2009. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations dues à raison des rémunérations versées à son président et à son directeur général. Elle conteste, par un mémoire distinct, l'ordonnance du 17 mai 2016 par laquelle le président de la cinquième chambre de la cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en appel et portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen des dispositions de l'article 231 du code général des impôts.

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du 17 mai 2016 :

2. Aux termes de la première phrase du 1er alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ". Aux termes de l'article L. 311-3 du même code : " Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2 (...)/ 12° Les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes (...) / 23° Les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées (...) ".

3. Il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des personnes explicitement visées par les dispositions combinées des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale et celles qui, telles les membres du directoire, sont assimilées à ces personnes. Il n'y a, par suite, pas de différence de traitement, contrairement à ce que soutient la requérante, entre les mandataires sociaux assujettis aux cotisations sociales en application de l'article L. 311-2, selon qu'ils sont mentionnés ou non à l'article L. 311-3, et notamment entre les présidents et directeurs généraux de sociétés anonymes ou de sociétés par actions simplifiées et les membres des directoires. Ce motif de pur droit, qui justifie le dispositif de l'ordonnance attaquée, peut être substitué au motif retenu par celle-ci.

4. En outre, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts seraient entachées d'incompétence négative et méconnaitraient l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi n'a pas été soumis à la cour et ne peut être présenté pour la première fois devant le Conseil d'Etat, saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une ordonnance de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels.

5. Par suite, la société ICMI n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance refusant la transmission de sa question prioritaire de constitutionnalité.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt du 13 octobre 2016 :

6. En vertu de la dernière phrase du 1er alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, l'assiette de la taxe sur les salaires est constituée par " une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ".

7. D'une part, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la TVA, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens des articles 213 et 209, successivement applicables, de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total.

8 D'autre part, les fonctions de président d'une société par action simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de l'entreprise. En vertu du même article, un directeur général peut être nommé afin d'exercer les pouvoirs du président. Il résulte des articles L. 225-51 et L. 222-51-1 du même code, auxquels renvoie l'article L. 227-8 dudit code, que le président et le directeur général d'une société par actions simplifiées sont investis d'une responsabilité générale.

9. S'agissant d'une société holding, les pouvoirs visés au point précédent s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la TVA et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS ICMI était une holding avec deux secteurs d'activité dont l'un, à caractère financier, comprenait l'acquisition, la gestion et la vente de participations dans d'autres sociétés ainsi que la gestion de sa trésorerie, et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services destinées à ses filiales, qu'elle était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée, pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires, et qu'elle était, ainsi, passible de la taxe sur les salaires au titre des années 2007, 2008 et 2009.

11. Après avoir relevé que la société était dirigée par le président de son conseil d'administration et le directeur général et avoir estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que la société n'apportait pas d'éléments de nature à établir que ces dirigeants n'avaient pas d'attribution dans le secteur financier et, d'autre part, que s'agissant du directeur général il résultait au contraire de son contrat de travail qu'il était en charge de la stratégie financière du groupe, la cour a pu en déduire, sans erreur de droit, que leurs rémunérations étaient assujetties à la taxe sur les salaires.

12. Il résulte de ce qui précède que la société ICMI n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi présenté par la SAS ICMI est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS ICMI, au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.

ECLI:FR:CECHR:2017:406064.20170619
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