Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09/12/2016, 395015, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société SEB Investment GmbH a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. Par une ordonnance n° 1308391 du 15 novembre 2013, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE00129 du 15 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société SEB Investment, annulé cette ordonnance et fait droit à sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 décembre 2015 et 27 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;
- la convention entre la France et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du 21 juillet 1959 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société SEB Investment GmbH.




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société SEB Investment a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; que, par un arrêt du 15 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à son appel contre l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Montreuil du 15 novembre 2013 rejetant comme irrecevable sa demande tendant à la décharge de cette contribution, a annulé cette ordonnance et fait droit à la demande de la société ; que le ministre des finances et des comptes publics demande l'annulation des articles 2 et 3 de cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) " ;

3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, par suite, en jugeant qu'il y a lieu, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, de retenir le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 de ce code et aux stipulations de la convention fiscale franco-allemande précitée applicable au cas d'espèce, la cour a fait une inexacte interprétation de l'article 235 ter ZAA ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 15 octobre 2015 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Savills Fund Management GmbH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Savills Fund Management GmbH.


ECLI:FR:CECHR:2016:395015.20161209
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