Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 05/12/2016, 380763
Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 05/12/2016, 380763
Conseil d'État - 4ème - 5ème chambres réunies
- N° 380763
- ECLI:FR:CECHR:2016:380763.20161205
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
05 décembre 2016
- Rapporteur
- M. Bruno Bachini
- Avocat(s)
- SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 28 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2014 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a retiré son arrêté du 8 mars 2013 radiant M. B...C...du corps des professeurs des universités ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- l'arrêté du Premier ministre, du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 mai 2013 portant nomination ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'université de la Nouvelle-Calédonie et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. C...;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : / 1° S'il ne possède la nationalité française ; / 2° S'il ne jouit de ses droits civiques ; / 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 4° S'il ne se trouve en position régulière au regard du code du service national ; / 5° S'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap " ; qu'aux termes de l'article 24 de la même loi : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / 1° De l'admission à la retraite ; / 2° De la démission régulièrement acceptée ; / 3° Du licenciement ; / 4° De la révocation. / La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une décision de radiation n'est prise, pour la gestion des cadres, qu'en conséquence de la cessation définitive de fonctions résultant d'une décision administrative ou juridictionnelle antérieure ; que, par suite, si l'autorité administrative peut se fonder sur les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 mentionnées ci-dessus pour refuser de nommer ou titulariser un agent public, elle ne peut légalement, s'agissant d'un agent en activité, prononcer directement sa radiation des cadres au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l'exercice des fonctions ; qu'à ce titre, il appartient, le cas échéant, à l'autorité administrative d'engager une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au casier judiciaire de l'agent et, si cette procédure disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, de prononcer sa radiation des cadres par voie de conséquence ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 3 août 2009, le tribunal correctionnel de Nouméa a condamné M. C... à une peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis ; que cette condamnation a été inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé ; que, par un arrêté du 8 mars 2013, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a, à la demande de l'université de la Nouvelle-Calédonie, radié M. C... du corps des professeurs des universités au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire étaient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions ; que, par un nouvel arrêté du 28 mars 2014, dont l'université demande l'annulation, le ministre a retiré son arrêté du 8 mars 2013 au motif que la procédure disciplinaire applicable aux professeurs des universités n'avait pas été respectée ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement et de l'arrêté du 6 mai 2013 du Premier ministre, du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche nommant M. A...chef de service, adjoint à la directrice générale des ressources humaines, chargé du service des personnels enseignants de l'enseignement supérieur et de la recherche, que ce dernier avait qualité pour signer, au nom du ministre, l'arrêté attaqué ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 712-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, que le pouvoir disciplinaire à l'égard des professeurs d'université est exercé en premier ressort par le conseil d'administration constitué en section disciplinaire ; qu'il incombe à cette section disciplinaire, à l'issue d'une procédure contradictoire, de prononcer une décision qui a un caractère juridictionnel et est susceptible d'appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en formation disciplinaire ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de la Nouvelle-Calédonie, saisie de la situation de M. C... par le président de cette université, s'est bornée à émettre, le 1er mars 2013, un " avis " suivant lequel " les faits qui sont à l'origine de la condamnation pénale et les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. C...sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions de professeur des universités " ; qu'à la suite de cet avis, le conseil d'administration de l'université, siégeant en formation restreinte, a, le même jour, porté une appréciation identique sur la situation de l'intéressé et décidé de demander à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de prononcer sa radiation ; qu'en l'absence d'une décision de la section disciplinaire prononçant une sanction disciplinaire, la ministre a pu légalement se fonder, pour retirer son arrêté du 8 mars 2013, sur le motif, qui n'est pas entaché d'inexactitude matérielle, tiré de ce que la procédure disciplinaire applicable n'avait pas été respectée ;
7. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient l'université, la décision de radiation du 8 mars 2013 prononcée contre M.C..., qui revêtait le caractère d'une décision individuelle défavorable illégale et n'était créatrice de droits ni pour l'intéressé ni pour des tiers, pouvait être légalement retirée sans délai par son auteur ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'université de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros à verser à M. C...au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'université de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 2 : L'université de la Nouvelle-Calédonie versera à M. C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'université de la Nouvelle-Calédonie, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. B... C....
ECLI:FR:CECHR:2016:380763.20161205
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 28 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2014 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a retiré son arrêté du 8 mars 2013 radiant M. B...C...du corps des professeurs des universités ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- l'arrêté du Premier ministre, du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 mai 2013 portant nomination ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'université de la Nouvelle-Calédonie et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. C...;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : / 1° S'il ne possède la nationalité française ; / 2° S'il ne jouit de ses droits civiques ; / 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 4° S'il ne se trouve en position régulière au regard du code du service national ; / 5° S'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap " ; qu'aux termes de l'article 24 de la même loi : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / 1° De l'admission à la retraite ; / 2° De la démission régulièrement acceptée ; / 3° Du licenciement ; / 4° De la révocation. / La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une décision de radiation n'est prise, pour la gestion des cadres, qu'en conséquence de la cessation définitive de fonctions résultant d'une décision administrative ou juridictionnelle antérieure ; que, par suite, si l'autorité administrative peut se fonder sur les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 mentionnées ci-dessus pour refuser de nommer ou titulariser un agent public, elle ne peut légalement, s'agissant d'un agent en activité, prononcer directement sa radiation des cadres au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l'exercice des fonctions ; qu'à ce titre, il appartient, le cas échéant, à l'autorité administrative d'engager une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au casier judiciaire de l'agent et, si cette procédure disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, de prononcer sa radiation des cadres par voie de conséquence ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 3 août 2009, le tribunal correctionnel de Nouméa a condamné M. C... à une peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis ; que cette condamnation a été inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé ; que, par un arrêté du 8 mars 2013, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a, à la demande de l'université de la Nouvelle-Calédonie, radié M. C... du corps des professeurs des universités au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire étaient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions ; que, par un nouvel arrêté du 28 mars 2014, dont l'université demande l'annulation, le ministre a retiré son arrêté du 8 mars 2013 au motif que la procédure disciplinaire applicable aux professeurs des universités n'avait pas été respectée ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement et de l'arrêté du 6 mai 2013 du Premier ministre, du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche nommant M. A...chef de service, adjoint à la directrice générale des ressources humaines, chargé du service des personnels enseignants de l'enseignement supérieur et de la recherche, que ce dernier avait qualité pour signer, au nom du ministre, l'arrêté attaqué ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 712-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, que le pouvoir disciplinaire à l'égard des professeurs d'université est exercé en premier ressort par le conseil d'administration constitué en section disciplinaire ; qu'il incombe à cette section disciplinaire, à l'issue d'une procédure contradictoire, de prononcer une décision qui a un caractère juridictionnel et est susceptible d'appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en formation disciplinaire ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de la Nouvelle-Calédonie, saisie de la situation de M. C... par le président de cette université, s'est bornée à émettre, le 1er mars 2013, un " avis " suivant lequel " les faits qui sont à l'origine de la condamnation pénale et les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. C...sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions de professeur des universités " ; qu'à la suite de cet avis, le conseil d'administration de l'université, siégeant en formation restreinte, a, le même jour, porté une appréciation identique sur la situation de l'intéressé et décidé de demander à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de prononcer sa radiation ; qu'en l'absence d'une décision de la section disciplinaire prononçant une sanction disciplinaire, la ministre a pu légalement se fonder, pour retirer son arrêté du 8 mars 2013, sur le motif, qui n'est pas entaché d'inexactitude matérielle, tiré de ce que la procédure disciplinaire applicable n'avait pas été respectée ;
7. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient l'université, la décision de radiation du 8 mars 2013 prononcée contre M.C..., qui revêtait le caractère d'une décision individuelle défavorable illégale et n'était créatrice de droits ni pour l'intéressé ni pour des tiers, pouvait être légalement retirée sans délai par son auteur ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'université de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros à verser à M. C...au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'université de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 2 : L'université de la Nouvelle-Calédonie versera à M. C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'université de la Nouvelle-Calédonie, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. B... C....