Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30/06/2016, 15VE00140, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30/06/2016, 15VE00140, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Versailles - 6ème chambre
- N° 15VE00140
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
30 juin 2016
- Président
- M. DEMOUVEAUX
- Rapporteur
- M. Jean-Eric SOYEZ
- Avocat(s)
- BOUKHELOUA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, l'annulation de la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Sceaux l'a révoqué et radié des cadres, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune de prononcer sa réintégration et de régulariser ses droits. Par un jugement n° 1203784 du
18 novembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 janvier 2015 et le
8 juin 2016, M.C..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, ensemble la décision contestée du 22 décembre 2011 ;
2° de mettre à la charge de la commune de Sceaux une somme totale de 2 400 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- le jugement attaqué ne porte pas les signatures prescrites à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que les accusations portées contre lui n'émanent pas des personnes du service où il est affecté ;
- il a fait une inexacte application de la notion d'obligation de réserve qui s'impose aux fonctionnaires, et de sa combinaison avec la liberté d'opinion dont ils bénéficient ;
- les actes de prosélytisme à l'origine de la sanction ne sont pas matériellement établis ;
- à les supposer établis, la sanction est disproportionnée.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de Me Boukheloua, pour M.C..., et de MeA..., pour la commune de Sceaux.
1. Considérant que M.C..., qui a été recruté le 7 octobre 2005 en qualité d'adjoint d'animation contractuel par le directeur de la caisse des écoles de la commune de Sceaux, a été nommé adjoint d'animation stagiaire de deuxième classe par arrêté du 3 avril 2008, puis titularisé dans ce grade le 1er janvier 2009 ; qu'il avait été intégré dans les services municipaux de la ville de Sceaux et exerçait ses fonctions pour le centre de loisirs des Blagis lorsqu'il a été suspendu le 17 février 2011 ; que, par arrêté du 22 décembre 2011, le maire de Sceaux a prononcé sa révocation et l'a radié des cadres de la commune, mesure à laquelle le conseil de discipline de recours d'Ile-de-France a donné un avis conforme le 15 juin 2012 ; que M. C...relève appel du jugement du 18 novembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation de sa révocation, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de de Sceaux de prononcer sa réintégration et de régulariser ses droits ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 747-1 du code de justice administrative, le jugement doit comporter les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ; qu'en l'espèce, la minute du jugement entrepris porte les signatures prescrites ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des motifs de ce jugement que les premiers juges ont examiné le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits de prosélytisme reprochés à M. C...et y ont répondu explicitement ; que, par suite et dès lors que le juge n'est jamais tenu de répondre à tous les arguments soulevés à l'appui d'un moyen, le tribunal a pu s'abstenir de répondre au grief tiré de ce que les accusations portées contre l'adjoint-animateur n'émanent pas de collègues directement présents ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la mesure de révocation :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 :
" Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...). " ; qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Quatrième groupe : (...) la révocation. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des comptes-rendus d'entretiens d'évaluation de M. C...que ce dernier professait, tant devant les enfants et leurs parents que devant ses collègues, une doctrine religieuse à caractère parascientifique portant, entre autres, sur le parcours de l'âme après la mort ; que dans le cadre de cette doctrine, il présentait comme étant des vérités établies la provenance planétaire des enfants, la désexualisation des êtres humains ou encore l'imminence de la fin du monde ; qu'il résulte des courriers adressés par plusieurs parents des enfants qu'encadrait M. C...et de la protestation intitulée " La Censure ", adressée par l'intéressé lui-même au maire de Sceaux le
9 décembre 2010 que ce type de discours parvenait à susciter l'intérêt et à emporter l'adhésion de certains enfants ; qu'il découle enfin du témoignage d'une mère d'élève exerçant la profession de journaliste que l'intéressé a tenté d'obtenir l'appui de celle-ci afin de diffuser dans la presse ses " recherches " sur de nouvelles thérapies contre le cancer ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exactitude du grief relatif au comportement du requérant envers les enfants, les faits de prosélytisme sur lesquels est fondée la révocation de celui-ci sont établis de manière certaine ;
6. Considérant que le principe de liberté de conscience, découlant de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, repris par la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble des agents du service de l'enseignement public, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions d'enseignement ; que s'ils bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;
7. Considérant, d'une part, que les agissements de M. C...et la manière dont il a utilisé ses fonctions d'animateur-adjoint pour diffuser ses convictions révèlent un prosélytisme actif dans le service public de l'éducation; qu'ils caractérisent ainsi un manquement aux obligations de neutralité et de réserve imposées à tout fonctionnaire, particulièrement grave s'agissant d'un agent en relation avec de jeunes enfants ; que, d'autre part, en persistant dans ces agissements et en protestant contre les rappels à ses obligations, M. C...a également fait acte de désobéissance ; qu'en raison de la gravité de ces fautes et sans que leur auteur puisse utilement se prévaloir des qualités qu'il montrait par ailleurs dans sa manière de servir, la sanction de révocation qui lui a été infligée, n'est pas disproportionnée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se référer aux écritures en défense de la commune de Sceaux enregistrées le 10 juin 2016,
M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sceaux, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. C...d'une somme en remboursement des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Sceaux sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sceaux sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, l'annulation de la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Sceaux l'a révoqué et radié des cadres, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune de prononcer sa réintégration et de régulariser ses droits. Par un jugement n° 1203784 du
18 novembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 janvier 2015 et le
8 juin 2016, M.C..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, ensemble la décision contestée du 22 décembre 2011 ;
2° de mettre à la charge de la commune de Sceaux une somme totale de 2 400 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- le jugement attaqué ne porte pas les signatures prescrites à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que les accusations portées contre lui n'émanent pas des personnes du service où il est affecté ;
- il a fait une inexacte application de la notion d'obligation de réserve qui s'impose aux fonctionnaires, et de sa combinaison avec la liberté d'opinion dont ils bénéficient ;
- les actes de prosélytisme à l'origine de la sanction ne sont pas matériellement établis ;
- à les supposer établis, la sanction est disproportionnée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de Me Boukheloua, pour M.C..., et de MeA..., pour la commune de Sceaux.
1. Considérant que M.C..., qui a été recruté le 7 octobre 2005 en qualité d'adjoint d'animation contractuel par le directeur de la caisse des écoles de la commune de Sceaux, a été nommé adjoint d'animation stagiaire de deuxième classe par arrêté du 3 avril 2008, puis titularisé dans ce grade le 1er janvier 2009 ; qu'il avait été intégré dans les services municipaux de la ville de Sceaux et exerçait ses fonctions pour le centre de loisirs des Blagis lorsqu'il a été suspendu le 17 février 2011 ; que, par arrêté du 22 décembre 2011, le maire de Sceaux a prononcé sa révocation et l'a radié des cadres de la commune, mesure à laquelle le conseil de discipline de recours d'Ile-de-France a donné un avis conforme le 15 juin 2012 ; que M. C...relève appel du jugement du 18 novembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation de sa révocation, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de de Sceaux de prononcer sa réintégration et de régulariser ses droits ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 747-1 du code de justice administrative, le jugement doit comporter les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ; qu'en l'espèce, la minute du jugement entrepris porte les signatures prescrites ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des motifs de ce jugement que les premiers juges ont examiné le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits de prosélytisme reprochés à M. C...et y ont répondu explicitement ; que, par suite et dès lors que le juge n'est jamais tenu de répondre à tous les arguments soulevés à l'appui d'un moyen, le tribunal a pu s'abstenir de répondre au grief tiré de ce que les accusations portées contre l'adjoint-animateur n'émanent pas de collègues directement présents ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la mesure de révocation :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 :
" Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...). " ; qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Quatrième groupe : (...) la révocation. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des comptes-rendus d'entretiens d'évaluation de M. C...que ce dernier professait, tant devant les enfants et leurs parents que devant ses collègues, une doctrine religieuse à caractère parascientifique portant, entre autres, sur le parcours de l'âme après la mort ; que dans le cadre de cette doctrine, il présentait comme étant des vérités établies la provenance planétaire des enfants, la désexualisation des êtres humains ou encore l'imminence de la fin du monde ; qu'il résulte des courriers adressés par plusieurs parents des enfants qu'encadrait M. C...et de la protestation intitulée " La Censure ", adressée par l'intéressé lui-même au maire de Sceaux le
9 décembre 2010 que ce type de discours parvenait à susciter l'intérêt et à emporter l'adhésion de certains enfants ; qu'il découle enfin du témoignage d'une mère d'élève exerçant la profession de journaliste que l'intéressé a tenté d'obtenir l'appui de celle-ci afin de diffuser dans la presse ses " recherches " sur de nouvelles thérapies contre le cancer ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exactitude du grief relatif au comportement du requérant envers les enfants, les faits de prosélytisme sur lesquels est fondée la révocation de celui-ci sont établis de manière certaine ;
6. Considérant que le principe de liberté de conscience, découlant de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, repris par la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble des agents du service de l'enseignement public, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions d'enseignement ; que s'ils bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;
7. Considérant, d'une part, que les agissements de M. C...et la manière dont il a utilisé ses fonctions d'animateur-adjoint pour diffuser ses convictions révèlent un prosélytisme actif dans le service public de l'éducation; qu'ils caractérisent ainsi un manquement aux obligations de neutralité et de réserve imposées à tout fonctionnaire, particulièrement grave s'agissant d'un agent en relation avec de jeunes enfants ; que, d'autre part, en persistant dans ces agissements et en protestant contre les rappels à ses obligations, M. C...a également fait acte de désobéissance ; qu'en raison de la gravité de ces fautes et sans que leur auteur puisse utilement se prévaloir des qualités qu'il montrait par ailleurs dans sa manière de servir, la sanction de révocation qui lui a été infligée, n'est pas disproportionnée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se référer aux écritures en défense de la commune de Sceaux enregistrées le 10 juin 2016,
M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sceaux, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. C...d'une somme en remboursement des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Sceaux sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sceaux sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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