CAA de NANTES, 1ère chambre, 21/04/2016, 14NT02617, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 1ère chambre, 21/04/2016, 14NT02617, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 1ère chambre
- N° 14NT02617
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
21 avril 2016
- Président
- Mme AUBERT
- Rapporteur
- M. Thurian JOUNO
- Avocat(s)
- SELARL EVOLIS AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) DGB a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de la décharger du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 et de l'intérêt de retard correspondant, d'un montant total de 331 892 euros, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1104939 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge ainsi demandée et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2014, 18 mai et 20 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 juin 2014 ;
2°) de remettre à la charge de la SCI DGB le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et l'intérêt de retard déchargés par le tribunal administratif.
Le ministre soutient que :
- la vente du complexe hôtelier par la SCI Gross et par la SAS Gross Hôtels était parfaite dès le 9 avril 2008, date du jugement du tribunal de commerce de Libourne ; elle a été réalisée au profit de la SAS Alian ; la procédure de liquidation judiciaire de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels a visé à transmettre l'activité des deux entreprises par la cession globale de leurs droits et de leurs biens ; l'acte de cession du 9 juillet 2008 comprenait une clause d'indivisibilité, qui impliquait que la SA Alian, auteur de l'offre de reprise de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels, et les sociétés s'étant substituées à elle, dont la SCI DGB, étaient solidaires ; il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que chaque opération de cession, réalisée au profit de SCI du Domaine, de la SCI DGB et de la SAS Hôtel Grand Barrail, doit être appréciée de manière individuelle et indépendante ; de l'appréciation globale de ces circonstances, il résulte que l'opération s'inscrit dans le cadre de la transmission d'une universalité totale de biens, dispensée de taxe sur la valeur ajoutée par application de l'article 257 bis du code général des impôts ;
- quand bien même il conviendrait d'analyser distinctement chacune des opérations de cession réalisées au profit de la SCI du Domaine, de la SCI DGB et de la SAS Hôtel Grand Barrail, le transfert par la SAS Gross Hôtels à la SCI DGB des droits du preneur d'un bail à construction dont le terme est le 1er juillet 2022, constituerait pour le moins une transmission d'une universalité partielle de biens, dès lors que la SCI DGB a conclu un bail commercial avec la SAS Hôtel Grand Barrail, portant sur les immeubles faisant l'objet du bail à construction, et que la SA Alian et les trois sociétés qui s'y sont substituées sont solidaires ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait et de dénaturation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2014 et 24 septembre 2015, la SCI DGB, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 novembre 2003, C-497/01 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 novembre 2011, C-444/10, et du 30 mai 2013, C-651/11 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SCI DGB.
1.
Considérant que, par acte du 17 juillet 1992, la société civile immobilière (SCI) Gross a donné un immeuble situé à Saint-Emilion (Gironde), dénommé " château Grand Barrail ", ainsi que son terrain d'assiette, à bail à construction à la société par actions simplifiée (SAS) Gross Hôtels, qui y exploitait un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration ; que, par deux jugements du 26 juin 2006, le tribunal de commerce de Libourne a ouvert des procédures de sauvegarde à l'égard de ces deux sociétés ; qu'après la conversion de ces procédures de sauvegarde en procédures de redressement judiciaire, le tribunal de commerce a, par un jugement du 17 décembre 2007 confirmé en appel, ordonné la jonction de ces procédures et a prononcé la liquidation judiciaire des deux sociétés ; que, le 25 mars 2008, la société anonyme (SA) Alian a déposé une offre de reprise de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels ; que, par un jugement du 9 avril 2008, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de ces deux sociétés au profit de la SA Alian et autorisé qu'à cette société soit substituée " toute personne physique ou morale " choisie par elle ;
2. Considérant qu'à la SA Alian se sont substituées trois sociétés nouvellement créées, relevant du même groupe, la SCI du Domaine, la SCI DGB et la SAS Hôtel Grand Barrail ; que, par un premier acte du 9 juillet 2008, la SCI du Domaine a acquis de la SCI Gross le terrain grevé du bail à construction ; que, par un deuxième acte du même jour, la SCI DGB a acquis de la SAS Gross Hôtels les droits du preneur à bail à construction et, notamment, le droit de propriété sur les constructions édifiées en vertu de ce bail jusqu'au terme de celui-ci, le 1er juillet 2022 ; qu'enfin, par un troisième acte du même jour, la SAS Hôtel Grand Barrail a acquis le fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration de la SAS Gross Hôtels ; que ces actes comportaient tous une clause d'indivisibilité, laquelle stipulait que l'existence d'actes distincts est " une division purement formelle " qui " ne doit pas avoir pour conséquence d'éluder le caractère unitaire de la cession d'entreprise " ;
3. Considérant que l'acte du 9 juillet 2008, conclu entre la SCI DGB et la SAS Gross Hôtels, rectifié le 8 octobre 2008, mentionnait, comme prix de cession des actifs immobiliers de cette SAS, la somme de 5 000 000 euros toutes taxes comprises et précisait que les droits de taxe sur la valeur ajoutée s'élevaient à 331 041,67 euros ;
4. Considérant qu'en 2009, la SCI DGB a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe mentionnée dans l'acte de vente rectifié au motif que l'opération dont elle grevait le prix avait été réalisée à l'occasion de la transmission d'une universalité de biens entre redevables de la taxe et était ainsi dispensée de celle-ci par application des dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts ; qu'il en a résulté, après dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant, intérêt de retard compris, de 331 892 euros ; qu'après le rejet de sa réclamation, la SCI DGB a demandé la décharge de cette somme devant le tribunal administratif de Rennes ; que, par le jugement attaqué, dont le ministre des finances et des comptes publics relève appel, ce tribunal a fait droit à cette demande ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1378 ter du code général des impôts : " Les mutations de toute nature qui ont pour objet, en matière de bail à construction, les droits du bailleur ou du preneur sont assujetties aux dispositions fiscales applicables aux mutations d'immeubles. " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 7° Les opérations concourant (...) à la livraison d'immeubles. (...) " ; que, toutefois, dans sa rédaction applicable, l'article 257 bis du code général des impôts, pris pour l'adaptation de la législation nationale aux dispositions de l'article 5, paragraphe 8, de la directive du Conseil du 17 mai 1977, reprises à l'article 19, 1er alinéa, de la directive du Conseil du 28 novembre 2006, dispose que : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées [au] 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment des arrêts du 27 novembre 2003, C-497/01 et du 10 novembre 2011, C-444/10, que la notion de transmission d'une universalité totale ou partielle de biens couvre le transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d'entreprise susceptible de poursuivre, de manière durable, une activité économique autonome ; qu'en outre, il résulte de l'arrêt du 30 mai 2013, C-651/11, point 47, qu'en cas de cessions concomitantes de divers éléments d'actifs d'une même entreprise, il convient d'apprécier distinctement, pour chacune de ces cessions, si elle constitue la transmission d'une universalité de biens ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il résulte des énonciations du point 2, la SA Alian, au profit de laquelle le plan de cession a été arrêté, n'a pas elle-même acquis les actifs transmis dans le cadre de ce plan ; que le ministre n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir, ainsi qu'il le fait à titre principal, de l'existence de la transmission d'une universalité totale de biens au profit de cette société ;
8. Considérant, en second lieu, que le ministre se prévaut, à titre subsidiaire, de la transmission d'une universalité partielle de biens au profit de la SCI DGB ; qu'ainsi qu'il a été dit, par acte du 9 juillet 2008 rectifié le 8 octobre 2008, la SAS Gross Hôtels, qui était preneuse d'un bail à construction portant sur le château Grand Barrail et exploitait dans cet immeuble un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration, a cédé à la SCI DGB, conformément à la faculté qui lui était ouverte par l'article L. 251-3 du code de la construction et de l'habitation, les droits de bail dont elle disposait ; que ces seuls droits de bail n'étaient pas de nature à permettre la poursuite, de manière autonome, de l'activité économique d'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration, qui, antérieurement à la cession, était celle de la SAS Gross Hôtels ; qu'il n'est, d'ailleurs, pas contesté que, postérieurement à cette cession, l'activité économique de la SCI DGB était seulement de donner à bail commercial l'immeuble acquis ; que, par suite, la cession intervenue le 9 juillet 2008 n'avait pas, au sens et pour l'application de l'article 257 bis du code général des impôts, le caractère d'une transmission d'une universalité partielle de biens ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SCI DGB au titre de la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 et de l'intérêt de retard correspondant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI DGB et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SCI DGB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) DGB et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 avril 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02617
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) DGB a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de la décharger du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 et de l'intérêt de retard correspondant, d'un montant total de 331 892 euros, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1104939 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge ainsi demandée et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2014, 18 mai et 20 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 juin 2014 ;
2°) de remettre à la charge de la SCI DGB le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et l'intérêt de retard déchargés par le tribunal administratif.
Le ministre soutient que :
- la vente du complexe hôtelier par la SCI Gross et par la SAS Gross Hôtels était parfaite dès le 9 avril 2008, date du jugement du tribunal de commerce de Libourne ; elle a été réalisée au profit de la SAS Alian ; la procédure de liquidation judiciaire de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels a visé à transmettre l'activité des deux entreprises par la cession globale de leurs droits et de leurs biens ; l'acte de cession du 9 juillet 2008 comprenait une clause d'indivisibilité, qui impliquait que la SA Alian, auteur de l'offre de reprise de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels, et les sociétés s'étant substituées à elle, dont la SCI DGB, étaient solidaires ; il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que chaque opération de cession, réalisée au profit de SCI du Domaine, de la SCI DGB et de la SAS Hôtel Grand Barrail, doit être appréciée de manière individuelle et indépendante ; de l'appréciation globale de ces circonstances, il résulte que l'opération s'inscrit dans le cadre de la transmission d'une universalité totale de biens, dispensée de taxe sur la valeur ajoutée par application de l'article 257 bis du code général des impôts ;
- quand bien même il conviendrait d'analyser distinctement chacune des opérations de cession réalisées au profit de la SCI du Domaine, de la SCI DGB et de la SAS Hôtel Grand Barrail, le transfert par la SAS Gross Hôtels à la SCI DGB des droits du preneur d'un bail à construction dont le terme est le 1er juillet 2022, constituerait pour le moins une transmission d'une universalité partielle de biens, dès lors que la SCI DGB a conclu un bail commercial avec la SAS Hôtel Grand Barrail, portant sur les immeubles faisant l'objet du bail à construction, et que la SA Alian et les trois sociétés qui s'y sont substituées sont solidaires ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait et de dénaturation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2014 et 24 septembre 2015, la SCI DGB, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 novembre 2003, C-497/01 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 novembre 2011, C-444/10, et du 30 mai 2013, C-651/11 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SCI DGB.
1.
Considérant que, par acte du 17 juillet 1992, la société civile immobilière (SCI) Gross a donné un immeuble situé à Saint-Emilion (Gironde), dénommé " château Grand Barrail ", ainsi que son terrain d'assiette, à bail à construction à la société par actions simplifiée (SAS) Gross Hôtels, qui y exploitait un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration ; que, par deux jugements du 26 juin 2006, le tribunal de commerce de Libourne a ouvert des procédures de sauvegarde à l'égard de ces deux sociétés ; qu'après la conversion de ces procédures de sauvegarde en procédures de redressement judiciaire, le tribunal de commerce a, par un jugement du 17 décembre 2007 confirmé en appel, ordonné la jonction de ces procédures et a prononcé la liquidation judiciaire des deux sociétés ; que, le 25 mars 2008, la société anonyme (SA) Alian a déposé une offre de reprise de la SCI Gross et de la SAS Gross Hôtels ; que, par un jugement du 9 avril 2008, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de ces deux sociétés au profit de la SA Alian et autorisé qu'à cette société soit substituée " toute personne physique ou morale " choisie par elle ;
2. Considérant qu'à la SA Alian se sont substituées trois sociétés nouvellement créées, relevant du même groupe, la SCI du Domaine, la SCI DGB et la SAS Hôtel Grand Barrail ; que, par un premier acte du 9 juillet 2008, la SCI du Domaine a acquis de la SCI Gross le terrain grevé du bail à construction ; que, par un deuxième acte du même jour, la SCI DGB a acquis de la SAS Gross Hôtels les droits du preneur à bail à construction et, notamment, le droit de propriété sur les constructions édifiées en vertu de ce bail jusqu'au terme de celui-ci, le 1er juillet 2022 ; qu'enfin, par un troisième acte du même jour, la SAS Hôtel Grand Barrail a acquis le fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration de la SAS Gross Hôtels ; que ces actes comportaient tous une clause d'indivisibilité, laquelle stipulait que l'existence d'actes distincts est " une division purement formelle " qui " ne doit pas avoir pour conséquence d'éluder le caractère unitaire de la cession d'entreprise " ;
3. Considérant que l'acte du 9 juillet 2008, conclu entre la SCI DGB et la SAS Gross Hôtels, rectifié le 8 octobre 2008, mentionnait, comme prix de cession des actifs immobiliers de cette SAS, la somme de 5 000 000 euros toutes taxes comprises et précisait que les droits de taxe sur la valeur ajoutée s'élevaient à 331 041,67 euros ;
4. Considérant qu'en 2009, la SCI DGB a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe mentionnée dans l'acte de vente rectifié au motif que l'opération dont elle grevait le prix avait été réalisée à l'occasion de la transmission d'une universalité de biens entre redevables de la taxe et était ainsi dispensée de celle-ci par application des dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts ; qu'il en a résulté, après dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant, intérêt de retard compris, de 331 892 euros ; qu'après le rejet de sa réclamation, la SCI DGB a demandé la décharge de cette somme devant le tribunal administratif de Rennes ; que, par le jugement attaqué, dont le ministre des finances et des comptes publics relève appel, ce tribunal a fait droit à cette demande ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1378 ter du code général des impôts : " Les mutations de toute nature qui ont pour objet, en matière de bail à construction, les droits du bailleur ou du preneur sont assujetties aux dispositions fiscales applicables aux mutations d'immeubles. " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 7° Les opérations concourant (...) à la livraison d'immeubles. (...) " ; que, toutefois, dans sa rédaction applicable, l'article 257 bis du code général des impôts, pris pour l'adaptation de la législation nationale aux dispositions de l'article 5, paragraphe 8, de la directive du Conseil du 17 mai 1977, reprises à l'article 19, 1er alinéa, de la directive du Conseil du 28 novembre 2006, dispose que : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées [au] 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment des arrêts du 27 novembre 2003, C-497/01 et du 10 novembre 2011, C-444/10, que la notion de transmission d'une universalité totale ou partielle de biens couvre le transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d'entreprise susceptible de poursuivre, de manière durable, une activité économique autonome ; qu'en outre, il résulte de l'arrêt du 30 mai 2013, C-651/11, point 47, qu'en cas de cessions concomitantes de divers éléments d'actifs d'une même entreprise, il convient d'apprécier distinctement, pour chacune de ces cessions, si elle constitue la transmission d'une universalité de biens ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il résulte des énonciations du point 2, la SA Alian, au profit de laquelle le plan de cession a été arrêté, n'a pas elle-même acquis les actifs transmis dans le cadre de ce plan ; que le ministre n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir, ainsi qu'il le fait à titre principal, de l'existence de la transmission d'une universalité totale de biens au profit de cette société ;
8. Considérant, en second lieu, que le ministre se prévaut, à titre subsidiaire, de la transmission d'une universalité partielle de biens au profit de la SCI DGB ; qu'ainsi qu'il a été dit, par acte du 9 juillet 2008 rectifié le 8 octobre 2008, la SAS Gross Hôtels, qui était preneuse d'un bail à construction portant sur le château Grand Barrail et exploitait dans cet immeuble un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration, a cédé à la SCI DGB, conformément à la faculté qui lui était ouverte par l'article L. 251-3 du code de la construction et de l'habitation, les droits de bail dont elle disposait ; que ces seuls droits de bail n'étaient pas de nature à permettre la poursuite, de manière autonome, de l'activité économique d'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration, qui, antérieurement à la cession, était celle de la SAS Gross Hôtels ; qu'il n'est, d'ailleurs, pas contesté que, postérieurement à cette cession, l'activité économique de la SCI DGB était seulement de donner à bail commercial l'immeuble acquis ; que, par suite, la cession intervenue le 9 juillet 2008 n'avait pas, au sens et pour l'application de l'article 257 bis du code général des impôts, le caractère d'une transmission d'une universalité partielle de biens ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SCI DGB au titre de la période du 30 juin 2008 au 30 juin 2009 et de l'intérêt de retard correspondant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI DGB et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SCI DGB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) DGB et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 avril 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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