Conseil d'État, 9ème - 10ème SSR, 09/03/2016, 385265, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Fimipar a demandé au tribunal administratif de Montreuil le remboursement de la créance née du report en arrière de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2001. Par un jugement n° 1201493 du 23 mai 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13VE02399 du 8 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Fimipar contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2014 et 21 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fimipar demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Fimipar ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 sexies, 44 septies et 207 à 208 sexies ou qui ont bénéficié des dispositions du premier alinéa du f du I de l'article 219 ou qui ont ouvert droit au crédit d'impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen d'avoirs fiscaux ou de crédits d'impôts. Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209. / (...) L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance d'égal montant. La constatation de cette créance, qui n'est pas imposable, améliore les résultats de l'entreprise et contribue au renforcement des fonds propres. / La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. Toutefois, l'entreprise peut utiliser la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au même code : " I. L'entreprise qui exerce l'option prévue au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts doit joindre à la déclaration de résultat de l'exercice au titre duquel cette option a été exercée une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration. (...) / II. En cas d'utilisation de la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés ou de cession dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article précité, l'entreprise doit produire l'état de suivi qui lui a été remis, à sa demande, par l'administration. " ;

2. Considérant qu'en application de ces dispositions, la société Fimipar a opté, le 18 juin 2002, pour le report en arrière de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2001, faisant ainsi naître une créance sur le Trésor ; que, n'ayant pas utilisé cette créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours des cinq années suivant celle de la clôture de cet exercice, elle en a sollicité le remboursement le 23 novembre 2011 ; que l'administration fiscale a rejeté cette demande au motif qu'elle était tardive au regard du délai de réclamation fixé par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la société Fimipar se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juillet 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 23 mai 2013 rejetant sa demande tendant au remboursement de cette créance ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 220 quinquies du code général des impôts et de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III à ce code que la créance née du report en arrière d'un déficit doit être spontanément remboursée par l'administration, pour la fraction non utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés, au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option a été exercée ; que, dans l'hypothèse où l'administration ne s'acquitte pas de cette obligation, il appartient au contribuable, dans le délai de prescription quadriennale prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, de lui présenter une demande tendant à ce remboursement et, en cas de rejet de cette demande, de porter devant le juge de plein contentieux le litige né de ce rejet ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le remboursement d'une telle créance était subordonné à la présentation d'une réclamation contentieuse distincte de la déclaration d'option effectuée par le contribuable, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le pourvoi, être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société Fimipar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 8 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société Fimipar une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Fimipar et au ministre des finances et des comptes publics.

ECLI:FR:CESSR:2016:385265.20160309
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