Conseil d'État, 1ère - 6ème SSR, 24/02/2016, 383079

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2011 par lequel le maire de la commune de Pia a accordé un permis d'aménager à la SARL G.D.D. Par un jugement n° 1200511 du 24 mai 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son déféré.

Par un arrêt n° 12MA02829 du 27 mai 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel du préfet des Pyrénées-Orientales, a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du maire de Pia du 7 novembre 2011.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet 2014, 22 septembre 2014 et 31 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Pia demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Pia ;





1. Considérant que les sociétés Juanchich Lotissement et Juanchich Immobilier, bénéficiaires du permis d'aménager en litige en vertu d'un arrêté du maire de Pia du 3 janvier 2012, auraient eu qualité, à défaut d'intervention de leur part devant la cour administrative d'appel de Marseille, pour former tierce opposition contre l'arrêt de cette cour du 27 mai 2014 qui, accueillant l'appel du préfet des Pyrénées-Orientales, a annulé le permis d'aménager ; qu'elles auraient, par suite, eu qualité pour former un pourvoi en cassation contre cet arrêt ; que le mémoire qu'elles ont produit sous la dénomination d'intervention, à la suite de la communication du pourvoi de la commune de Pia qui leur a été faite par le Conseil d'Etat et après l'expiration du délai de pourvoi en cassation, constitue de simples observations ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, relatif aux plans locaux d'urbanisme, dans sa rédaction applicable au permis d'aménager en litige : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée (...) pour la création de lotissements (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 442-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 421-2 et R. 421-19 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors applicable, les lotissements qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire doivent être précédés d'un permis d'aménager lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu'ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ; qu'aux termes de l'article L. 442-3 du même code : " Les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager doivent faire l'objet d'une déclaration préalable " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 de ce code : " Le permis (...) d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique " ; qu'aux termes de l'article L. 442-11 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'approbation d'un plan local d'urbanisme (...) intervient postérieurement au permis d'aménager un lotissement (...), l'autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, pour les mettre en concordance avec le plan local d'urbanisme (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 442-6 du même code, relatif au contenu de la demande de permis d'aménager un lotissement : " Le dossier de la demande est, s'il y a lieu, complété par les pièces suivantes : / a) Un projet de règlement, s'il est envisagé d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur (...) " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière ; qu'il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, relatif au règlement des plans locaux d'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. / A ce titre, le règlement peut : / (...) 16° Délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d'un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des catégories de logements qu'il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale (...) " ; que l'article 3NA2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Pia relatif aux types d'occupation ou d'utilisation des sols soumis à conditions spéciales prévoit que l'urbanisation de la zone 3 NA est subordonnée à la mise en oeuvre d'une ou plusieurs opérations d'aménagement d'ensemble et dispose que : " Les programmes de logement comportant au moins 3 logements doivent prévoir un quota minimal de 30 % de logements sociaux " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'appui de sa demande de permis d'aménager, la SARL G.D.D. a joint le règlement du lotissement qui précisait, en ses articles 1.3 et 2.2, que celui-ci, composé de 124 lots, est " réservé à l'habitation individuelle " et que sa réalisation " est envisagée en une seule tranche de travaux " ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions du 16° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme étaient opposables à cette demande de permis d'aménager et que, faute pour le règlement du lotissement d'avoir prévu des dispositions permettant d'assurer, conformément au dernier alinéa de l'article 3NA2 du plan d'occupation des sols de la commune, la construction d'un minimum de 30 % de logements locatifs sociaux, le permis d'aménager délivré par le maire de Pia était illégal ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Pia n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mai 2014 ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; que les dispositions de cet article font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par les sociétés Juanchich Lotissement et Juanchich Immobilier qui, appelées dans la cause pour produire de simples observations, n'ont pas la qualité de partie à la présente instance ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Pia est rejeté.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Juanchich Lotissement et Juanchich Immobilier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Pia, à la société Juanchich Lotissement, à la société Juanchich Immobilier et à la ministre du logement et de l'habitat durable.

ECLI:FR:XX:2016:383079.20160224
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