CAA de MARSEILLE, 1ère chambre - formation à 3, 29/10/2015, 13MA03767, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 28 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté sa demande de retrait de la délibération en date du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal a adopté la révision de son plan local d'urbanisme, ainsi que d'annuler cette délibération.

Par un jugement n° 1203154 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2013 et 29 mai 2015, M. B..., représenté par la société d'avocats Ricard, Demeure et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 juillet 2013 ;

2°) d'annuler , d'une part, la décision en date du 28 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté sa demande de retrait de la délibération en date du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal a adopté le plan local d'urbanisme et, d'autre part, cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la délibération prescrivant la révision du plan local d'urbanisme n'a fixé que des objectifs très limités au regard des objectifs réellement poursuivis tels qu'ils sont fixés par le projet d'aménagement et de développement durable, sans délibération du conseil municipal, qui ne pouvaient être pris en compte postérieurement à cette délibération et qui n'ont pas fait l'objet d'une concertation ;
- le projet de révision du plan local d'urbanisme a été modifié par la commune au cours de l'enquête publique, et ces modifications ont été adoptées par le conseil municipal en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ;
- la note explicative de synthèse est insuffisante ;
- le classement de son terrain en zone d'aléa fort de feu de forêt révèle une erreur manifeste d'appréciation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2014 et 1er juin 2015, la commune de Saint-Raphaël, représentée par la société d'avocatsD..., Bouteiller avocats associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle est identique à la demande de première instance ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un courrier du 30 avril 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 23 septembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gonneau, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substitutant MeD..., représentant la commune de Saint-Raphaël.

Une note en délibéré présentée par la commune de Saint-Raphaël a été enregistrée le 9 octobre 2015.

1. Considérant que M. B... a demandé, par lettre reçue le 30 août 2012, au maire de la commune de Saint-Raphaël de faire retirer par le conseil municipal la délibération du 28 juin 2012 par laquelle avait été adoptée la première révision du plan local d'urbanisme ; que M. B... interjette appel du jugement du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation d'une part, de la décision du 28 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté sa demande, et d'autre part, de la délibération du 28 juin 2012 ;

Sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Raphaël, la requête ne se borne pas à reprendre dans les mêmes termes la demande de première instance, et comporte une critique du jugement attaqué ; que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée ;

Sur la légalité de la délibération du 28 juin 2012 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le conseil municipal (...) délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées (...) avant : a) Toute élaboration ou révision (...) du plan local d'urbanisme ; (...) Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées (...)." ;

4. Considérant que le conseil municipal de la commune de Saint-Raphaël a, lors de sa séance du 23 juin 2008, prescrit la révision du plan local d'urbanisme en fixant comme objectifs la modification du zonage du secteur UE, boulevard Delli-Zotti, l'élaboration d'un schéma d'aménagement de la zone 2AU de Montrouge et l'élaboration d'un schéma d'aménagement du bord de mer entre les zones UG du vieux port et du port Santa-Lucia et a déterminé les modalités de la concertation ;

5. Considérant que le projet d'aménagement et de développement durable élaboré dans le cadre de cette révision porte sur une plus grande utilisation du massif de l'Estérel, le réaménagement du vieux port et des accès au littoral, la protection du patrimoine paysager, les problèmes de renouvellement urbain, de logements sociaux et résidences secondaires et les accès et la circulation dans le centre ville ; que les objectifs de la révision tels que délibérés se révèlent ainsi sans mesure avec le contenu du projet d'aménagement et de développement durable dès lors que l'objectif d'élaboration d'un schéma d'aménagement du bord de mer se retrouve sous l'appellation " protéger les caractéristiques de la littoralité " avec le sous-objectif 4 : " animer et qualifier la façade urbaine littorale du centre ville " où " l'aménagement d'espaces publics de qualité, intégrant des modes doux, est également envisagé pour assurer une continuité piétonne paysagère et balnéaire entre le vieux port et le port de Santa-Lucia " et que l'objectif d'élaboration d'un schéma d'aménagement de la zone 2AU de Montrouge est cité, parmi d'autres, dans le sous-objectifs 2 " compléter l'enveloppe urbanisée ", objectif B " opter pour un développement solidaire " dans l'item " choisir un développement maitrisé et solidaire " ; que les objectifs de la révision du plan local d'urbanisme sont, de fait, ceux ultérieurement révélés par le projet d'aménagement et de développement durable et n'ont pas fait l'objet d'une délibération du conseil municipal, dès lors que le seul débat, sans vote, qui s'est tenu sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durable le 29 mars 2010, ne peut en tenir lieu ;

6. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

7. Considérant que les objectifs de la révision du plan local d'urbanisme n'ont, d'une part, pas été présentés et soumis comme tels à la concertation publique et n'ont, d'autre part, pas été notifiés aux personnes publiques associés à la procédure ; que l'irrégularité analysée au point 4 a dès lors privé tant le public que les personnes publiques associés d'une garantie, et entache par suite d'illégalité la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a écarté son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " (...) le conseil municipal arrête le projet de plan local d'urbanisme. Celui-ci est alors soumis pour avis aux personnes publiques associées à son élaboration ainsi que, à leur demande, aux communes limitrophes, aux établissements publics de coopération intercommunale directement intéressés, à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'à l'établissement public chargé d'un schéma de cohérence territoriale dont la commune est limitrophe, lorsqu'elle n'est pas couverte par un tel schéma. Ces personnes et cette commission donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan ; à défaut, ces avis sont réputés favorables. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-10 du même code : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique (...) par le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. Après l'enquête publique (...), le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération (...) du conseil municipal. " ;

9. Considérant qu'il est toujours loisible à l'autorité compétente de modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête ; que, toutefois, ces dispositions qui attribuent au seul conseil municipal la compétence pour arrêter le plan soumis à l'enquête publique, et l'approuver ensuite après modifications éventuelles, dans les conditions ci-dessus rappelées, font obstacle à ce que le maire en cette qualité propose au cours de l'enquête toute modification du projet soumis, dans l'état adopté par le conseil municipal, à cette enquête ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Saint-Raphaël a proposé, le 19 mars 2012, jour de l'ouverture de l'enquête publique, des modifications au projet de plan local d'urbanisme, visant l'article 6 des zones UC et UD, le règlement de la zone UAb comprise entre les boulevards des Anglais et San-Sebastian, le déplacement d'un emplacement réservé et la création de deux emplacements réservés ; que ces modifications, proposées irrégulièrement par le maire et ne procédant pas de l'enquête, ont été adoptées par le conseil municipal par la délibération du 28 juin 2012 en litige ;

11. Considérant que le vice de procédure, dont il appartient à la cour d'apprécier la portée selon le principe rappelé au point 6, et qui tient en l'espèce à la proposition par le maire au cours de l'enquête publique de modifications du document d'urbanisme, adoptées par la suite par le conseil municipal, a pour effet d'altérer le contenu même de la délibération et l'entache donc d'illégalité ; qu'au surplus, si en l'espèce les propositions de modifications formulées par le maire ont été de fait soumises au public dès lors qu'elles étaient annexées pendant toute la durée de l'enquête au dossier de celle-ci, ces modifications n'ont pas été soumises à l'examen des personnes publiques associées ou des personnes intéressées visées par l'article L. 123-9 précité, cette circonstance privant ainsi le public de la garantie constituée par ces avis ;

12. Considérant, en dernier lieu, que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen soulevé tant en première instance qu'en appel n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de la délibération contestée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Raphaël a adopté la révision du plan local d'urbanisme et de la décision du maire du 28 septembre 2012 refusant de faire procéder au retrait de cette délibération ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Saint-Raphaël au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1203154 du 18 juillet 2013 du tribunal administratif de Toulon, la délibération en date du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal a révisé le plan local d'urbanisme et la décision en date du 28 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté la demande de retrait de cette délibération sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Raphaël versera à M. B... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la commune de Saint-Raphaël.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Josset, présidente assesseure,
M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.
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N° 13MA03767



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