Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 07/10/2015, 392492, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du commandant de la région de gendarmerie Provence-Alpes-Côte d'Azur décidant sa mutation d'office à la brigade de proximité des Mées à compter du 1er aout 2015 et, d'autre part, de le rétablir dans ses fonctions antérieures.

Par une ordonnance n° 1505541 du 23 juillet 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la défense, notamment son article L. 4121-5 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de M. A...B...;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que M.B..., adjudant-chef de gendarmerie affecté au peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie Montagne de Gap (Hautes-Alpes) en qualité de commandant d'unité, a fait l'objet, le 9 juillet 2015, d'une décision de mutation d'office à la brigade de proximité des Mées (Alpes-de-Haute-Provence) en qualité de commandant de brigade ; qu'après avoir, le 17 juillet 2015, saisi la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, d'un recours tendant à l'annulation de cette décision, il a, le 20 juillet 2015, saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la suspension de son exécution ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé sa demande irrecevable et l'a rejetée ;

3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ;

4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé la demande de M. B...irrecevable au motif que le requérant n'avait pas formé de recours en annulation contre cette décision ; que ce faisant, le juge a commis une erreur de droit dès lors que le recours contre cette décision devait faire l'objet d'un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, et que la recevabilité de la demande de suspension était subordonnée non à l'existence d'un recours au fond, mais, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, à l'exercice de ce recours administratif préalable ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...avait saisi cette commission avant la saisine du juge des référés d'une demande de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant que les moyens invoqués par M. B...à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que la décision de mutation d'office serait entachée d'un vice de procédure, faute qu'il ait été procédé à la consultation préalable du bureau du contentieux et de la protection juridique, de ce que le rapport du 21 mai 2015 serait insuffisamment motivé, faute de préciser les circonstances de lieu et de temps exactes des faits allégués, de ce qu'il serait entaché d'une inexactitude matérielle des faits dès lors que les entraînements instaurés par le requérant sont conformes aux enseignements dispensés en matière d'intervention professionnelle au sein des écoles de gendarmerie en matière d'instruction avec armes et sans arme, de ce que la mesure de mutation d'office serait entachée d'un détournement de procédure, dès lors qu'elle a le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, de ce que ladite mesure serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une inexactitude matérielle des faits dès lors qu'elle a été prise alors même qu'aucune atteinte durable au fonctionnement du service ne la justifiait et, enfin, de ce qu'elle porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article L. 4121-5 du code de la défense et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision critiquée ;

7. Considérant que l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille doit être rejetée ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du ministre de la défense qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;






D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 23 juillet 2015 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B....
Copie en sera adressée pour information au ministre de la défense.

ECLI:FR:CESJS:2015:392492.20151007
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