Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 14/02/2014, 368220, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 14/02/2014, 368220, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 1ère sous-section jugeant seule
- N° 368220
- ECLI:FR:CESSR:2014:368220.20140214
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
14 février 2014
- Rapporteur
- M. Rémi Decout-Paolini
- Avocat(s)
- SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU LA PROCEDURE SUIVANTE :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la délibération du 13 février 2013 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section B nos 1025, 1046, 1048, 1756, 1759, 1998 et 473 situées au lieu-dit " Champs Layssuz Est " sur le territoire de la commune d'Etrembières (Haute-Savoie).
Par une ordonnance n° 1301386 du 15 avril 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 17 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 1301386 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2013 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2014, M. A...conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de M.A... ;
CONSIDERANT CE QUI SUIT :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur l'appréciation de l'urgence :
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, au vu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. En premier lieu, la circonstance que le compromis de vente conclu entre M. A... et la société VLD Holding comportait une clause de caducité en cas d'exercice du droit de préemption n'était pas de nature, par elle-même, à priver de tout caractère d'urgence la suspension de la décision de préemption, cette clause ne faisant pas obstacle à ce que, d'un commun accord, les parties poursuivent la vente. Par suite, le juge des référés, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'urgence justifiait la suspension demandée en dépit de la clause de caducité prévue par le compromis de vente.
4. En second lieu, en estimant que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie compte tenu de l'âge et de la situation financière de M.A..., qui avait trouvé un acquéreur disposé à lui payer le prix sans recours à l'emprunt, alors que la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération ne faisait état d'aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité de réaliser immédiatement le projet ayant motivé l'exercice du droit de préemption, le juge des référés, qui n'a pas renversé la charge de la preuve ni commis d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 521-1, a suffisamment motivé son ordonnance et s'est livré à une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
Sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...) / L'avis du service des domaines doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis du 30 octobre 2012, le service France Domaine avait estimé la valeur vénale de l'ensemble des 109 parcelles situées dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté des Bois d'Arve, dont les 7 parcelles de M.A..., à douze euros le mètre carré, et que la communauté d'agglomération n'a pas sollicité l'avis du service des domaines à la suite de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner reçue le 20 décembre 2012, faisant état d'un prix de vente de soixante euros le mètre carré pour les sept parcelles litigieuses.
7. Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de France Domaine, antérieur à la déclaration d'intention d'aliéner et ne portant pas précisément sur les parcelles concernées, paraissait, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération du 13 février 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2013 doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. M. A...n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros à verser à M. A...au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération est rejeté.
Article 2 : La communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération versera une somme de 3 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération et à M. B...A....
ECLI:FR:CESSR:2014:368220.20140214
Procédure contentieuse antérieure
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la délibération du 13 février 2013 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section B nos 1025, 1046, 1048, 1756, 1759, 1998 et 473 situées au lieu-dit " Champs Layssuz Est " sur le territoire de la commune d'Etrembières (Haute-Savoie).
Par une ordonnance n° 1301386 du 15 avril 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 17 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 1301386 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2013 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2014, M. A...conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de M.A... ;
CONSIDERANT CE QUI SUIT :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur l'appréciation de l'urgence :
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, au vu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. En premier lieu, la circonstance que le compromis de vente conclu entre M. A... et la société VLD Holding comportait une clause de caducité en cas d'exercice du droit de préemption n'était pas de nature, par elle-même, à priver de tout caractère d'urgence la suspension de la décision de préemption, cette clause ne faisant pas obstacle à ce que, d'un commun accord, les parties poursuivent la vente. Par suite, le juge des référés, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'urgence justifiait la suspension demandée en dépit de la clause de caducité prévue par le compromis de vente.
4. En second lieu, en estimant que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie compte tenu de l'âge et de la situation financière de M.A..., qui avait trouvé un acquéreur disposé à lui payer le prix sans recours à l'emprunt, alors que la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération ne faisait état d'aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité de réaliser immédiatement le projet ayant motivé l'exercice du droit de préemption, le juge des référés, qui n'a pas renversé la charge de la preuve ni commis d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 521-1, a suffisamment motivé son ordonnance et s'est livré à une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
Sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...) / L'avis du service des domaines doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis du 30 octobre 2012, le service France Domaine avait estimé la valeur vénale de l'ensemble des 109 parcelles situées dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté des Bois d'Arve, dont les 7 parcelles de M.A..., à douze euros le mètre carré, et que la communauté d'agglomération n'a pas sollicité l'avis du service des domaines à la suite de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner reçue le 20 décembre 2012, faisant état d'un prix de vente de soixante euros le mètre carré pour les sept parcelles litigieuses.
7. Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de France Domaine, antérieur à la déclaration d'intention d'aliéner et ne portant pas précisément sur les parcelles concernées, paraissait, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération du 13 février 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2013 doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. M. A...n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros à verser à M. A...au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération est rejeté.
Article 2 : La communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération versera une somme de 3 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération d'Annemasse - les Voirons - Agglomération et à M. B...A....