Conseil d'État, 3ème - 8ème - 9ème - 10ème SSR, 23/12/2013, 346018, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 21 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA04821 du 18 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de la société par action simplifiée Foncière du Rond Point, a annulé le jugement n° 0417162/2 du 9 juin 2009 du tribunal administratif de Paris et a déchargé cette société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 et 2000, ainsi que des pénalités dont ces impositions supplémentaires ont été assorties ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la société ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Foncière du Rond Point ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice. (...) " ; que lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de cet article limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants ;

2. Considérant que, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, conformément aux dispositions de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2004 qui y a ajouté un 4 bis, lorsqu'une entreprise a, au cours d'un exercice faisant l'objet d'une vérification, comptabilisé une perte tout en procédant à la reprise de la provision devenue sans objet qu'elle avait comptabilisée au titre d'un exercice antérieur en raison du caractère probable de cette perte, sans avoir tenu compte de la constitution de cette provision comptable pour la détermination du résultat fiscal de l'exercice concerné bien qu'aucune règle propre au droit fiscal n'y fît obstacle, l'administration fiscale est en droit de corriger la surestimation de l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice au cours duquel la perte a été constatée et la provision a été reprise dans les comptes, en y inscrivant cette provision afin de pouvoir ensuite tirer les conséquences de sa reprise pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice ; que la même omission, qui se retrouve dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, doit y être symétriquement corrigée, pour autant qu'elle ne revêt pas, pour le contribuable, un caractère délibéré ; que ces corrections successives entraînent chacune la modification du bilan d'ouverture de l'exercice dont le bilan de clôture a été modifié par la correction précédente, jusqu'à l'exercice au cours duquel la provision a été comptabilisée mais non prise en compte pour la détermination du résultat fiscal, dont le bilan d'ouverture demeure inchangé à l'issue de ces corrections ; que ces dernières demeurent toutefois sans incidence sur le bien-fondé du rehaussement des bases d'imposition de l'année au cours de laquelle la perte a été constatée lorsque le plus ancien des exercices concernés est prescrit;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière Saint-Augustin a constitué, dans ses écritures comptables au titre de l'année 1996, une provision de 16 000 000 francs destinée à couvrir la perte de valeur d'un immeuble dont elle était propriétaire ; qu'elle n'a pas déduit cette provision pour la détermination de son résultat fiscal ; qu'ayant procédé à la vente par lots de cet immeuble au cours des années 1998 et 1999, la société Saint-Augustin, dont le capital avait été acquis en quasi totalité par la société par actions simplifiée Foncière du Rond Point et qui était devenue une société en nom collectif, a repris, pour déterminer son résultat comptable, la provision constituée en 1996, à hauteur de 14 000 000 francs au titre de l'exercice clos en 1998 et de 2 000 000 francs au titre de celui clos en 1999, en n'intégrant pas ces reprises dans le calcul de son résultat fiscal ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Saint-Augustin, l'administration fiscale a estimé que la société aurait dû intégrer à son résultat fiscal les reprises de la provision ainsi pratiquées en 1998 et 1999 ; qu'elle a en conséquence rehaussé les résultats de la société Saint-Augustin, imposables entre les mains de son associée la société Foncière du Rond Point au titre des exercices clos en 1998 et en 2000, du fait de la diminution de son déficit de 1999 reporté sur l'exercice suivant ;

4. Considérant que pour décharger, par l'arrêt attaqué, la société Foncière du Rond Point des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt résultant de ce redressement, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la société Saint-Augustin pouvait, en l'absence de toute justification, décider de ne pas déduire, pour la détermination de son résultat fiscal, la provision constituée dans ses comptes en 1996 ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, l'arrêt attaqué doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi - lequel est au demeurant inopérant - être annulé ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée au titre de ces dispositions par la société Foncière du Rond Point ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 18 novembre 2010 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Foncière du Rond Point au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société par actions simplifiée Foncière du Rond Point.



ECLI:FR:XX:2013:346018.20131223
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