Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 20/11/2013, 340591, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance n° 10BX01208 du 10 juin 2010, enregistrée le 16 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par Mme B...A...;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 19 mai 2010, présentée par Mme B...A..., demeurant ... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901765 du 25 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à ce qu'il apprécie la légalité de la décision du 23 juin 2003 de l'inspecteur du travail de la Haute-Vienne autorisant la société UPC France à la licencier pour inaptitude et déclare que cette décision est entachée d'illégalité ;

2°) de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société NC Numéricable ;



1. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;

2. Considérant cependant que, si l'administration doit ainsi vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, la décision de l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, fasse valoir devant les juridictions compétentes les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'inspecteur n'a pas méconnu les dispositions du code du travail en ne recherchant pas si l'origine de l'inaptitude du salarié, qu'il a constatée, trouvait son origine dans un comportement fautif de l'employeur ; que le moyen tiré de ce que l'inaptitude de la requérante aurait son origine dans des faits de harcèlement moral est, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'employeur a recensé les postes à pourvoir dans la société, d'autre part, qu'ainsi que l'a estimé l'employeur après avoir consulté les services de la médecine du travail, aucun de ces postes n'était compatible avec les constatations du médecin du travail ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de reclassement ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'inspecteur du travail, qui a relevé que la requérante avait fait l'objet d'un avis d'inaptitude définitive à son poste de travail le 3 décembre 2003, qu'aucune possibilité de reclassement ne répondait aux constatations et aux prescriptions des services de la médecine du travail et que le licenciement n'était pas en lien avec le mandat, a suffisamment motivé sa décision ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société NC Numericable, qui vient aux droits de la société UPC France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société NC Numericable présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la société NC Numéricable.
Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

ECLI:FR:CESSR:2013:340591.20131120
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