Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 16/10/2013, 339822, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 21 mai 2010, 20 août 2010 et 5 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe d'Arthuys, demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT00192 du 22 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 07-3182 du 20 novembre 2008 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003, d'autre part, à la décharge des impositions litigieuses ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée notamment par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 ;

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Bereyziat, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. Philippe D'arthuys ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Philippe d'Arthuys, avocat au barreau de Paris exerçant à titre individuel, a apporté, à compter du 1er janvier 2002, l'intégralité de son cabinet à la société d'exercice libéral à forme anonyme Kimbrough et associés, dont il est devenu associé à hauteur de trois pour cent du capital ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur les années 2001 à 2003, l'administration fiscale lui a notifié divers redressements en matière, notamment, d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que M. d'Arthuys a ainsi été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de chacune de ces années ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, confirmant le jugement du 20 novembre 2008 du tribunal administratif de Nantes, a refusé de faire droit à ses conclusions en décharge de ces impositions ;

Sur la nature des revenus perçus par M.A... :

2. Considérant que M. A...soutient que la cour, en écartant son moyen d'appel tiré de ce que les revenus perçus de son activité d'avocat au cours des années 2002 et 2003 auraient dû être regardés, non comme des bénéfices non commerciaux, mais comme des salaires, a insuffisamment motivé son arrêt et inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale, ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales (...) " ; que l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié notamment par l'article 6 de la loi du 31 décembre 1990 ayant le même objet, dispose : " L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association (...), d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, qui n'était pas tenue de répondre aux moyens inopérants et dont l'arrêt est suffisamment motivé, a notamment relevé, en premier lieu, que la société Kimbrough et associés n'avait jamais établi de contrat de travail au nom du requérant ni manifesté son intention de soumettre l'intéressé au statut de salarié, en deuxième lieu, que le protocole d'accord conclu le 31 décembre 2001 entre la société et M. A...ne comportait, à l'exception du lieu d'exercice de l'activité d'avocat, aucune disposition organisant de façon contraignante les conditions de travail du contribuable, en troisième lieu, qu'en vertu de ce protocole M. A...était rémunéré sous forme de rétrocession d'honoraires et ne bénéficiait pas de minimum garanti en l'absence d'encaissement provenant de sa clientèle, en quatrième lieu, que M. A...disposait en application du même protocole d'un compte bancaire individuel servant à effectuer toute dépense qui lui semblait utile à son activité professionnelle ainsi que d'un compte d'exploitation interne relatif à cette activité, en cinquième lieu, que M. A...demeurait responsable de conduire la relation avec sa clientèle ;

5. Considérant qu'en retenant que, dans ces conditions, et alors même que le contribuable ne pouvait pas développer de clientèle personnelle, c'est à bon droit que l'administration avait estimé qu'il n'existait pas entre M. A...et la société Kimbrough et associés de lien de subordination caractérisant l'exercice d'une activité salariée, et qu'ainsi les revenus perçus par M. A...dans l'exercice de son activité d'avocat devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

Sur l'établissement de la mauvaise foi du contribuable :

6. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger établie la mauvaise foi de M. A...dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et faire application, par voie de conséquence, des dispositions du dernier alinéa de l'article 4 bis du code général des impôts excluant le contribuable de mauvaise foi du bénéfice de l'abattement sur les bénéfices imposables à l'impôt sur le revenu prévu par le premier alinéa du même article, la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, que les déclarations mensuelles de recettes établies par le requérant étaient inférieures d'environ quarante pour cent à celles mentionnées sur la déclaration annuelle de résultat pour 2001 et d'environ quatre-vingt dix pour cent à celles reconstituées à partir des notes d'honoraires et des crédits bancaires relatifs aux années 2002 et 2003 ; qu'en jugeant que l'administration avait pu à bon droit déduire de ces constatations qu'était établie l'intention du requérant d'éluder l'impôt, compte tenu de la nature, de l'importance et de la répétition des insuffisances des chiffres d'affaires déclarés par l'intéressé, la cour a exactement qualifié les faits de la cause ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe d'Arthuys et au ministre du budget.


ECLI:FR:CESSR:2013:339822.20131016
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