Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26/07/2011, 343837
Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26/07/2011, 343837
Conseil d'État - 5ème et 4ème sous-sections réunies
- N° 343837
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mardi
26 juillet 2011
- Président
- M. Jacques Arrighi de Casanova
- Rapporteur
- Mme Domitille Duval-Arnould
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bruno A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté sa demande, présentée le 24 juin 2010, tendant à l'abrogation de l'arrêté du 4 janvier 2008 le suspendant de ses fonctions de chargé de mission auprès du directeur de la police générale à la préfecture de police et à sa nomination dans un emploi du niveau de sous-directeur ;
2°) d'enjoindre au ministre de le nommer dans un emploi fonctionnel du type de sous-directeur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles R. 311-1 et R. 341-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
Considérant que M. A, administrateur civil hors classe nommé, à compter du 16 septembre 2002, chargé de mission auprès du directeur de la police générale à la préfecture de police où il exerçait les fonctions de chef du service des interventions et du contentieux, a été suspendu de ses fonctions par un arrêté du 4 janvier 2008 du ministre de l'intérieur, en raison de poursuites pénales engagées à son encontre ; qu'ayant bénéficié d'un non-lieu résultant d'un arrêt du 1er juin 2010 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, il a demandé au ministre, par une lettre du 24 juin 2010 reçue le 28, d'une part, d'abroger l'arrêté du 4 janvier 2008 et, d'autre part, compte tenu de la suppression du poste de chef du service des interventions et du contentieux dans le cadre d'une réorganisation de la direction de la police générale résultant d'un arrêté du 30 juin 2008 du préfet de police, de l'affecter dans un emploi du niveau de sous-directeur ; qu'il présente un recours pour excès de pouvoir contre les décisions implicites par lesquelles le ministre aurait rejeté ces demandes ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat " ; que la contestation de la décision prononçant, à titre conservatoire, en cas de faute grave, la suspension d'un agent dans l'attente qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation, ainsi que de celle refusant de mettre fin à une telle mesure de suspension, est au nombre des litiges concernant la discipline au sens de ces dispositions, alors même que cette mesure de suspension ne présente pas, par elle-même, le caractère d'une sanction disciplinaire ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions de M. A dirigées contre le refus d'abroger la mesure de suspension dont il a fait l'objet, ainsi que des conclusions, qui leur sont connexes, dirigées contre le refus de l'affecter dans un emploi du niveau de sous-directeur ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent (...) " ; qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (....) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire qui fait l'objet d'une mesure de suspension est maintenu en position d'activité, a droit en cette qualité à des congés de maladie ou de longue maladie en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer les fonctions qu'il exercerait s'il n'était pas suspendu et bénéficie du régime de rémunération afférent à ces congés ; qu'en plaçant ce fonctionnaire en congé de maladie ou de longue maladie, l'autorité compétente met nécessairement fin à la mesure de suspension, sans préjudice de la possibilité pour elle de la décider à nouveau à l'issue du congé si les conditions prévues à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 demeurent remplies ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que, postérieurement aux demandes présentées par M. A le 28 juin 2010, le ministre l'a, par un arrêté du 2 août 2010, placé en congé de longue maladie à compter du 23 mai 2010 pour une durée de neuf mois ; qu'en lui accordant le bénéfice de ce congé, le ministre a, implicitement mais nécessairement, abrogé l'arrêté du 4 janvier 2008 par lequel il avait pris à son encontre une mesure de suspension ; qu'ainsi, les conclusions du requérant dirigées contre le refus de procéder à cette abrogation qui lui aurait été opposé ne peuvent qu'être rejetées ; que, si le ministre a implicitement refusé de le nommer dans un emploi de sous-directeur, cette décision n'est, en tout état de cause, pas entachée d'illégalité, dès lors qu'il est constant qu'à la date à laquelle elle est intervenue, l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas d'exercer une activité professionnelle ; qu'il appartiendra au ministre, si M. A est reconnu apte à l'issue de son congé de longue maladie, de l'affecter dans un emploi correspondant à son grade ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque ; que la présente décision n'impliquant nécessairement aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction ne sauraient être accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.