Cour Administrative d'Appel de Paris, 4ème chambre, 04/05/2010, 08PA04899, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête n° 08PA04899 enregistrée le 23 septembre 2008 présentée pour la REGION ILE DE FRANCE, 33 rue Barbet de Jouy à Paris (75007), par Me Pichon ; la REGION ILE DE FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0426278/6-2 du 15 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Opérationnelle communication la somme de 39 941,65 euros HT ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Opérationnelle communication devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société Opérationnelle communication une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la délibération CR 62-01 du 13 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 avril 2010 :

- le rapport de Mme Monchambert, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- et les observations de Me Pichon, pour la REGION ILE DE FRANCE ;

Considérant qu'au cours du premier semestre 2002, la REGION ILE DE FRANCE a, en application des dispositions de l'article 28 du code des marchés publics, lancé une consultation sans formalités préalables, ayant pour objet la réalisation de prestations pour la mise en place de la 21ème édition du festival du film de l'environnement prévue du 21 au 26 novembre 2002 ; que par une lettre du 3 juin 2002, la société Opérationnelle communication a été informée de l'avis favorable de la commission d'appel d'offres à sa désignation comme attributaire du marché ; qu'à la suite du report de la manifestation sur l'année 2003, le directeur de la communication du Conseil régional a informé le 3 juillet 2003 la société Opérationnelle communication que si le courrier reçu en juin 2002 ne pouvait être considéré comme la notification d'un marché, la région avait cependant toujours la volonté d'organiser ce festival pour l'année 2003, mais dans une configuration totalement différente et qu'en conséquence, le marché ne pouvait lui être notifié compte tenu de son inadéquation avec le projet retenu pour cette année ajoutant que, sous réserve de l'existence d'un préjudice financier, une indemnisation pouvait être envisagée ; que, par une lettre du 18 novembre 2003, la société requérante a adressé au conseil régional une demande d'indemnisation d'un préjudice estimé à 56 352,48 euros TTC du fait de la non-exécution du marché ; que par la présente requête, la REGION ILE DE FRANCE fait appel du jugement en date du 15 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Opérationnelle communication la somme de 39 941,65 euros HT à raison du manque à gagner qu'elle a subi du fait de l'inexécution du marché litigieux tandis que pour sa part, la société Opérationnelle SA qui vient aux droits de la société Opérationnelle communication sollicite la réformation du jugement et le rehaussement de la condamnation de la REGION ILE DE FRANCE à un montant de 47 027,59 euros HT, outre les intérêts de retard ;

Sur la responsabilité de la REGION ILE DE FRANCE :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics, issu du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 : Les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le seuil de 90 000 euros hors taxes n'est pas dépassé (...) le règlement des prestations peut avoir lieu sur présentation de mémoires ou de factures ; qu'aux termes de l'article 11 dudit code : A l'exception de ceux auxquels sont applicables les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre III du présent code, les marchés publics sont des contrats écrits. L'acte d'engagement est la pièce signée par un candidat à un marché public dans laquelle il présente son offre ou sa proposition et adhère aux clauses que la personne publique a rédigées. Cet acte d'engagement est ensuite signé par la personne publique. Le bon de commande est le document écrit adressé par la personne publique contractante au titulaire du marché (...) ; qu'en complément de ces dispositions il résulte des termes de l'article 3 de la délibération CR 62.01 adoptée par le conseil régional le 13 décembre 2001 que l'attribution des marchés passés sans formalités préalables dont le montant est compris entre 10 000 et 90 000 euros HT sera précédée de la consultation d'un minimum de trois entreprises ; qu'aux termes de l'article 4 de ladite délibération : L'attribution des marchés passés sans formalités préalables dont le montant est compris entre 45 000 et 90 000 euros HT fera l'objet d'un contrat écrit dans les conditions prévues à l'article 11 du code des marchés publics et d'une information en commission d'appel d'offres, avant notification des marchés correspondants ; qu'enfin, l'article 5 de cette délibération énonce que le conseil régional autorise le président de la région à prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution y compris le paiement de tout marché d'un montant inférieur au seuil fixé à l'article 28 du code des marchés publics ;

Considérant que si LA REGION ILE DE FRANCE soutient qu'aucun contrat ne la liait à la société Opérationnelle communication, elle ne conteste pas que, par une lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 3 juin 2002, ladite société a été informée de l'avis émis par la commission d'appel d'offres le 27 mai 2002, sur sa désignation à la suite de la consultation lancée par la direction de la communication en vue de l'attribution d'un marché passé sans formalité préalable d'un montant hors taxes de 69 604,94 euros ; qu'il résulte des règles de procédure que la région s'était fixées à elle-même, notamment par les dispositions précitées de la délibération du Conseil régional en date du 13 décembre 2001, que la consultation de la commission d'appel d'offres mise en place par le Conseil régional répond à un souci de transparence et a pour objet de permettre à cette instance, à partir d'un rapport relatif à la présentation de l'ensemble des offres présentées en réponse à une consultation entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 4 précité de la délibération, de valider la désignation proposée par le président du Conseil régional ; qu'il résulte en outre, de l'instruction qu'au vu de la notification de l'avis de la commission, le 3 juin 2002, la société Opérationnelle communication a par un courrier en date du 7 juin 2002 accusé réception de la notification dudit avis, et, se conformant aux dispositions de l'article 5 du règlement de la consultation, a transmis l'état annuel des certificats pour l'année 2001 (DC7) exigé du seul candidat désigné par la commission d'appel d'offres ; que la REGION ILE DE FRANCE qui n'allègue pas ne pas avoir reçu cet état, n'a pas contesté l'interprétation retenue par la société du courrier du 3 juin 2002 qu'impliquait cette transmission ; que dans ces conditions, LA REGION ILE DE FRANCE n'est pas fondée à soutenir que ce courrier ne correspondrait qu'à un document interne qui aurait été reçu par erreur par la société ; qu'au surplus, ainsi que l'a relevé le tribunal, des contacts et des travaux engageant une collaboration entre les parties se sont poursuivis tout au long du second semestre 2002 et en janvier 2003 dans le cadre de la préparation du 21ème festival du film de l'environnement dont la REGION ILE DE FRANCE ne conteste pas avoir dans un premier temps, envisagé le report en avril 2003 ; que dans ces conditions, si la REGION ILE DE FRANCE est fondée à soutenir qu'à la date du 3 juillet 2003, le marché n'avait pas été signé, elle ne peut contester que la société Opérationnelle communication a pu considérer légitimement que la procédure de désignation avait été menée à son terme ; que si dans son courrier du 3 juillet 2003, le directeur de la communication de la REGION ILE DE FRANCE a fait état de l'inadéquation de l'offre de la société Opérationnelle communication avec le projet finalement retenu, il ne résulte pas de l'instruction, nonobstant l'argument invoqué pour justifier le renoncement de la collectivité à signer le marché dont s'agit, dont ladite société était attributaire, que ce renoncement ait été justifié par un motif d'intérêt général ; que par suite, la REGION ILE DE FRANCE, qui ne peut, eu égard aux pièces produites en appel par la société Opérationnelle communication, contester avoir lancé, pour des motifs étrangers à l'intérêt général, une nouvelle consultation le 21 mai 2003 ayant le même objet que le marché litigieux, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis à vis de la société Opérationnelle communication ; que dès lors elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la société Opérationnelle communication était fondée à demander sa condamnation à l'indemniser du préjudice subi du fait qu'elle n'a pas été attributaire du marché ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Considérant que la société Opérationnelle SA qui vient aux droits de la société Opérationnelle communication a droit, contrairement à ce que soutient la REGION ILE DE FRANCE, au remboursement de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi du fait de l'inexécution du marché litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préjudice financier subi à ce titre, correspond ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif, à l'ensemble des prestations internes réalisées par la société requérante ; que la REGION ILE DE FRANCE ne peut utilement soutenir que la somme de 9 528,06 euros réclamée au titre d'honoraires de création, ne pouvait être retenue par les premiers juges au seul motif que la somme concerne la phase préalable à l'obtention du marché ; qu'en appel, la société requérante justifie le manque à gagner qu'elle a subi sur les prestations externes sous-traitées à hauteur d'un montant de 7 186,16 euros HT ; que, par suite, il y a lieu de porter le montant de la condamnation d'un montant de 39 941,65 euros HT à 47 027,59 euros HT et en conséquence, de réformer l'article 1er du jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la REGION ILE DE FRANCE partie perdante, bénéficie du remboursement des frais exposés non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la REGION ILE DE FRANCE une somme de 2 000 euros à verser à la société Opérationnelle ;

D E C I D E

Article 1er : La somme de 39 941,65 euros HT que la REGION ILE DE FRANCE a été condamnée par le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 15 juillet 2008 à payer à la société Opérationnelle communication est portée à 47 027,59 euros HT.

Article 2 : L'article 1er du jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la REGION ILE DE FRANCE est rejetée.
Article 4 : La REGION ILE DE FRANCE versera à la société Opérationnelle communication, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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