Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 31/12/2008, 307142, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SOMARO, dont le siège est 3, rue de Beaunes à Chatou (78403 cedex) ; la SOCIETE SOMARO demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 juin 2005 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995, ainsi que des pénalités correspondantes au titre de dépenses de frais acquittés en 1991 et 1992 ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE SOMARO,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;





Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SOCIETE SOMARO au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995, le vérificateur a notamment remis en cause la déduction en 1995 de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des dépenses de restauration et de représentation exposées au profit de dirigeants, de salariés et de tiers au cours de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 et mentionnée sur des factures rectificatives émises en 1995 par les prestataires de services ; que la SOCIETE SOMARO forme un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 avril 2007 qui n'a pas fait droit à sa demande en annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 juin 2005 en tant qu'il rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de ce redressement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition couvrant les années 1991 et 1992 : 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ; qu'aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code applicable à la même période : Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ; qu'en vertu de l'article 269 du même code, la taxe est exigible chez le redevable lors de l'encaissement du prix ; qu'en vertu de l'article 217 de l'annexe II à ce code dans sa rédaction alors applicable, la déduction de la taxe ayant grevé les services est opérée par imputation sur la taxe due par l'entreprise au titre du mois qui suit celui pendant lequel le droit à déduction a pris naissance ; qu'en vertu des dispositions de l'article 289 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, tout assujetti doit délivrer une facture pour les services rendus à un autre assujetti, laquelle doit faire apparaître par taux d'imposition le total hors taxe et la taxe mentionnée distinctement ; qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts : 1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 et 217. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit l'omission. ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées, interprétées à la lumière des articles 17 paragraphes 1 et 2 et 18 paragraphes 1, 2 et 3 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que si le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le prestataire de services, d'une part, il ne peut être exercé que lorsque le bénéficiaire des prestations s'est acquitté du prix demandé et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, le délai pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le fournisseur ; qu'en conséquence, pour pouvoir déduire la taxe dont la déclaration a été omise, il incombe à celui qui acquitte une facture ne faisant pas apparaître le montant de cet impôt, alors qu'il n'ignore pas que le prestataire en est redevable, de se faire délivrer dans le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II une facture répondant aux exigences de l'article 289 précité ; que ce délai, qui n'est pas moins favorable que celui prévu pour présenter une réclamation, n'est pas contraire aux dispositions de la sixième directive dont l'article 18 paragraphe 3 n'interdit pas que soient prévues en droit national des forclusions du droit à déduction ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les prestations de services qui étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ont été réalisées en 1991 et 1992 et que si les factures correspondantes ont été émises au cours de ces deux années, elles ne mentionnaient ni le taux ni le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'après avoir relevé ces faits et constaté que la société, qui n'avait pas fait les diligences nécessaires pour obtenir dans le délai prévu par l'article 224 de l'annexe II des factures comportant les mentions nécessaires à la déduction de la taxe, produisait, pour justifier les déductions opérées, des factures rectificatives établies en 1995, la cour n'a méconnu ni la distinction entre la naissance du droit à déduction et l'exercice de ce droit ni les termes de la sixième directive en ce qui concerne les limitations que les Etats membres peuvent apporter à l'exercice du droit à déduction, en jugeant que dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée était devenue exigible chez les prestataires de services respectivement en 1991 et 1992 au moment de l'encaissement des sommes portées sur les factures, le délai prévu par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts pour exercer le droit à déduction courait à compter de chacune de ces années et était expiré les 31 décembre 1993 et 31 décembre 1994 et qu'en conséquence, la société ne pouvait déduire en 1995 la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces prestations en se prévalant des factures rectifiées émises cette même année ;

Considérant que les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité et de ce qu'une limite du droit à déduction constituerait une mesure à effet discriminatoire sont nouveaux en cassation et n'étant pas d'ordre public, de ce fait, irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SOCIETE SOMARO doit être rejeté ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE SOMARO est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SOMARO et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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